Pesticides interdits en Europe : une exportation massive vers l’Afrique et un retour inquiétant dans les assiettes européennes
Malgré leur interdiction d’utilisation sur le sol européen, des pesticides jugés toxiques continuent d’être produits et exportés vers des pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. En 2023, des milliers de tonnes de substances comme le thiaméthoxame, le diquat ou le paraquat ont été acheminées vers des pays comme le Maroc, l’Afrique du Sud, le Sénégal et l’Egypte. Ces produits, bien qu’interdits en Europe pour protéger la santé publique et la biodiversité, trouvent une nouvelle vie dans des zones où les régulations sont faibles, avec des conséquences graves sur l’environnement et les populations locales. Ironiquement, ces substances reviennent ensuite en Europe sous forme de résidus dans des produits agricoles importés, comme le café, les agrumes et le soja, posant un défi éthique et sanitaire majeur.
Les pays européens, bien qu’interdisant l’utilisation de nombreux pesticides sur leur territoire, restent des producteurs et exportateurs majeurs. En 2023, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, la Belgique et l’Italie représentaient plus de 90 % des exportations de pesticides interdits
Une Europe productrice, mais non consommatrice
France : avec des volumes dépassant 7 000 tonnes par an, elle est un des leaders dans la production et l’exportation de substances toxiques comme le fipronil et le thiaméthoxame, notamment vers l’Afrique et le Brésil.
Allemagne : Bayer et BASF continuent de produire des substances interdites, comme le dichloropropène, largement utilisé en Afrique du Sud et au Kenya.
Royaume-Uni : en 2023, plus de 8 500 tonnes de pesticides bannis, incluant le thiaméthoxame et le diquat, ont été exportés principalement vers le Maroc, l’Ukraine et la Côte d’Ivoire.
Impacts et dangers pour les pays africains
Les pays africains comme le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Soudan et le Sénégal figurent parmi les principaux importateurs. Ils reçoivent des volumes élevés de pesticides interdits pour des cultures clés comme les agrumes, les légumes et les céréales
Maroc : environ 374 tonnes de thiaméthoxame ont été importées en 2023. Cet insecticide est responsable du déclin des pollinisateurs, essentiel pour la pollinisation des fruits et légumes.
Afrique du Sud : utilisation massive du paraquat et du fipronil, entraînant des intoxications humaines et des pertes importantes parmi les abeilles.
Sénégal et Soudan : ces pays, aux infrastructures de contrôle limitées, sont des terrains privilégiés pour les pesticides européens, avec des risques accrus de contamination des sols et des eaux. Les conséquences sont dramatiques : empoisonnement des travailleurs agricoles, pollution des nappes phréatiques et baisse de la biodiversité.
Retour en Europe dans les aliments importés
Un effet boomerang se manifeste : les résidus de ces pesticides interdits se retrouvent dans les produits agricoles importés en Europe. Une étude menée en 2023 par Greenpeace a révélé que 98 % des fruits et légumes testés importés du Brésil contenaient des traces de pesticides interdits, dont le paraquat et le fipronil.
Les agrumes et citrons verts : contaminés par le paraquat, ils sont vendus dans plusieurs pays européens, notamment en France, en Allemagne et en Italie.
Le soja et le café : provenant principalement du Brésil, ces cultures utilisent des pesticides exportés par l’Europe, comme le thiaméthoxame et le glyphosate.
En raison de l’intensification des accords commerciaux, comme l’accord UE-Mercosur, ces importations vont augmenter, aggravant l’exposition des citoyens européens à ces substances toxiques.
Régulations et défis éthiques : un appel à l’interdiction globale
Les ONG comme Greenpeace et Public Eye réclament une interdiction totale, non seulement de l’utilisation, mais également de la production et de l’exportation de ces pesticides interdits. La France a amorcé une interdiction partielle en 2022, mais les failles législatives permettent encore l’exportation sous forme de « substances actives » non transformées.
Des solutions existent et sont nombreuses.
Harmonisation des régulations internationales : une coopération entre l’UE, les pays importateurs et les instances internationales pour bannir ces pratiques.
Contrôle renforcé des importations : tester systématiquement les résidus de pesticides sur les produits alimentaires importés.
Alternatives durables : encourager des pratiques agricoles biologiques et écologiques, notamment dans les pays importateurs
Hamid Chriet