FOCUS SUR UN FIDELE ALLIE DE DONALD TRUMP

Pour Peter Geoghegan, l’interventionnisme d’Elon Musk est une menace pour les démocraties modernes

Le président élu américain Donald Trump (à gauche) et le PDG de Tesla et SpaceX, Elon Musk, assistent à un combat lors de l'UFC 309 au Madison Square Garden de New York, le 16 novembre 2024. AFP

A la veille de l’investiture de Donald Trump, le journaliste d’investigation irlandais, Peter Geoghegan, auteur du best-seller Democracy For Sale, a rencontré la presse étrangère à Londres pour une discussion saisissante sur l’argent noir, la manipulation politique et les menaces qui pèsent sur la démocratie. Figure majeure du journalisme d’investigation, il est connu pour ses travaux sur la transparence et l’influence occulte dans la sphère politique. Ses articles, publiés dans des médias prestigieux comme The Guardian ou The New York Times, lui ont valu plusieurs nominations aux British Journalism Awards et une reconnaissance mondiale pour son analyse percutante des dérives démocratiques. Dans Democracy For Sale : Dark Money and Dirty Politics, Peter Geoghegan révèle comment les grandes fortunes et les intérêts cachés sapent les démocraties modernes, du Royaume-Uni aux Etats-Unis en passant par l’Europe continentale. Lors de cette rencontre, il a mis en lumière un sujet brûlant : l’ingérence croissante d’Elon Musk dans les affaires politiques européennes et britanniques, notamment à travers sa plateforme de médias sociaux, X (ex-Twitter).

Elon Musk, Nigel Farage et le spectre du 10 Downing Street

Pendant qu’Elon Musk domine les gros titres avec ses tweets polémiques visant le Gouvernement britannique et des leaders européens, une rumeur suscite l’effervescence politique : le propriétaire du réseau X (ex-Twitter) envisagerait de financer Nigel Farage et son parti, Reform UK, pour en faire une force électorale capable de conquérir le 10 Downing Street.

Cette situation illustre la vulnérabilité de nos démocraties face aux influences extérieures et l’urgence d’une réforme.

Le journaliste d’investigation irlandais, Peter Geoghegan a évoqué des rapports troublants indiquant qu’Elon Musk aurait envisagé un don de 100 millions de dollars pour soutenir le parti de Nigel Farage. Bien que Musk ait nié ces allégations, des discussions entre les deux hommes auraient eu lieu récemment à Mar-a-Lago, la propriété de Donald Trump en Floride. Selon Nigel Farage, « la question de l’argent a été abordée ». Cette situation, selon Peter Geoghegan, illustre « la vulnérabilité de nos démocraties face aux influences extérieures et l’urgence d’une réforme ».

Musk, un levier d’influence politique à travers X

Depuis son rachat de Twitter/X en 2022, Elon Musk s’est doté d’un levier d’influence politique incomparable. Son comportement erratique et ses attaques contre les gouvernements et les institutions publiques sont devenus des catalyseurs de l’actualité mondiale.

Depuis son rachat de Twitter/X en 2022, Elon Musk s’est doté d’un levier d’influence politique incomparable.

Cette influence s’est manifestée de façon spectaculaire au Royaume-Uni, où le milliardaire américain a amplifié des fausses informations ayant contribué à des émeutes anti-immigrés dans le nord de l’Angleterre. Il a accusé Keir Starmer, leader travailliste, de restreindre la liberté d’expression après des arrestations de manifestants, allant jusqu’à prédire une « guerre civile inévitable » dans le pays.

Elon Musk et son soutien aux partis d’extrême droite européens

L’ingérence d’Elon Musk ne se limite pas au Royaume-Uni. Il a exprimé un soutien explicite à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti d’extrême droite ayant des liens avec des mouvements néo-nazis. Il a même écrit un article pour Welt am Sonntag louant l’AfD, ce qui a conduit à la démission du rédacteur en chef du journal en signe de protestation.

Aux Pays-Bas, Elon Musk s’est allié au populiste Geert Wilders, tandis qu’en Italie, il a publiquement critiqué le système judiciaire pour avoir entravé les politiques anti-immigration de la Première ministre Giorgia Meloni. Ce soutien répété à des figures de la droite radicale européenne reflète, selon Peter Geoghegan, une stratégie du fondateur de la marque automobile Tesla pour affaiblir l’Union européenne, l’une des rares institutions capables de lui tenir tête.

La démocratie sous la menace des milliardaires

Peter Geoghegan met en garde contre l’emprise croissante des milliardaires sur les démocraties modernes. Aux Etats-Unis, Elon Musk aurait dépensé plus de 250 millions de dollars pour soutenir la réélection de Donald Trump, organisant même des concours d’un million de dollars par jour sur X, au mépris apparent des lois électorales. En retour, le nouveau président Donald Trump, qui sera investi ce lundi 20 janvier 2025, l’a récompensé en lui offrant un poste gouvernemental, tout en profitant de la hausse spectaculaire des actions de ses entreprises après son élection.

Protéger la démocratie : quelle réponse face aux milliardaires ?

Face à cette menace croissante, des figures politiques comme Emmanuel Macron et Keir Starmer ont commencé à dénoncer publiquement les tentatives d’Elon Musk. Le Président français lui a reproché « d’intervenir directement dans les élections », tandis que le Premier ministre britannique l’a critiqué pour la diffusion de désinformation.

Les gouvernements peuvent adopter des lois pour réglementer les médias sociaux et renforcer les règles de financement politique.

Cependant, Peter Geoghegan estime que des actions plus audacieuses sont nécessaires. Les gouvernements peuvent adopter des lois pour réglementer les médias sociaux et renforcer les règles de financement politique. Ils peuvent également suspendre leurs comptes officiels sur X, ou même cesser d’attribuer des contrats publics aux entreprises d’Elon Musk.

« Les quatre prochaines années seront décisives », conclut-il, soulignant que seule une réponse politique ferme pourra contrer les ambitions des milliardaires décidés à influencer l’ordre mondial. Avec l’emprise croissante des milliardaires sur nos démocraties, il est légitime de se demander si ces systèmes politiques peuvent encore refléter notre volonté. A une époque où les équilibres semblent vaciller, le futur des démocraties dépendra de notre capacité collective à préserver leur intégrité.

Alexander Seale (à Londres)