Société

Etats-Unis : à la Nouvelle-Orléans, le terrorisme islamique fait un tragique retour


Un homme au volant d’un lourd Pick-up a foncé dans la foule qui déambulait pour profiter de la nuit de la Saint Sylvestre à La Nouvelle Orléans, avant de sortir de son véhicule et de tirer sur la police avec une arme de guerre. Il a été abattu par des tirs de riposte. Avec au moins 10 morts et une quarantaine de blessés, le bilan est particulièrement lourd. Les autorités ont hésité à qualifier cet « incident » d’acte « terroriste », mais au fil de la journée, les informations se sont accumulées, ne laissant plus de place au doute. Ce mercredi 1er janvier, en début d’après-midi, enfin, le FBI, la maire de la Nouvelle-Orléans et la cheffe de la police locale ont confirmé qu’il s’agissait bien d’un attentat et que celui-ci a été commis au nom du groupe Etat Islamique. On connaît désormais l’identité de l’auteur de l’attentat. Plusieurs questions se posent.

La Nouvelle-Orléans, s’il ne s’agit pas d’une ville particulièrement riche, est néanmoins un endroit où l’on s’amuse. C’est vrai en particulier du « Quartier français », la « vieille ville » où cohabitent bars, restaurants et clubs de jazz. Et c’est là que le drame s’est produit.

A 3h15, un pick-up fonce sur la foule

Mercredi 1er janvier 2025, il était exactement 3h15 du matin (10h15 en Belgique) sur Bourbon street, lorsqu’un pick-up a renversé les barrières de sécurité et a foncé sur la foule encore dense qui déambulait d’un bar à l’autre. Les artistes de rue, jouant du jazz, se mêlaient aux noctambules sortant des restaurants et des bars. Hommes et femmes buvaient et dansaient ou échangeaient des vœux.

Au bout de sa course de mort, le conducteur est sorti de la voiture et a ouvert le feu sur les policiers qui accourraient avant d’être tué dans un échange de tirs.

Et soudain, la fête a tourné au drame. Au bout de sa course de mort, le conducteur est sorti de la voiture et a ouvert le feu sur les policiers qui accourraient avant d’être tué dans un échange de tirs. Deux policiers ont été blessés, mais se trouvaient, mercredi après-midi dans un état « stable ».

L’horreur s’est produite moins de deux semaines après qu’une voiture a foncé sur des familles qui dégustaient des friandises et des objets artisanaux sur un marché de Noël à Magdebourg, en Allemagne (pour rappel, cette attaque, commise par un médecin d’origine saoudienne déséquilibré et sympathisant de l’ultra-droite a fait 5 morts et 200 blessés).

AFP

A quelques jours de l’investiture du président Dinald Trump, l’attentat du 1er janvier 2025 pose un problème de sécurité. (Photo par JIM WATSON / AFP).

Attentat terroriste

Dans les premières heures qui ont suivi la tragédie, la confusion régnait : la maire de New Orleans, LaToya Cantrell, évoquait un acte terroriste alors que le FBI disait ne pas privilégier cette piste. Pour couronner le tout, on a eu droit, pour le reste, à un petit florilège de déclarations plus ineptes les unes que les autres. La mairie a ainsi pensé devoir déclarer qu’il ne s’agissait pas d’un incident lié à « l’alcool au volant » (on s’en doutait quand même un peu…), alors que la Maison Blanche assénait judicieusement qu’elle ne « tolérerait aucun autre attentat » (le contraire serait effectivement inquiétant).

Vers 9h du matin (locale), le FBI annonçait enfin enquêter sur un « attentat terroriste », mais trois pistes étaient ouvertes.

