Bpost : les syndicats refusent une réorganisation qui coûterait 1.100 emplois chez les facteurs

Journaliste – Rédacteur en chef.

Une réunion être la direction de bpost et les représentants des travailleurs a tourné court ce mardi matin, 11 février 2025. Les syndicats reprochent à la direction du groupe postal belge d’avoir les yeux rivés sur des objectifs chiffrés visant à réduire l’emploi de 1.100 postiers d’ici fin 2025 sans toutefois proposer une réorganisation du travail supportable pour les travailleurs. Même si la distribution du courrier a été assurée à près de 70% en région liégeoise, la grève devrait s’étendre ce mercredi à d’autres régions du pays notamment dans le Hainaut et à Bruxelles. Les nerfs des travailleurs sont à bout : un facteur a menacé de se suicider ce mardi dans le Brabant wallon. La direction espère que les négociations reprendront rapidement et soutient que la transformation est une urgence pour permettre à l’entreprise de rester compétitive et de ne pas perdre des clients. De leur côté, les syndicats estiment que le CEO du groupe, Chris Peeters, et le patron de la filiale belge, Jos Donvil, ne font aucune proposition susceptible de les motiver à revenir autour de la table des négociations. La CSC-Transcom menace de dénoncer l’accord social signé en 2023. Le front commun syndical (CGSP, CSC-Transcom, SLFP-Poste) a déjà appelé les affiliés à la grande manifestation de ce jeudi 13 février à Bruxelles.
La grève qui pénalise la distribution du courrier en région liégeoise et dans le Hainaut risque de se renforcer dans ces deux zones ce mercredi 12 et de s’étendre à d’autres endroits du pays. Une rencontre prévue ce mardi matin 11 février entre les syndicats et la direction de bpost a tourné court. « Les jours se suivent et se ressemblent. Nous sommes dans un dialogue de sourds avec des aveugles. Ça fait 6 mois que Jos Donvil (CEO de bpost Belgium, ndlr) nous répète la même chose et qu’on lui répond que ce qu’il propose est infaisable. Ou bien il nous prend pour des enfants, ou bien il considère qu’on est des abrutis », analyse secrétaire général de la CGSP Poste.
Suppression de 1.100 emplois chez les facteurs
Le son de cloche est à peine différent chez son homologue de la CSC-Transcom Poste. « Aujourd’hui, le doute s’est installé dans l’entreprise. A part une dizaine de personnes dans la direction, personne ne croit en la réorganisation que la direction veut imposer aux travailleurs. En tant qu’organisation syndicale, nous avons signé des plans stratégiques qui ont réduit les effectifs de 6.000 emplois chez bpost, notamment à l’époque de Johnny Thijs (CEO de bpost de 2002 à 2013, ndlr). Mais aujourd’hui, il n’y a rien sur la table et le dialogue social est au niveau zéro avec Donvil et Peeters », prolonge Stéphane Daussaint, responsable général CSC-Transcom Poste.
Ça fait 6 mois que Jos Donvil (CEO de bpost Belgium, ndlr) nous répète la même chose et qu’on lui répond que ce qu’il propose est infaisable.
Les deux responsables syndicaux reprochent à la direction de bpost de se focaliser sur les objectifs chiffrés de leur plan de réorganisation de la distribution sans vraiment se soucier de ce qui est humainement supportable par les facteurs. D’après eux, la direction veut mener à pas forcés la réorganisation de 138 bureaux de poste avec, à la clé, la suppression de près de 1.100 emplois dans le secteur de la distribution des courriers. Sans compter les conséquences qu’entraîneront la réorganisation des bureaux de poste…

