LA FRANCE VEUT PRENDRE LE LEAD DE L'IA EN EUROPE

Un tournant majeur pour l’intelligence artificielle en France

Le Président français, Emmanuel Macron, à l'ouverture du sommet international consacré à l'IA à Paris. AFP

Dimanche 9 février 2025, le Président français, Emmanuel Macron, a annoncé que l’Hexagone va débloquer une enveloppe colossale de 109 milliards d’euros destinée au développement de l’IA en France. Ces investissements, provenant d’acteurs privés, visent principalement à renforcer l’infrastructure du pays en matière de data centers, essentiels au traitement et à l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle. Il a comparé cette initiative à « l’équivalent pour la France de ce que les Etats-Unis ont annoncé avec Stargate », un projet américain dévoilé en janvier 2025 par le président Donald Trump, doté d’un budget de 500 milliards de dollars. L’annonce du Président Macron intervient dans le cadre du sommet de 48 heures consacré à l’IA.

La compétition internationale pour l’IA s’intensifie, chaque pays cherchant à se positionner comme leader du secteur. En France, plusieurs projets d’envergure ont déjà été annoncés ces derniers jours, notamment un investissement de 30 à 50 milliards d’euros des Emirats arabes unis pour la construction d’un data center dont l’emplacement reste inconnu, ainsi que 20 milliards d’euros de la part du fonds canadien Brookfield pour l’implantation d’un centre à Cambrai, dans le Nord. Les Emirats ambitionnent par ailleurs de bâtir le plus grand campus d’IA en Europe, renforçant ainsi leur présence sur le continent.

L’essor des data centers, clé du développement de l’IA

Depuis l’essor de l’intelligence artificielle générative, popularisée par des outils comme ChatGPT fin 2022, les infrastructures de calcul sont devenues un enjeu majeur. En réponse à cette nécessité, la France a identifié 35 sites « prêts à l’emploi » pour accueillir de nouveaux data centers, renforçant ainsi sa position de sixième pays au monde en termes de capacités d’hébergement de ces infrastructures, derrière les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine et le Canada.

PDG de Mistral AI Arthur Mensch, a souligné la volonté de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, de la machine jusqu’au logiciel.

L’entreprise française Mistral AI a également annoncé la construction de son propre data center près de Paris. Son PDG, Arthur Mensch, a souligné la volonté de « maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, de la machine jusqu’au logiciel », marquant une volonté d’indépendance technologique pour la France.

Un enjeu économique, politique et éthique majeur

Outre les aspects technologiques et économiques, Emmanuel Macron a insisté sur les apports de l’intelligence artificielle dans des domaines clés comme la santé, en particulier dans la lutte contre le cancer. Toutefois, il a tenu à rassurer les Français sur l’impact de cette technologie sur l’emploi. « Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que ça va tout remplacer », a-t-il affirmé, répondant ainsi aux inquiétudes sur l’automatisation de nombreux métiers.

Jean-Luc Mélenchon reproche à la France d’agir comme un « lobbyiste » en faveur de l’assouplissement des régulations européennes sur l’IA.

Dans un climat de méfiance croissante à l’égard des géants technologiques, le président de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a vivement critiqué la stratégie du gouvernement, dénonçant une mise sous « emprise techno-féodale des milliardaires de la Silicon Valley ». Il a notamment reproché à la France d’agir comme un « lobbyiste » en faveur de l’assouplissement des régulations européennes sur l’IA, plaidant pour que la gouvernance de cette technologie soit confiée à l’ONU plutôt qu’à des entités privées. Il s’inquiète également du rôle des GAFAM et de l’influence des grandes entreprises américaines dans l’élaboration des règles d’usage de l’IA.

Face à ces préoccupations, le gouvernement français a annoncé la création prochaine d’un institut chargé de surveiller les risques liés à l’IA, bien que ses modalités et son nom restent à définir. Cette initiative vise à garantir une meilleure transparence et à encadrer les dérives potentielles de cette technologie.

Un sommet d’envergure mondiale

Début de semaine a eu lieu à Paris un sommet international de l’IA. Il a réuni pendant 48 heures (10 et 11 février 2025) des chefs d’État, des dirigeants d’entreprises et des experts du secteur. Parmi les personnalités politiques présentes figurent le vice-président américain J.D. Vance, le Premier ministre indien Narendra Modi, le vice-Premier ministre chinois Zhang Guoqing, le Premier ministre canadien Justin Trudeau, ainsi que le Chancelier allemand Olaf Scholz et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Du côté des entreprises technologiques, le sommet a accueilli des figures de proue comme Sam Altman (OpenAI), Sundar Pichai (Google), Demis Hassabis (Google DeepMind), Brad Smith (Microsoft) et Dario Amodei (Anthropic). Des entrepreneurs français tels que Xavier Niel (fondateur de Free), Rodolphe Saadé (patron de médias et de l’armateur CMA CGM) et Eléonore Crespo (co-fondatrice de la plateforme de planification d’entreprise, Pigment) sont également présents. De nombreux patrons de la tech se sont aussi engagés en faveur d’une intelligence artificielle responsable.

Dotée d’un budget initial de 400 millions de dollars, Current AI veut développer l’accès à des bases de données ouvertes et sécurisées dans des domaines comme la santé et l’éducation.

Parallèlement, une initiative internationale baptisée « Current AI » a été lancée avec le soutien de la France et de huit autres pays, dont l’Allemagne, le Nigeria et le Chili. Dotée d’un budget initial de 400 millions de dollars avec l’ambition de lever 2,5 milliards sur cinq ans, elle vise à développer l’accès à des bases de données ouvertes et sécurisées dans des domaines comme la santé et l’éducation. Le projet inclut également un volet d’investissement dans des outils en open source afin de garantir plus de transparence et de sécurité dans le développement de l’IA.

Vers une régulation mondiale de l’intelligence artificielle ?

Alors que les grandes entreprises privées continuent d’investir massivement dans l’IA, la question de la régulation reste cruciale. A l’issue du sommet, une déclaration finale a été mise sur la table, mais la délégation américaine, dirigée par le vice-président, JD Vance, a refusé de la signer. Elle ne soutient pas l’engagement en faveur d’une « intelligence artificielle durable et inclusive ». Le Royaume-Uni a aussi refusé de signer la déclaration finale. L’évènement s’est clôturé mardi 11 février par un « business day » à Station F, l’incubateur de start-up fondé par Xavier Niel.

Les Etats-Uni et le Royaume-Uni ont refusé de signer la déclaration finale du sommet international sur l’IA à Paris.

Toutefois, aucun pays africain n’a été invité à ce sommet à investir en Europe, malgré l’émergence de nombreux hubs technologiques sur le continent. Cette absence interroge sur la volonté de la France de se repositionner stratégiquement en Afrique, un marché en pleine expansion pour l’IA et les nouvelles technologies. Un projet franco-africain aurait pu permettre de renforcer les liens économiques et technologiques, mais il ne semble pas figurer dans les priorités de l’événement.

H. C.