Bart De Wever : « nous nous apprêtons à réaliser l’assainissement budgétaire le plus difficile de notre histoire moderne »

Journaliste – Rédacteur en chef.

Le nouveau Premier ministre, Bart De Wever a prononcé sa Déclaration de politique générale (DPG) ce mardi 4 février 2025 dans une ambiance surchauffée à la Chambre, entre les applaudissements des députés de la majorité et de certains élus de l’opposition, alors que c’est la soupe à la grimace sur le banc des députés socialistes. En moins d’une heure, le nouveau locataire du 16 rue de la Loi a exposé les grandes lignes de l’accord de gouvernement, se voulant réaliste et déterminé à mettre en œuvre celui-ci. Il a annoncé des « défis aussi urgents qu’énormes » en matière de défense, d’où la volonté de son gouvernement de consacrer au moins 2% du PIB à la défense. Il annonce une cure d’amaigrissement pour « la quasi-totalité des services publics qui ne sont pas liés à la sécurité ». Il a confirmé la fusion des zones de police bruxelloises pour plus de sécurité « dans la capitale de notre pays et de l’Europe », ainsi que le tour de vis en matière de politique migratoire. Il prévient des « choix inévitables » qui seront fait pour freiner le dérapage du déficit et ainsi assurer la prospérité et le bien-être des Belges. Et de souligner que son gouvernement s’apprête « à réaliser l’exercice budgétaire le plus difficile de notre histoire moderne ». Les répliques sont annoncées pour ce mercredi 5 février à partir de 10h. Mais la cheffe de groupe PTB, Sofie Merckx, nous a déjà confié sa déception face aux réformes.
C’est avec un retard de plus d’une demi-heure que le nouveau premier ministre, Bart De Wever (N-VA), est monté à la tribune de la Chambre pour prononcer mardi 4 février 2025 sa déclaration de politique générale. Mais avant cela, l’opposition a donné un avant-goût de son travail parlementaire durant la législature : dur et sans concession. Comme à l’entame de la séance, les députés ne disposaient pas encore des tableaux budgétaires, les membres de l’opposition les ont exigés avant l’intervention du nouveau Premier ministre.
Pierre-Yves Dermagne en forme
C’est le chef de groupe PS, Pierre-Yves Dermagne qui a ouvert le bal en réclamant les tableaux budgétaires. « Les prestations de serment ont eu lieu hier (lundi, ndlr), mais nous ne disposons pas des tableaux budgétaires liés à cet accord de gouvernement de plus de 200 pages. Je ne veux pas gâcher le moment, mais il y a 5 ans, lorsque le gouvernement Vivaldi a été constitué, les tableaux budgétaires avaient été distribués aux députés avant la prise de la parole du Premier ministre », intervient Pierre-Yves Dermagne, en forme. Il a même demandé une suspension de séance (qu’il n’obtiendra pas) en attendant que les tableaux budgétaires soient distribués.
Je ne veux pas gâcher le moment, mais il y a 5 ans, lorsque le gouvernement Vivaldi a été constitué, les tableaux budgétaires avaient été distribués aux députés avant la prise de la parole du Premier ministre.
Comme pour se moquer implicitement du nouveau locataire du 16 rue de la Loi, un nationaliste devenu Premier ministre d’un pays qu’il veut voir dissoudre, el chef de groupe socialiste a tout le temps précisé en nommant Bart De Wever, Premier ministre du royaume de Belgique…
L’opposition (Ecolo-Groen, PTB, Open VLD, etc.) a abondé dans son sens sur la mise à disposition des tableaux budgétaires, avec notamment Sarah Schlitz (Ecolo-Groen) qui doutait même de m’existence des tableaux budgétaires. Assis devant, les ministres du gouvernement Arizona observent attentivement, tel des étudiants studieux et attentionnés, cette première passe d’armes.

