Société

Moyen Orient : jour de deuil en Israël où 4 otages morts sont « rentrés à la maison »


Le Hamas a restitué, ce jeudi matin, 20 février 2025, les corps de quatre otages morts en captivité. Seize mois et demi après le pogrom du 7 octobre 2023, Shiri Bibas et ses fils Ariel et Kfir ainsi qu’Oded Lifshitz sont enfin rentrés à la maison. Jusqu’au bout, les familles ont voulu croire que leurs proches avaient survécu. Mais il n’en est rien. En Israël, l’émotion est intense alors que se profile le début de la deuxième phase des négociations liées au cessez-le-feu. Mais celle-ci s’annonce des plus difficiles puisque c’est désormais de l’avenir de la Bande de Gaza (et donc du Hamas) qu’il sera question.

L’espoir meurt toujours en dernier, mais parfois, il meurt. Le Hamas a donc « libéré », ce jeudi matin, 20 février 2025, les corps de quatre otages, dont ce qu’il a déclaré être les restes d’une mère et de ses deux jeunes enfants, membres de la famille Bibas.

L’histoire de cette famille était devenue le symbole de l’extrême brutalité du pogrom du 7 octobre 2023. Une fois les identifications des cadavres terminées, Israël libérera un nouveau contingent de détenus palestiniens condamnés pour terrorisme.

Sombres rassemblements d’un côté, ignoble « cérémonie » de l’autre

En Israël, l’échange a été marqué par de sombres rassemblements. Des Israéliens – civils, militaires, policiers et membres des services d’urgence – s’étaient rassemblés le long de la route empruntée par les véhicules transportant les cercueils vers Tel-Aviv où ils devaient être autopsiés et identifiés au centre médico-légal d’Abu Kabir.

Contrairement aux échanges précédents, l’ambiance était lourde et les grands écrans de la place ne diffusaient pas de reportage en direct sur la libération.

Une foule moins dense avait pris position, à Tel-Aviv, sur ce qui est devenu la « Place des otages ». Contrairement aux échanges précédents, l’ambiance était lourde et les grands écrans de la place ne diffusaient pas de reportage en direct sur la libération.

A Gaza, c’est sous la pluie que les quatre cercueils ont été remis à la Croix-Rouge (CICR) au cimetière de Khan Younès (sud de la Bande de Gaza). L’évènement a donné lieu à l’une ces « cérémonies » ignobles auxquelles nous sommes habitués depuis des semaines. Les quatre cercueils avaient été placés sur une scène improvisée, dressée à Khan Younès, chacun portant la photo d’un des otages israéliens.

AFP

Ofri Bibas Levi tient une image censée montrer sa belle-sœur Shiri tenant ses enfants Ariel et Kfir alors qu’ils sont pris en otage à leur domicile de Nir Oz par des membres du Hamas lors de l’attaque du 7 octobre en Israël, lors d’une conférence de presse à l’ambassade d’Israël à Londres, le 24 octobre 2023. (Photo par HENRY NICHOLLS / AFP).

A Gaza, c’est sous la pluie que les quatre cercueils ont été remis à la Croix-Rouge (CICR) au cimetière de Khan Younès (sud de la Bande de Gaza).

Derrière les cercueils, une affiche montrait le Premier ministre Benjamin Netanyahu affublé de dents de vampire, avec les photos des quatre otages morts dans une mare de sang. En arabe, en hébreu et en anglais, un texte proclamait : « Le criminel de guerre Netanyahu et son armée nazie les ont tués avec des missiles tirés par des avions de guerre sionistes ».

Les Bibas, un symbole mondial, Oded Lifshitz, un pacifiste engagé

Shiri Bibas, son mari Yarden ainsi que leurs fils Ariel (4 ans au moment de l’enlèvement) et Kfir (8 mois et demi à l’époque) avaient été enlevés de leur domicile dans le kibboutz Nir Oz, de même qu’Oded Lifshitz.

Yarden Bibas avait été libéré il y a un peu plus de deux semaines lors d’une série d’échanges. La libération de ce jeudi est la première fois que le Hamas remet des corps à Israël depuis l’annonce de l’accord de cessez-le-feu à Gaza en janvier dernier. Jusqu’à présent, dans le cadre de cet accord, le Hamas a libéré 33 Israéliens et personnes ayant la double nationalité en échange de quelque 1 900 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.

Pardon de ne pas vous avoir protégés en ce jour terrible. Pardon de ne pas vous avoir ramenés vivants à la maison.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré dans un communiqué qu’« Israël a reçu, par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, les cercueils de quatre otages décédés » et que leurs dépouilles avaient été transférées en Israël pour examen. « Les familles des otages ont été informées et nos pensées les accompagnent en ces moments difficiles », a-t-il précisé.

