ELON MUSK RELANCE UN SCANDALE D'AGRESSIONS SEXUELLES AU ROYAUME-UNI

Royaume-Uni : Elon Musk se mêle du scandale du gang de violeurs et charge le Premier ministre Starmer

Le propriétaire du réseau X (ex-Twitter), Elon Musk (en bas surl aphoto) accuse le Premier ministre britannique, Keir Starmer (en haut) d'avoir étouffé un scandale d'agressions sexuelles commises par des Britanniques d'origines pakistanaises sur des jeunes filles blanches. Photo Belga

C’est une affaire qui avait choqué le Royaume-Uni lorsqu’elle avait éclaté en 2013, à Rotherham, dans le nord du pays. L’Angleterre avait alors découvert avec effroi l’un des plus grands scandales d’abus sexuels de son histoire. Entre 1997 et 2013, ce que l’on a par la suite appelé le « gang de Rotherham » a sévi dans cette ville industrielle du Yorkshire. Une enquête avait été diligentée par les autorités locales du Yorkshire dans un premier temps. Publié en 2014, le rapport mené par Alexis Jay (connu sous le nom de « Rapport Jay ») a révélé que plus de 1 400 enfants avaient été victimes de sévices sexuels, majoritairement des filles âgées de 11 à 16 ans. Ces abus incluaient des viols, des agressions physiques, des menaces et des trafics d’êtres humains. Les victimes étaient majoritairement des jeunes filles blanches issues de milieux défavorisés, notamment celles qui grandissaient en foyers d’accueil. Les principaux acteurs au sein du gang, des hommes britanniques d’origine pakistanaise, ont donné à cette affaire une dimension raciale. Selon certains, cette composante aurait contribué à l’étouffement du scandale, les autorités ayant craint d’être accusées de racisme. En effet, les institutions locales ont été accusées d’avoir tardé à agir par peur de stigmatiser une communauté ethnique. Une récente publication d’Elon Musk sur le réseau X (ex-Twitter dont il est propriétaire) a relancé le scandale, car le milliardaire américain accuse explicitement le Premier ministre britannique, Keir Starmer, d’avoir étouffé l’affaire.

Le rapport Jay a ensuite entraîné une enquête gouvernementale pour faire face aux nombreuses défaillances des autorités locales, notamment les services sociaux.  Les membres principaux du gang ont été condamnés à des peines allant de 10 à 30 ans de prison.

Alors pourquoi cette affaire douloureuse, qui a marqué le pays, refait-elle surface plus de 10 ans après les faits ?

Les graves accusations d’Elon Musk contre Keir Starmer

Une publication d’Elon Musk, patron du réseau social X (anciennement Twitter) et proche allié du future president américain, Donald Trump, a récemment relancé le dossier.

En effet, le milliardaire américain, propriétaire de la marque automobile Tesla, a accusé le Premier ministre britannique, Keir Starmer, d’être « complice du viol en Grande-Bretagne ». Il faisait ainsi référence à la période où Keir Starmer dirigeait le Service des poursuites de la Couronne (Crown Prosecution Service, CPS), l’organisme chargé de décider si les enquêtes policières doivent aboutir à des poursuites judiciaires.

Elon Musk reproche à Keir Starmer, ancien patron du service des poursuites de la Couronne, de ne pas avoir poursuivi les auteurs des abus dans l’affaire de Rotherham par peur d’accusation de racisme.

Dans son tweet, Elon Musk reproche à l’ancien patron du service des poursuites de la Couronne, Keir Starmer, de ne pas avoir poursuivi les auteurs des abus dans l’affaire de Rotherham. Il a alimenté une théorie selon laquelle les autorités britanniques auraient délibérément ignoré les signalements par crainte d’accusations de racisme. Cette déclaration a rapidement provoqué une tempête médiatique et politique, plaçant Starmer au centre des critiques.

Du pain béni pour l’extrême droite

La publication d’Elon Musk a notamment été reprise par des personnalités d’extrême droite, qui y ont vu une confirmation de leurs thèses sur les dangers de l’immigration et du multiculturalisme. Ces groupes ont utilisé les abus de Rotherham comme exemple des prétendus « échecs » des autorités à protéger la majorité blanche britannique face à des communautés immigrées.

Ce n’est pas la première fois qu’Elon Musk attaque vivement Keir Starmer et son gouvernement de centre-gauche. Cependant, pour le Premier ministre britannique, c’est l’attaque de trop. Il accuse le patron de X d’ingérence politique. De son côté, Elon Musk persiste et signe, affirmant dans une série de tweets que le Parti travailliste préfère « protéger les musulmans de lislamophobie plutôt que protéger des mineurs contre des violeurs ».

La défense de Keir Starmer

Face à ces accusations, Keir Starmer a fermement défendu son bilan lors d’une conférence de presse. Il a rappelé que, sous sa direction, le CPS avait rouvert plusieurs enquêtes précédemment classées concernant des gangs d’exploitation sexuelle. « Ces crimes ignobles nont jamais été ignorés. Jai personnellement supervisé des efforts pour que justice soit rendue aux victimes », a-t-il déclaré.

Le locataire du 10 Downing Street a également critiqué la propagation de « mensonges et de désinformation » sur les réseaux sociaux, sans mentionner nommément Elon Musk.

Ces crimes ignobles nont jamais été ignorés. Jai personnellement supervisé des efforts pour que justice soit rendue aux victimes.

Il a insisté sur les défis auxquels il faisait face en tant que DPP (Director of Public Prosecutions), notamment les défaillances systémiques au sein de la police et des services sociaux, qui avaient pendant des années ignoré ou sous-estimé les signalements d’abus. Ces défaillances, bien qu’exposées dans le rapport Jay, remontent à une période antérieure à son mandat.

Le rôle de Keir Starmer dans l’affaire de Rotherham

En tant que directeur des poursuites publiques, Keir Starmer a joué un rôle indirect mais significatif dans l’affaire de Rotherham. Sous son mandat, le CPS a adopté de nouvelles directives pour traiter les cas d’exploitation sexuelle, en accordant davantage de crédit aux témoignages des victimes. Cependant, ces mesures sont arrivées tardivement, alors que de nombreuses victimes avaient déjà vu leurs plaintes rejetées par les institutions concernées.

Le tweet d’Elon Musk survient dans un contexte où le Gouvernement travailliste a rejeté une demande de nouvelle enquête sur les défaillances systémiques des autorités locales dans l’examen des violences sexuelles. Le gouvernement a affirmé que le rapport national publié en 2014 contenait déjà des recommandations claires et que ses efforts se concentraient sur leur mise en œuvre.

L’opposition réclame une nouvelle enquête

De son côté, l’opposition conservatrice, menée par la présidente du pari conservateur, Kemi Badenoch, réclame une nouvelle enquête « pour mettre en lumière les responsables politiques qui ont participé à étouffer laffaire pendant des années ».

Kemi Badenoch, réclame une nouvelle enquête « pour mettre en lumière les responsables politiques qui ont participé à étouffer laffaire pendant des années ».

L’autrice du rapport, Alexis Jay, ancienne assistante sociale, a exprimé sa déception face à la lenteur de la mise en œuvre des 20 recommandations qu’elle avait formulées en 2014.

L’affaire de Rotherham reste un symbole douloureux des échecs passés des institutions britanniques à protéger les plus vulnérables. Bien que des efforts aient été faits pour rendre justice aux victimes, son instrumentalisation par divers acteurs politiques continue de polariser l’opinion publique. Cette affaire met en lumière des tensions profondes sur les questions d’immigration, du multiculturalisme britannique et de la responsabilité politique.

Léna Job (à Londres)