Une vue de la Chambre lors de la Déclaration de politique générale de Bart De Wever. (BELGA PHOTO DIRK WAEM).
Un honneur et un plaisir
Finalement, Bart De Wever promet les tableaux budgétaires à la fin de la présentation de la Déclaration de politique générale (DPG). Après la prestation de serment des députés suppléants des élus désignés ministres dans le nouveau gouvernement et la désignation des chefs de groupe, place à la DPG. Invité par le président de la Chambre, Peter De Roover (N-VA), c’est d’un pas déterminé et calme que le Premier ministre rejoint la tribune pour faire sa DPG. Il était environ 15h50.
Des choix courageux et inévitables
D’un ton grave, il fait un clin d’œil à la nouveauté de la situation. « C’est pour moi un honneur et un plaisir de me tenir ici devant vous. Car pour la première fois depuis seize ans, un accord de coalition sera soumis au vote de ce parlement qui a l’ambition de recueillir le soutien d’une majorité démocrate des deux côtés de la frontière linguistique. J’espère que cela pourra être le début d’une nouvelle tradition politique. Une nouvelle ère politique dans laquelle il n’est plus une rareté mais une évidence que la volonté populaire du nord et du sud soit respectée », entame Bart De Wever.
Pour la première fois depuis seize ans, un accord de coalition sera soumis au vote de ce parlement qui a l’ambition de recueillir le soutien d’une majorité démocrate des deux côtés de la frontière linguistique.
Avant de faire part de la gravité de la situation du pays. Calmement et avec précision, le nouveau Premier ministre annonce « des choix qu’il faut avoir le courage politique de défendre. Mais aussi des choix qui sont inévitables pour assurer la prospérité et le bien-être de tous nos citoyens. Parce que notre prospérité est menacée. Les chiffres ne mentent pas. Si l’on n’intervient pas, le déficit budgétaire de la Belgique sera bientôt le plus important du monde occidental ».
Du temps pour les réformes
Sans les mesures drastiques pour limiter le déficit, il prévient que notre pays risque d’être « dans le collimateur des marchés internationaux ». Pour Bart De Wever, le chemin du retour à l’équilibre sera long et difficile. « Je vais être tout à fait honnête : cela demandera plus de temps qu’une seule législature. Le vieillissement de la population et le contexte géopolitique sont tels que nous sommes partis pour une trajectoire à long terme. Nous nous apprêtons à réaliser l’exercice d’assainissement budgétaire le plus difficile de notre histoire moderne », souligne-t-il. Il annonce donc des réformes structurelles pour assainir le budget en éviter d’alourdir encore un peu plus la pression fiscale, « parce que notre pression fiscale sur le travail est déjà la plus élevée de tous les pays industrialisés ».

Le Gouvernement De Wever 1er au complet. (BELGA PHOTO DIRK WAEM).
Il promet donc de solliciter plutôt les plus riches pour contribuer à l’effort d’assainissement. « Augmenter les impôts, c’est comme tondre les moutons : il faut s’arrêter dès qu’on touche la peau. Nous avons atteint ce point dans ce pays. Ce gouvernement choisit donc une voie différente. Nous demandons aux épaules les plus fortes d’apporter une juste contribution au bénéfice des personnes qui travaillent », dit-il.
1,5 milliard pour améliorer la compétitivité des entreprises
Reconnaissant que les entrepreneurs sont, in fine, les créateurs d’emplois, il déclare que son gouvernement a prévu une enveloppe de 1,5 milliard d’euros pour améliorer la compétitivité des entreprises. Une partie significative de ce montant (1 milliard) servira à réduire les charges sur le travail.
Ceux qui souhaitent assumer des tâches familiales doivent avoir toutes les possibilités pour le faire.
Bart De Wever confirme les engagements en matière de défense avec l’objectif de rencontrer les demandes de l’Otan, soit consacrer au moins 2% du PIB à la défense. Car souligne-t-il, les défis sont aussi « urgents qu’énormes ».
La sécurité fait aussi partie des priorités et son amélioration justifie la fusion des zones de police de Bruxelles. « Nous appliquons la tolérance zéro envers la violence à l’égard de ceux qui nous protègent. Nous mettrons enfin en œuvre la fusion, nécessaire depuis plusieurs années, des zones de police bruxelloises, ce qui conduira à une plus de sécurité dans la capitale de notre pays et de l’Europe », confirme Bart De Wever.
Equilibre entre travail et vie privée
Les députés, tant de la majorité que certains de l’opposition applaudissent à certains endroits du discours, notamment quand il annonce « un bon équilibre entre travail et vie privée est essentiel à cet égard. Chaque parent doit pouvoir s’occuper de son enfant. Ceux qui souhaitent assumer des tâches familiales doivent avoir toutes les possibilités pour le faire. C’est pourquoi nous mettons en place le crédit familial, en concertation avec les partenaires sociaux ».
Sur le banc des députés socialistes, il n’y a pas d’applaudissement, ou très peu. Comme s’ils ne veulent pas participer à ce moment solennel.
Les administrations seront sollicitées pour contribuer à l’effort d’économie. « C’est pourquoi la quasi-totalité des services publics qui ne sont pas liés à la sécurité seront soumis à une cure d’efficacité approfondie. Tant au niveau de leurs structures que de leurs dépenses. Ce ne sera pas agréable, mais croyez-moi : un régime contraignant, c’est parfois la seule option pour continuer à vivre sainement. En outre, en centralisant les services de support et en fusionnant certaines entités, l’administration augmentera sa performance », assure Bart De Wever.