Vers 9h du matin (locale), le FBI annonçait enfin enquêter sur un « attentat terroriste », mais trois pistes étaient ouvertes. L’auteur des faits pouvait avoir été mû par l’idéologie djihadiste, par le suprémacisme blanc de l’ultra-droite (La Nouvelle-Orléans est une ville à majorité afro-américaine et le Quartier français abrite de nombreux clubs gays ou des bars proposant des spectacles de travestis) ou encore par des sentiments « antisystème » (comme c’était le cas du tueur qui a abattu Brian Thompson, directeur d’UnitedHealthcare à New York, le 4 décembre) …

L’auteur des faits : un ancien officier de l’U.S. Army rallié à Daech

Puis, les précisions sont tombées. Le terroriste s’appelait Shamsud-Din Jabbar ; citoyen américain de 42 ans, il résidait au Texas et avait passé une dizaine d’années dans l’armée en qualité d’officier. Avant de se lancer dans son entreprise meurtrière, il avait pris soin de fixer un drapeau du groupe Etat islamique à l’arrière de son pick-up.

Plus inquiétant encore, des explosifs ont été découvert dans son véhicule, mais également « en plusieurs endroits du quartier français ». En milieu d’après-midi, les démineurs du FBI analysaient ces charges pour vérifier si elles étaient actives et en état de fonctionner.

Pas un loup solitaire

Outre la dispersion des explosifs en plusieurs lieux, au moins un autre élément a conduit le FBI à annoncer qu’il ne pensait pas que Jabbar avait agi seul : le véhicule utilisé était muni d’une plaque texane (correspondant donc à l’Etat de résidence de l’auteur des faits), mais il avait été filmé, deux jours avant l’attentat, en provenance du Mexique au poste frontière d’Eagle Pass (Texas), à 1.000 kilomètres de La Nouvelle-Orléans.

Identifier les complices du conducteur criminel est évidemment une priorité absolue pour les enquêteurs qui craignent que d’autres attentats soient programmés.

On ignore encore, à ce stade, qui le conduisait à son entrée aux Etats-Unis. Identifier ces complices est évidemment une priorité absolue pour les enquêteurs qui craignent que d’autres attentats soient programmés.

Il faudra ensuite déterminer quand et à quelle occasion Jabbar s’est radicalisé. Des publications qui émergent sur les réseaux sociaux tendent à prouver que l’individu était impliqué, depuis deux ans, dans un divorce difficile qui l’aurait « ruiné ». Il s’agit peut-être là de l’un de ces moments de rupture dans la vie qui plongent certains sujets dans une situation de fragilité et qui en font des cibles potentielles pour un recrutement terroriste.

AFP

Les derniers jours du président sortant Joe Biden à la Maison Blanche endeuillés par un attentat terroriste. (Photo par SAMUEL CORUM / AFP).

Première attaque islamiste depuis 2019

Alors que dans 19 jours, Donald Trump accédera à la présidence, cet attentat (la première attaque islamiste aux Etats-Unis depuis 2019) va certainement traumatiser le pays. D’abord parce qu’il réveille les douloureux souvenirs du 11 septembre 2001, mais aussi bien entendu parce que c’est une foule joyeuse, fêtant l’arrivée de l’An nouveau, qui a été visée.

Immanquablement, il nourrira une double, voire une triple polémique. La première portera sur les mesures de sécurité qui entouraient les festivités du Nouvel An. Il apparaît d’ores et déjà que, comme à Magdebourg, tout n’avait pas été fait pour empêcher un drame. Ainsi, les herses qui permettaient de bloquer l’accès à Bourbon street n’avaient pas été levées.

Immanquablement, il nourrira une double, voire une triple polémique. La première portera sur les mesures de sécurité qui entouraient les festivités du Nouvel An.

Or, elles auraient certainement pu bloquer le pick-up ou, à tout le moins, le ralentir.

La seconde portera sur le profil du terroriste. Etait-il connu des « services » ? Et, dans ce cas, pourquoi n’a-t-il pas été mis hors d’état de nuire avant le passage à l’acte ?

Mais une troisième polémique – mêlant, elle, sécurité nationale et politique – va probablement voir le jour. Donald Trump n’a pas caché sa volonté de « nettoyer » le FBI (auquel il reproche de l’avoir « persécuté »). Alors que l’enquête qui vient de débuter va nécessiter des moyens énormes et un engagement total des agents fédéraux, le moment n’est peut-être pas le mieux choisi pour bousculer le Bureau.

Hugues Krasner


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