Politique

Le Rwanda croise le fer avec la Belgique sur fond de conflit en République démocratique du Congo (RDC)


En réaction à la décision du Rwanda de rompre les relations diplomatiques avec la Belgique et de déclarer les diplomates belges à Kigali persona non grata, la Belgique expulse le chargé d’affaires et les diplomates rwandais de Bruxelles. Ils ont 48 heures pour quitter le territoire belge. Dans un communiqué publié ce lundi 17 mars, les autorités rwandaises accusent la Belgique de prendre position contre le Rwanda dans le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Elles accusent la Belgique d’user de « mensonges et de manipulations » pour développer une opinion hostile envers le Rwanda dans le but de déstabiliser le pays et la sous-région. Elles portent de graves accusations à l’encontre de la Belgique lui reprochant d’abriter des groupes niant le génocide de 1994 contre les Tutsis. La Belgique se défend des accusations rwandaises. D’après des observateurs, les représailles belges à l’égard du Rwanda risquent de renforcer le soutien des présidents africains à l’égard du président rwandais Paul Kagame, considéré comme un panafricaniste. L’Europe a pris des sanctions prévoyant l’interdiction de se rendre dans les pays de l’UE et le gel des avoirs en Europe. Elles visent 9 personnes dont trois hauts gradés rwandais (Ruki Karusisi, Eugène Nkubito et Pascal Muhizi) et le directeur général de l’Office rwandais des mines, du pétrole et du gaz (RMB), Francis Kamanzi.

Alors qu’elles étaient tendues suite au refus du Rwanda, en août 2024, d’accréditer l’ambassadeur belge à Kigali en réaction à la décision de la Belgique d’accueillir le nouvel ambassadeur rwandais, les relations entre les deux pays se sont encore plus dégradées ce lundi 17 mars 2025. En effet, la Belgique a décidé d’expulser le chargé d’affaires et les diplomates rwandais à Bruxelles. Les autorités belges leur ont donné 48 heures pour quitter la Belgique.

La Belgique et ses illusions néocolonialistes

Ce faisant la Belgique ne que réagir à une décision similaire prises par les autorités rwandaises. Dans un communiqué publié dans la matinée, le Gouvernement rwandais indique avoir notifié à son homologue belge « sa décision de rompre les relations diplomatiques avec effet immédiat. Cette décision a été prise après une réflexion approfondie de plusieurs facteurs, tous liés aux tentatives pitoyables de la Belgique de maintenir ses illusions néocolonialistes ».

Cette décision a été prise après une réflexion approfondie de plusieurs facteurs, tous liés aux tentatives pitoyables de la Belgique de maintenir illusions néocolonialistes.

Le communiqué du ministère rwandais des Affaires étrangères et de la Coopération est assassin pour la Belgique avec de graves accusations. « La Belgique a constamment miné le Rwanda, bien avant et pendant le conflit en cours en République démocratique du Congo (RDC) dans lequel elle détient un rôle historique et profondément violent, notamment en agissant contre le Rwanda. Aujourd’hui, la Belgique a clairement pris parti dans un conflit régional et continue à se mobiliser systématiquement contre le Rwanda dans différents forums, utilisant mensonges et manipulations pour créer une opinion hostile injustifiée à l’égard du Rwanda, dans le but de déstabiliser le pays et la région », indique le communiqué.

Négation du génocide

Le ton du communiqué est violent et illustre une colère. Le Rwanda accuse la Belgique d’avoir une responsabilité historique dans le génocide de 1994 qui a fait près d’un million de morts dans la population Tutsie en 1994, à l’instigation des Hutus. « Au-delà de son rôle historique destructeur dans la création de l’extrémisme ethnique, qui a conduit à une discrimination et une persécution enracinées, et finalement au génocide contre les Tutsi de 1994, la Belgique a également permis à son territoire d’être utilisé par des groupes qui propagent le négationnisme du génocide et entretiennent l’idéologie génocidaire », poursuit le ministère des Affaires étrangères.

La Belgique a également permis à son territoire d’être utilisé par des groupes qui propagent le négationnisme du génocide et entretiennent l’idéologie génocidaire.

Et de conclure que la décision de rompre les relations diplomatiques « reflète l’engagement du Rwanda à protéger ses intérêts nationaux et la dignité des Rwandais, ainsi qu’à défendre les principes de souveraineté, de paix et de respect mutuel ».

Et la décision s’est matérialisée par l’expulsion des diplomates belges de Kigali endéans 48 heures. Les autorités rwandaises assurent qu’elles protègeront « les locaux, les biens et les archives de la mission diplomatique belge à Kigali ».

AFP

Le conflit dans l’Est de la RDC fait de nombreux déplacés de guerre. (Photo par Tony KARUMBA / AFP).

Représailles de la Belgique contre le Rwanda

Réponse du berger à la bergère. La Belgique a pris la même décision et dans les mêmes termes en essayant de justifier aussi sa position. Par la voix du ministre belge des Affaires étrangères, elle regrette la décision unilatérale du Rwanda en la jugeant « disproportionnée ». « Lorsque nous sommes en désaccord avec le Rwanda, celui-ci préfère ne pas dialoguer », a réagi Maxime Prévot (Les Engagés), vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères.

La Belgique réfute les déclarations du président Paul Kagame faites ce week-end ainsi que les raisons invoquées pour justifier la décision rwandaise.