CEO de bpost, Chris Peeters, affiche une intransigeance qui risque de raidir la position des organisations syndicales. (BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK).
Un facteur menace de se suicider
La tension sociale est d’autant plus à un niveau maximal que les syndicats reprochent à la direction du groupe postal belge d’avoir envoyé des huissiers constater les blocages sur le terrain. Mardi, les camions ne sont pas sortis de Fleurus et les centres de tri de Liège et de Charleroi ont été bloqués. La distribution des courriers a été perturbée dans plusieurs villes (Arlon, Ath, Fléron, Mons, Namur, Sprimont, Péruwelz, etc.). Et d’après les syndicats, le mouvement devrait s’étendre au Brabant wallon et à Bruxelles.
En Wallonie, nous sommes déjà dans le dur, alors qu’à Bruxelles, la réorganisation ne produit pas d’effet négatif, les résultats y sont même positifs.
La situation commence à peser sur le moral des travailleurs et les syndicats redoutent des drames. « A Mont-Saint-Guibert, un facteur a menacé de se suicider, parce qu’il n’en pouvait plus. Sa femme a appelé ses collègues qui sont allés le ramener au bureau », rapporte Stéphane Daussaint.
La grève ne touche pour l’instant que la distribution du courrier en Wallonie. « Normal, en Wallonie, nous sommes déjà dans le dur, alors qu’à Bruxelles, la réorganisation ne produit pas d’effet négatif, les résultats y sont même positifs. En Flandre, ils travaillent toujours sur des projets pilotes de distribution des journaux », explique Thierry Tasset.
Dénoncer la CCT de 2023
Les organisations syndicales ne ferment pas la porte à la négociation, mais à condition que les propositions de la direction soient réalistes. « Je suis disponible 24h/24, mais à condition qu’il y ait quelque chose à négocier. La CSC avait signé la CCT incluant la réorganisation, mais avec un plafond d’impact fixé à 10%. Aujourd’hui, on arrive à 16-18% avec ce que la direction propose. Il était aussi question dans la CCT d’un dialogue constructif et d’une réaction rapide de la direction. Ce n’est pas le cas. Si ça continue, nous allons dénoncer la signature de la CCT. Nous en sommes là aujourd’hui », menace Stéphane Daussaint.
La CSC avait signé la CCT incluant la réorganisation, mais avec un plafond d’impact fixé à 10%. Aujourd’hui, on arrive à 16-18% avec ce que la direction propose.
Les syndicats reviennent sur les acquisitions réalisées ces dernières années par bpost dont la dernière en date est le rachat de la société française, Staci, spécialiste européen de la logistique sur mesure et de la distribution multicanale, pour 1,3 milliard d’euros en avril 2024. Il y avait eu le rachat du groupe américain, Radial pour 700 millions en 20217. « Nous ne voyons retour positif de ces acquisitions en Belgique. On nous avait indiqué que Staci allait apporter des activités devant générer environ 350 emplois, nous n’avons rien vu pour l’instant », fustigent les deux responsables syndicaux.

Responsable gégénéral de la CSC-Transcom Poste, Stéphane Daussaint menace de dénoncer la CCT signé en 2023. (BELGA PHOTO LAURIE DIEFFEMBACQ).
Mobilisation pour la manifestation du 13 février à Bruxelles
Ils commencent à douter de la gestion de Chris Peeters et de Jos Donvil, respectivement CEO de bpot group et de bpost Belgium. « Il n’y a aucune méthode pour avancer avec ces deux gaillards. Par ailleurs, on ne voit même plus Chris Peeters et sa sortie disant qu’il ne bouger pas d’un iota ne va arranger la situation », observent Thierry Tasset et Stéphane Daussaint.
Nous espérons nous réunir très vite autour de la table de négociation et débloquer la situation.
De son côté, la direction tente de temporiser. « Nous espérons nous réunir très vite autour de la table de négociation et débloquer la situation. Il est urgent de transformer l’entreprise et de mettre en place la réorganisation », nous a confié une porte-parole de bpost.
La situation risque d’être bloquée chez bpost au moins jusqu’à la grève générale du 13 février. Le front commun syndical (CGSP, CSC-Transcom, SLFP-Poste) a déjà appelé à la mobilisation pour la grande manifestation à Bruxelles ce jour-là.