Simon Dethier, échevin à Malmedy, prête serment mardi 4 février en tant que député fédéral en rempalcement de Vanessa Matz devenue ministre. (BELGA PHOTO ERIC LALMAND).
Réforme de la pension à contre-cœur
Il rappelle l’engagement de la nouvelle majorité fédérale (N-VA, CD&V, Vooruit, MR, Les Engagés) de limiter les allocations de chômage à une durée maximale de 2 ans pour les moins de 55 ans. Ceux qui travaillent seront récompensés.
La réforme des pensions est en marche, même si Bart De Wever précise qu’il ne le fait pas de gaieté de cœur. « A contre-cœur, mais, sans cela, l’assainissement budgétaire n’aura aucune crédibilité. L’âge moyen de départ à la pension en Belgique est l’un des plus bas d’Europe. Voilà un luxe que nous ne pouvons tout simplement plus nous permettre depuis longtemps », déclare-t-il.
Nous allons mettre en place un système de bonus-malus afin que les personnes qui désirent travailler plus longtemps soient récompensées.
Bart De Wever confirme l’instauration d’un nouveau système en matière de pension. « Comme pour les travailleurs, le travail des pensionnés doit être récompensé. A l’instar d’autres pays de l’OCDE, nous allons mettre en place un système de bonus-malus afin que les personnes qui désirent travailler plus longtemps soient récompensées. Et, a contrario, que celles qui souhaitent arrêter de travailler plus tôt en supportent les conséquences. Nous tiendrons par ailleurs davantage compte de la durée effective de travail d’une personne. Aujourd’hui, à cause du vaste système des périodes assimilées, un tiers de la masse des pensions en Belgique n’est pas couvert par des cotisations. Voilà d’où naissent les excès. Mais nous ne toucherons pas aux systèmes nobles, comme le congé parental », expose le nouveau Premier ministre.

Bart De Wever salue ses ministres après sa déclaration de politique générale. Ici avec le vice-Premier ministre, David Clarinval (MR). (BELGA PHOTO ERIC LALMAND).
Pas une promenade de santé
L’harmonisation des pensions des fonctionnaires avec celles du secteur privé est au programme. Mais, indique Bart De Wever, « nous prendrons toujours toutes ces mesures dans le plus grand respect des droits acquis. La mise en œuvre sera très progressive, et devrait même s’étendre jusqu’en 2060 ».
Il n’élude pas le sujet migratoire confirmant le tour de vis annoncé. « Il faut oser se rendre en face de la réalité. Nous renforçons notre politique migratoire et constatons que nos pays voisins font de même. Le fardeau de la politique migratoire actuelle est trop lourd. Cela transcende ce qu’une société peut absorber », observe-t-il.
Nous renforçons notre politique migratoire et constatons que nos pays voisins font de même. Le fardeau de la politique migratoire actuelle est trop lourd.
Il est conscient de la durée des mesures, mais elles seraient nécessaires. « Le voyage qui nous attend n’a rien d’une promenade de santé mais est plutôt de l’ordre d’un col hors catégorie. Mais celles et ceux qui feront l’effort de gravir la montagne pourront apprécier la vue depuis le sommet », conclut-il. Il salue ses ministres avant de regagner sa place.
Les répliques sont annoncées pour ce mercredi 5 février à 10h permettant à l’opposition de faire entendre sa voix, le vote de confiance est prévu pour jeudi 6 février à 16h30. En attendant, Sofie Merckx, cheffe de groupe PTB ne cache pas sa déception. « Le nouveau gouvernement nous prépare un hold-up sur les pensions et une politique de démolition des plus faibles. La réforme des pensions annoncée va pénaliser principalement les femmes, parce que ce sont elles qui arrêtent de travailler au cours de leur carrière pour notamment s’occuper des enfants », nous a confié Sofie Merckx.