Par un simple communiqué, le Palais de l’Elysée a annoncé à la mi-journée, ce vendredi 13 décembre 2024, la nomination de François Bayrou au poste de Premier ministre. Ainsi, celui-ci devenait, après Elisabeth Borne, Gabriel Attal et Michel Barnier, le quatrième locataire de l’Hôtel de Matignon en une année, du jamais vu en France depuis 1913… Cette nomination mettait fin à un vaudeville débuté voilà plus d’une semaine durant lequel furent évoqués les noms de Sébastien Lecornu, Bernard Cazeneuve, Roland Lescure, Catherine Vautrin, François Baroin ou encore Marisol Touraine. Le nouveau Premier ministre a 6 chantiers à mener et non des moindres. Il lance déjà un appel à la réconciliation.
Après deux ultimes rendez-vous en matinée de ce 13 décembre, souhaitant un « gouvernement d’intérêt général », le Président de la République a donc finalement demandé à François Bayrou, 73 ans, qui affiche près de cinquante années en politique, président du MoDem (Mouvement des Démocrates, centre), haut-commissaire au Plan et maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) de « constituer un gouvernement et de dialoguer avec les partis politiques sauf le Rassemblement National (RN- extrême droite, Ndlr) et La France Insoumise (LFI- gauche radicale, Ndlr) pour assurer la stabilité »… Et de ne pas être censuré à l’Assemblée nationale au bout de trois mois d’exercice, comme le fut celui de son prédécesseur Michel Barnier.
Six grands chantiers à réaliser
Toutefois, les données restent les mêmes. François Bayrou, qui fut ministre de l’Education sous la présidence de Jacques Chirac et de la Justice au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, va être confronté à plusieurs grands chantiers dans un contexte économique plus que compliqué avec une dette supérieure à plus de 3.200 milliards d’euros.
Notre volonté est de faire tomber François Bayrou, donc Emmanuel Macron.
Des chantiers au nombre de six : l’immigration, l’emploi, la retraite, l’école, l’agriculture et, en tout premier lieu, le budget pour 2025. C’est ce dernier projet qui, à l’Assemblée nationale, a fait tomber Michel Barnier et qui, constitutionnellement, doit être adopté par les députés avant le 31 décembre 2024 (sinon, par une « loi spéciale », celui de 2024 sera reconduit). Ce qui implique que le nouveau Premier ministre puisse compter sur le « bloc central » (Ensemble pour la République, le MoDem et Horizons) et rallier des LR (droite) et aussi des représentants de la gauche avec les socialistes et les écologistes.
La France insoumise (LFI) menace déjà Bayrou de censure
A ce jour, c’est loin d’être gagné. Puisque LFI a déjà annoncé qu’il censurerait le gouvernement Bayrou, que le RN se réserve la possibilité de le faire à tout moment, et que les écologistes et les communistes feront de même si le Premier ministre a recours à l’article 49.3 de la Constitution… Peu après sa nomination, François Bayrou a cité François Mitterrand, élu Président de la République le 10 mai 1981 : « Maintenant, les ennuis commencent ».
Après un été enthousiasmant avec la réussite des Jeux olympiques à Paris, puis la récente renaissance de la cathédrale Notre-Dame, c’est pourtant bien Emmanuel Macron qui a le plus gros à jouer dans cette séquence.
Jordan Bardella, le président du RN, commente : « Macron est un Président bunkerisé » et Manuel Bompard, porte-parole de LFI, annonce : « Notre volonté est de faire tomber François Bayrou, donc Emmanuel Macron ».
Ce que l’on vit, ce n’est pas une crise, c’est un pourrissement.
Le sociologue David Muhlmann, auteur d’« Où va la France de Macron ? » (2022), est catégorique : « Ce que l’on vit, ce n’est pas une crise, c’est un pourrissement ». De plus en plus, monte la demande de démission d’Emmanuel Macron. Mais le Président a déjà prévenu qu’il accomplira son mandat présidentiel jusqu’à son terme en 2027. En vieux briscard de la chose politique, François Bayrou dit simplement : « Tout le monde se dit qu’il y a un chemin à trouver. Ça passera par une nécessaire réconciliation… »
Serge Bressan (correspondant à Paris)
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