NOUVEAU GOUVERNEMENT EN FRANCE

France : pour son premier gouvernement, François Bayrou fait appel à des poids lourds. Pour combien de temps ?

Le nouveau Premier ministre François Bayrou a enfin son gouvernement composé de 35 ministres dont deux anciens Premiers ministres. AFP

Il l’avait promis, il l’a fait. Nommé Premier ministre le 13 décembre 2024 par le Président de la République Emmanuel Macron, François Bayrou a tenu sa promesse en bouclant la formation de son gouvernement avant Noël. Successeur de Michel Barnier (Premier ministre pendant trois mois, censuré par les députés à l’Assemblée nationale), maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) et haut-commissaire au Plan, le patron du MoDem n’avait pas manqué de noter qu’il n’ignorait pas combien la situation de la France, avec une dette abyssale de 3 300 milliards d’euros, lui évoquait l’ascension de l’Himalaya. Et en privé, il ajoutait qu’il n’ignorait pas la difficulté à constituer un gouvernement qui ne pourrait pas, comme celui de Michel Barnier, compter sur le soutien et une majorité absolue au Parlement. Donc, les données du problème posé à François Bayrou : trouver des alliances pour pouvoir, dans un premier temps, faire adopter le budget. On retrouve dans le premier gouvernement de François Bayrou deux anciens Premiers ministres (Elisabeth Borne, Manuel Valls) et le retour d’un homme fort de la Macronie, Gérald Darmanin.

Ainsi, d’emblée, le nouveau Premier ministre, François Bayrou, avait indiqué qu’il souhaitait élargir la coalition composée d’Ensemble pour la République (soutien au Président de la République) et des députés Les Républicains (LR) au Parti Socialiste (PS), aux écologistes et au Parti communiste français (PCF) et qu’en aucun cas, il ne travaillerait avec le Rassemblement National (RN, extrême-droite) et La France Insoumise (LFI, gauche radicale). Des rencontres ont eu lieu, mais sans résultat ni promesse de « non-censure »…

Un gouvernement de 35 ministres

Après d’âpres négociations, le secrétaire général du Palais de l’Elysée, Alexis Kohler, a annoncé, ce lundi 23 décembre 2024, le gouvernement Bayrou : 35 ministres (8 LR, 18 bloc central, 4 issus du PS et 2 de la société civile) parmi lesquels on note deux ex-Premiers Ministres (Elisabeth Borne et Manuel Valls), un retour (Gérald Darmanin à la Justice) et, parmi les entrants, François Rebsamen (ancien ministre du Travail sous la présidence de François Hollande, rallié à Emmanuel Macron dès 2017), etc. Un poids lourd du gouvernement Barnier garde son poste : Bruno Retailleau à l’Intérieur ; le directeur général de la Caisse des Dépôts, issu de la société civile, Eric Lombard arrive à l’Economie…

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L’ancienne Première ministre, Elisabeth Borne (à gauche sur la photo) et l’ancien premier flic de France, Gérald Darmanin décrochent des portefeuilles importants. (Photo par Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)

« Je suis très fier de l’équipe présentée, d’un gouvernement d’expérience », a commenté François Bayrou, quatrième Premier ministre en un an. « Ce n’est pas une équipe de seconds couteaux », ajoute un député européen Renew alors que, selon le parti écologiste, cette équipe n’est rien d’autre qu’« un recyclage ». Et déjà, une petite musique monte dans le microcosme politique : combien de temps va tenir l’équipe Bayrou ? plus longtemps que celle de Michel Barnier ?

Un exécutif toujours à la merci de Marine Le Pen

Toutefois, avec ce gouvernement Bayrou, le Premier ministre paraît être à la merci du RN. En effet, jusqu’à la veille de l’annonce de l’équipe ministérielle, François Bayrou avait envisagé de confier le ministère de la Justice à Xavier Bertrand, président (LR) de la région Hauts-de-France. Mais immédiatement, Marine Le Pen, la présidente des députés RN a fait savoir qu’avec celui-ci au gouvernement, son parti voterait immédiatement la censure… et donc la chute de l’équipe Bayrou.