« Agonie. Souffrance. Il n’y a pas de mots », a écrit le président israélien, Isaac Herzog, sur X (ex-Twitter). « Nos cœurs – les cœurs de toute une nation – sont dévastés. Au nom de l’Etat d’Israël, je m’incline et demande pardon. Pardon de ne pas vous avoir protégés en ce jour terrible. Pardon de ne pas vous avoir ramenés vivants à la maison ».

AFP

Un manifestant tenant une pancarte avec une photo de Shiri et Kfir Bibas, fait un geste lors d’une manifestation appelant à la libération des otages retenus captifs à Gaza depuis l’attaque du 7 octobre 2023 par des militants palestiniens du Hamas, devant le ministère israélien de la Défense à Tel Aviv, le 19 février 2025. (Photo par Jack GUEZ / AFP).

Causes de l amort inconnues pour l’instant

On ne sait pas exactement comment Shiri Bibas et ses fils ont été tués. Le Hamas affirme qu’ils ont été tués par une frappe aérienne israélienne, mais n’a fourni aucune preuve.

Le sort de la famille Yarden, et surtout celui du (très) jeune Kfir, le « bébé rouquin » avaient profondément ému le monde depuis qu’une photographie prise par les terroristes le 7 octobre avait montré Shiri, terrorisée, serrant contre elle ses deux enfants alors que les tueurs les emmenaient vers leur destin. Sur une autre image qui a fait le tour du monde, on pouvait voir le petit Kfir, heureux et souriant, les yeux brillant de plaisir, tenant dans ses mains la peluche rose d’un éléphant. C’était l’époque du bonheur et de l’innocence.

Le sort de la famille Yarden, et surtout celui du (très) jeune Kfir, le « bébé rouquin » avaient profondément ému le monde.

Oded Lifshitz, lui, était un journaliste retraité de 83 ans. Membre du kibboutz Nir Oz, il se montrait très actif dans le mouvement pour la paix, prônait le dialogue. Il est juste, en ces heures tragiques que ce vieil homme qui croyait en l’humanité avait pris l’habitude de convoyer vers des hôpitaux israéliens des habitants arabes de Gaza, afin qu’ils reçoivent de meilleurs soins. Son épouse, Yocheved, avait été enlevée avec lui mais a été libérée par le Hamas quelques semaines plus tard.

Le plus jeune otage et l’un des plus âgés réunis pour leur dernier voyage

Du point de vue symbolique on retiendra aussi que si Kfir Bibas était le plus jeune otage du Hamas (et de l’histoire contemporaine, tous pays confondus), Oded Lifshitz, lui, était l’un des plus âgés.

Saisissant raccourci qui rassemble pour leur dernier voyage ces deux victimes de la barbarie terroriste. La famille Lifshitz a publié, en fin de journée, une déclaration confirmant que le corps d’Oded avait été identifié. « Nous avions tant espéré et prié pour une issue différente », a déclaré la famille. « Nous pouvons maintenant pleurer le mari, le père, le grand-père et l’arrière-grand-père qui nous manque depuis le 7 octobre ».

AFP

Cette photo prise sur un mur montre le portrait de l’otage Oded Lifshitz, retenu en otage dans la bande de Gaza depuis l’attaque du 7 octobre 2023 par des militants du Hamas, installé sur une place devant le Musée d’art de Tel-Aviv, le 21 janvier 2025. (Photo par AFP)

Nous pouvons maintenant pleurer le mari, le père, le grand-père et l’arrière-grand-père qui nous manque depuis le 7 octobre.

La fille de Lifschitz déclarait à l’Associated Press, en janvier dernier, que son père avait reçu une balle dans la main et était tombé lorsque des combattants du Hamas avaient attaqué le kibboutz où vivaient ses parents : « C’est la dernière fois que ma mère l’a vu, et elle a été emmenée sur une moto, puis les terroristes ont brûlé la maison. Ils ont mis de l’essence dans la maison, et elle a brûlé et brûlé et brûlé jusqu’à ce que tout ce qu’ils possédaient, tout, soit réduit en cendres ».

Samedi, le Hamas libérera en une seule fois 6 otages vivant, puis, dans le courant de la semaine prochaine, il rendra quatre autres corps, dont celui du franco-israélien Ohad Yahaloni. Ainsi s’achèvera la première phase du cessez-le-feu.

Il reste 70 otages à Gaza

La deuxième phase devrait commencer le 2 mars mais elle s’avère d’ores et déjà particulièrement difficile. Les négociations porteront désormais, en effet, sur l’avenir et la gouvernance future de la Bande de Gaza.

Or les positions des deux parties semblent, ici, inconciliables. Pour Israël, il est hors de question que le Hamas joue un rôle quelconque dans l’avenir du territoire, alors que le groupe terroriste entend bien rester à sa tête. Par ailleurs, on le sait, Donald Trump a émis la proposition de déplacer la population palestinienne de Gaza dans des pays tiers et d’y construire un vaste complexe touristique….

Après les libérations de samedi, le Hamas détiendra encore 70 otages, dont une trentaine seraient encore en vie.

Hugues Krasner


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