Il dit avoir proposé une rencontre à son homologue rwandais, le ministre Olivier Nduhungirehe, « lors de son passage à Bruxelles la semaine dernière, mais ce dernier a décliné la rencontre ». Maxime Prévot estime que les autorités rwandaises se trompent sur la position de la Belgique.  « La Belgique réfute les déclarations du président Paul Kagame faites ce week-end ainsi que les raisons invoquées pour justifier la décision rwandaise. La Belgique ne cherche ni à punir, ni à affaiblir le Rwanda, encore moins en fonction d’un passé colonial dont elle a pris ses distances depuis longtemps. Il s’agit d’une déformation totale des faits », poursuit Maxime Prévot.

La Belgique convoque l’Europe pour défendre sa position

Il assure que l’analyse de la Belgique du conflit dans l’est de la RDC où le Rwanda est accusé de prêter mains fortes aux rebelles est partagée par l’Union européenne et les grandes puissances internationales. « La seule boussole de la Belgique continuera à être le respect des droits humains, de l’Etat de droit et du droit international humanitaire. Cette position est partagée par toute l’UE ainsi que par d’autres partenaires internationaux, dont le G7. Ceci montre qu’il ne s’agit pas d’une position isolée et que la Belgique n’a pas besoin de convaincre ses partenaires », affirme Maxime Prévot.

La position de la Belgique est partagée par toute l’UE ainsi que par d’autres partenaires internationaux, dont le G7.

Le vice-Premier ministre belge réfute les accusations du Rwanda concernant le génocide. « Notre position vis-à-vis du génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994 reste inchangée et nous la réaffirmons. La Belgique a condamné sans la moindre ambiguïté le génocide contre les Tutsis et a assumé sa part de responsabilité, notamment en demandant pardon pour ses manquements. La Belgique reste attachée à l’application de la loi sur la négation du génocide contre les Tutsis et maintiendra la très bonne coopération judiciaire entre le Rwanda et la Belgique concernant la poursuite de ses auteurs », martèle Maxime Prévot.

AFP

Le président rwandais Paul Kagame est accusé de vouloir provoquer la chute du régime du président Etienne Tshisekedi. (Photo par Fayez Nureldine and Ludovic MARIN / AFP).

Paul Kagame soutenu par ses pairs africains

Il estime qu’il y a une violation de l’intégrité territoriale de la RDC et dénonce la poursuite des violences dans l’est du pays. Et pour la Belgique, il faut une réaction ferme et unanime de la part de l’Union européenne (UE). « Ce matin (lundi, ndlr), le Conseil de l’Union européenne a adopté des sanctions individuelles contre des hauts responsables militaires rwandais ainsi que des membres du M23 et de l’AFC. Un individu et une entreprise rwandais ont également été sanctionnés en lien avec le trafic illégal de ressources naturelles en République démocratique du Congo. Il est probable que la décision prise aujourd’hui par le Rwanda ne soit pas étrangère à l’adoption unanime de ces sanctions au niveau européen », indique Maxime Prévot.

Les sanctions européennes prévoyant l’interdiction de se rendre dans les pays de l’UE et le gel des avoirs en Europe visent 9 personnes dont trois hauts gradés rwandais (Ruki Karusisi, Eugène Nkubito et Pascal Muhizi) et le directeur général de l’Office rwandais des mines, du pétrole et du gaz (RMB), Francis Kamanzi. Quatre Congolais, cadres du M23, dont son chef Bertrand Bisimwa, sont également concernés.

Il continue à plaider pour le dialogue et estime que « la rupture des canaux de discussion ne facilite jamais la résolution des différends ».

 Dans cette situation, le président Kagame sera applaudi par les pays africains et ils vont le soutenir face à la Belgique.

D’après des observateurs, les représailles belges à l’égard du Rwanda risquent de renforcer le soutien des présidents africains à l’égard du président rwandais Paul Kagame, considéré comme un panafricaniste. « Dans cette situation, le président Kagame sera applaudi par les pays africains et ils vont le soutenir face à la Belgique. Par ailleurs, toute l’opposition congolaise va aussi se ranger derrière la position de Paul Kagame, parce que le président congolais Etienne Tshisekedi est discrédité dans cette affaire », nous confie un observateur averti de la scène africaine.


Recent Posts

  • Société

Augmentation des plaintes de riverains et des infractions sur le tarmac de Brussels Airport

Le médiateur fédéral de l’aéroport national, Philippe Touwaide, a présenté ce mercredi 19 mars, son…

2 heures ago
  • Politique

Pénurie de main d’œuvre : vers un réservoir européen de talents pour faciliter le recrutement

Afin d’éviter toute discrimination et renforcer la transparence en matière de migration de travailleurs, les…

6 heures ago
  • Economie

CMA CGM devrait être le repreneur d’Air Belgium

Après des jours de négociations, l’armateur français CMA CGM devrait reprendre l’activité cargo d’Air Belgium,…

7 heures ago
  • Société

Nouveau report du FLA, le Federal Learning Account des travailleurs

Le Federal Learning Account (FLA), ça vous dit quelque chose? Il s'agit d'une (nouvelle) plateforme…

12 heures ago
  • Politique

Guerre en Ukraine : face à Donald Trump, Vladimir Poutine accepte un cessez-le-feu partiel, mais à ses conditions

Trois heures de discussion téléphonique pour arriver à un accord limité mais concret : la première…

22 heures ago
  • Politique

Gouvernement à Bruxelles : le patron des socialistes bruxelllois n’a pas peur de l’ultimatum du président du MR

Lors des vœux du MR à la presse nationale, le président du MR, Georges-Louis Bouchez…

23 heures ago