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L’ancien Premier ministre, Manuel Valls, fait son retour au gouvernement et fait partie des quatre ministres d’Etat. (Photo par GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Dans un communiqué, Xavier Bertrand a indiqué que François Bayrou lui avait signifié que son éventuelle présence dans le gouvernement posait problème et faisait figure de ligne rouge pour le RN et Marine Le Pen, sous la menace d’une peine d’inéligibilité de 5 ans dans l’affaire « des assistants parlementaires ».

Donc, au final, pas de Bertrand au gouvernement. « Pas de Bertrand, et c’est tant mieux », confie le porte-parole du Rassemblement National. Quelques rappels : en 2022, François Bayrou a donné sa signature à Marine Le Pen pour qu’elle puisse se présenter à l’élection présidentielle. Il est tenu comme respectueux du RN et, lors de ses consultations avant la formation de son gouvernement, il a reçu la « patronne » du RN en premier…

Un gouvernement fragile

Au RN, interrogé sur le possible recours à la censure du gouvernement Bayrou, on s’interroge : « quelle politique va-t-il mettre en place ? va-t-il abroger la réforme des retraites ? Il est temps qu’ils écoutent nos contre-propositions. Maintenant, c’est à eux de jouer. On est ouvert au dialogue mais… ».

Ainsi, Marine Le Pen et son parti sont plus que jamais maîtres du jeu. « Bayrou mange dans la main de Marine Le Pen », glisse un observateur de la chose publique qui ajoute : « François Bayrou a été nommé à Matignon un vendredi 13, et il a annoncé son gouvernement le jour de deuil national en hommage au drame qu’a subi Mayotte ».

Prochains rendez-vous en 2025 : un premier conseil des ministres le 3 janvier, puis discours de politique générale de François Bayrou le 14 janvier à l’Assemblée nationale…

Serge Bressan (correspondant à Paris)

 

>Le gouvernement Bayrou

 

-Ministre de l’Education nationale : Elisabeth Borne (ministre d’Etat)

-Garde des Sceaux, ministre de la Justice : Gérald Darmanin (ministre d’Etat)

-Ministre des Outre-mer : Manuel Valls (ministre d’Etat)

-Ministre de l’Intérieur : Bruno Retailleau (ministre d’Etat)

-Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles : Catherine Vautrin

-Ministre des Armées : Sébastien Lecornu

-Ministre de l’Economie, de la Souveraineté industrielle et numérique : Eric Lombard

-Ministre de l’Aménagement des territoires et de la Décentralisation : François Rebsamen

-Ministre de la Culture : Rachida Dati

-Ministre de la Transition écologique, de la biodiversité, de la mer et de la pêche : Agnès Pannier-Runacher

-Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères : Jean-Noël Barrot

-Ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification : Laurent Marc-Angeli

-Ministre de l’Agriculture, et de la Souveraineté alimentaire : Annie Genevard

-Ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative : Marie Barsacq

-Ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations : Aurore Bergé

-Ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche : Philippe Baptiste

-Ministre chargée du travail et de l’emploi : Astrid Panosyan-Bouvet

-Ministre chargée de l’autonomie et du handicap : Charlotte Parmentier-Lecocq

-Ministre chargé de l’Industrie : Marc Ferracci

-Ministre chargée déléguée de l’Intelligence artificielle et du Numérique : Clara Chappaz

-Ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants : Patricia Mirallès

-Ministre chargé des Transports : Philippe Tabarot

-Ministre de la Ville : Juliette Méadel

-Ministre chargé du commerce extérieur et des Français de l’Etranger : Laurent Saint-Martin.

-Ministre déléguée aux Comptes nationaux : Amélie de Montchalin.