L'Intelligence artificielle menace des millions d’emplois en Europe, mais des espoirs de reconversion subsistent  - L-Post
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L’Intelligence artificielle menace des millions d’emplois en Europe, mais des espoirs de reconversion subsistent 

Une styliste tient une chaussure Jonak conçue par IA dans les bureaux de la start-up Imki à Schiltigheim, près de Strasbourg, le 26 février 2025. AFP

L’intelligence artificielle (IA) bouleverse en profondeur le marché du travail européen. Les récentes études de 2025 montrent des projections alarmantes sur la suppression d’emplois, tout en ouvrant la porte à de nouvelles opportunités professionnelles. Des disparités sectorielles et nationales marquent cette transformation, nécessitant des politiques publiques adaptées. Selon une étude de EY European AI Barometer (février 2025), 74% des salariés belges craignent de perdre de leurs emplois à cause de l’intelligence artificielle.

En janvier 2025, un rapport du Forum économique mondial estimait que l’automatisation et les transformations technologiques pourraient entraîner la suppression de 14 millions de postes nets à l’échelle mondiale d’ici 2027, malgré la création de nouveaux métiers. En Europe, les chiffres sont tout aussi préoccupants.

Des projections alarmantes sur la suppression d’emplois en Europe

Forrester Research (janvier 2025) prévoit la suppression de 12 millions d’emplois dans les cinq principales économies européennes (France, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni) d’ici 2040. D’après EY European AI Barometer (février 2025), 70 % des salariés européens craignent la perte de leur emploi dans les prochaines années.

Le rythme de transformation dépasse la capacité d’adaptation des entreprises et des salariés.

L’Institut Tony Blair a également publié une étude en février 2025 indiquant que le Royaume-Uni pourrait perdre jusqu’à 3,5 millions d’emplois dans les secteurs automatisables. « Le rythme de transformation dépasse la capacité d’adaptation des entreprises et des salariés », avertit le Dr. Laura Meier, économiste spécialisée en emploi au Centre européen des transformations technologiques (CETT).

Des secteurs inégalement exposés aux bouleversements de l’IA

Les secteurs où les tâches répétitives dominent sont les premiers touchés par l’automatisation. Le rapport de France Stratégie de mars 2025 identifie les secteurs suivants comme les plus vulnérables :

Administration et gestion : 25 % des emplois sont menacés, en raison des progrès des logiciels automatisés de gestion des dossiers.

Service client : Les assistants vocaux et les chatbots dotés d’IA réduisent les besoins en agents humains.

Métiers financiers : L’automatisation des processus comptables et l’analyse prédictive diminuent la demande de main-d’œuvre humaine.

Une étude publiée en février 2025 par le cabinet McKinsey montre que les avancées en reconnaissance vocale et robotique pourraient automatiser jusqu’à 40 % des tâches des entrepôts logistiques en Europe.

En revanche, les professions nécessitant une interaction humaine complexe ou une créativité particulière semblent mieux protégées. Les secteurs de la santé, de l’éducation et de la culture sont moins affectés par l’automatisation.

BELGA

L’image d’illustration montre une visite au centre pour la cybersécurité en Belgique (CCB) à Bruxelles en 2022. (BELGA PHOTO HATIM KAGHAT).

Des disparités nationales marquées

Les perceptions des travailleurs varient considérablement selon les pays européens, avec des niveaux d’inquiétude plus élevés dans les économies du sud :

Portugal : Selon l’EY European AI Barometer (février 2025), 82 % des salariés portugais craignent de perdre leur emploi dans les cinq prochaines années.

Espagne : 80 % des salariés espagnols expriment les mêmes craintes.

Italie et Belgique : Les taux sont respectivement de 78 % et 74 %.

Les économies du sud de l’Europe sont plus vulnérables car elles dépendent fortement des secteurs des services et de la logistique, où l’automatisation progresse à grands pas.

En comparaison, les pays d’Europe du Nord, comme la Suisse et les Pays-Bas, enregistrent des taux d’inquiétude plus faibles, à 57 % et 60 % respectivement, grâce à des économies plus diversifiées et moins dépendantes des secteurs à haut risque d’automatisation. « Les économies du sud de l’Europe sont plus vulnérables car elles dépendent fortement des secteurs des services et de la logistique, où l’automatisation progresse à grands pas », explique le Dr. Marcus Lindholm, économiste suédois à l’Université de Lund.

Des opportunités émergentes grâce à l’IA

Malgré les suppressions d’emplois, l’IA offre également des opportunités dans des secteurs en plein essor :

Gestion des données et cybersécurité : La demande explose pour les spécialistes capables de gérer la protection des données et la sécurité des systèmes automatisés.

Ethique numérique : Avec la montée des préoccupations sur les biais algorithmiques, des postes spécialisés dans la surveillance des algorithmes et la transparence décisionnelle sont créés.

Le Baromètre de l’emploi IA de PwC France (janvier 2025) estime que les emplois dans les secteurs technologiques pourraient augmenter de 20 % d’ici 2030 si les investissements en formation sont maintenus.

Des initiatives nationales prometteuses

Certains pays européens prennent déjà des mesures proactives :

Allemagne : Un programme lancé en février 2025 prévoit la formation de 150 000 travailleurs par an aux nouvelles technologies IA.

Pays-Bas : Un fonds public-privé de 2,5 milliards d’euros a été lancé pour financer des programmes de reconversion professionnelle.

Politiques publiques pour amortir les chocs sociaux

Face aux transformations, des politiques publiques ambitieuses sont nécessaires. L’Union européenne a récemment lancé un Fonds pour la Transition Digitale, doté de 12 milliards d’euros, visant à soutenir les pays les plus exposés aux pertes d’emplois.

En France, le programme national de reconversion à l’IA, lancé en 2023, a permis à près de 35 000 salariés de changer de métier, en particulier dans les régions industrielles touchées par l’automatisation.

La réussite de la transition numérique dépendra d’une coopération étroite entre gouvernements, employeurs et syndicats, afin d’assurer un marché du travail inclusif et résilient.

Un rapport conjoint de l’OCDE et de l’Union européenne (février 2025) souligne l’importance d’un dialogue social transparent pour anticiper les évolutions technologiques et éviter des tensions sociales majeures. « La réussite de la transition numérique dépendra d’une coopération étroite entre gouvernements, employeurs et syndicats, afin d’assurer un marché du travail inclusif et résilient », précise le Pr. Amélie Dupont, sociologue du travail à l’Université de Strasbourg.

Vers un marché du travail plus inclusif et résilient

L’IA redéfinit profondément le monde du travail en Europe. Si des millions d’emplois sont menacés, de nouvelles opportunités voient également le jour. Le succès de cette transition reposera sur des politiques publiques robustes, des programmes de formation ambitieux et un dialogue social transparent. Seule une coopération étroite entre tous les acteurs permettra de bâtir un marché du travail adapté aux défis technologiques du 21e siècle.

H.C.