Augmentation des plaintes de riverains et des infractions sur le tarmac de Brussels Airport - L-Post
BRUIT DES AVIONS A BRUSSELS AIRPORT

Augmentation des plaintes de riverains et des infractions sur le tarmac de Brussels Airport

Le médiateur fédéral de l'aéroport de Brussels Airport propose trois pistes poru solutionner le dossier du survol des riverains par les avions opérant à l'aéroport national. BELGA

Le médiateur fédéral de l’aéroport national, Philippe Touwaide, a présenté ce mercredi 19 mars, son rapport annuel 2024. Plus de 1.800 infractions de nuit ont été répertoriées, soit une augmentation de 300 infractions par rapport à 2023. Les plaintes des riverains sont aussi en hausse : plus de 37.000 réclamations traitées l’an dernier contre environ 29.000 plaintes en 2023 (+29%). Il fait des propositions concrètes permettant d’apporter des solutions à la problématique du bruit des avions de Brussels Airport. Reste à voir si elles seront prises en compte par les responsables politiques. En attendant, l’auteur des menaces de mort visant le médiateur fédéral a été identifié et le dossier fait l’objet d’une médiation pénale.

C’est dans le paisible quartier du Chant d’Oiseau à Woluwe-Saint-Pierre, cela ne s’invente pas, que Philippe Touwaide, le médiateur fédéral de l’aéroport de Bruxelles-National a présenté son rapport annuel 2024. Comme toujours, il s’agit d’un document clair, net et précis de 165 pages reprenant entre autres toutes les statistiques de trafic depuis 1996.

Hausse des plaintes

Plus motivé que jamais, et contredisant les critiques de parlementaires néerlandophones de la N-VA et du Vlaams Belang qui semblent l’avoir pris en grippe, Philippe Touwaide a traité 37.188 réclamations en 2024, en hausse de 28,7%par rapport à 2023 (28.893 plaintes). Il relève aussi au passage « une nette progression des mails impolis, grossiers et vexatoires (10.440 en 2024) ». « Toutes les plaintes ont reçu une réponse individuelle et personnalisée, et seulement 17 recours ont été formulés contre le premier contenu de réaction reçu du médiateur », précise-t-il.

Toutes les plaintes ont reçu une réponse individuelle et personnalisée, et seulement 17 recours ont été formulés contre le premier contenu de réaction reçu du médiateur.

Le dossier des menaces de mort à l’encontre du médiateur fait actuellement l’objet d’une médiation judiciaire, l’auteur des faits ayant été identifié.

Utilisation des pistes

Une certaine stabilisation des choix de pistes est remarquée pour 2024, avec 81.72 % des décollages depuis la plus longue et mieux équipée piste 25R, et un recours alternatif de 9.12 % à la piste 01 pour les atterrissages, et de 3.28 % de la 07L pour les atterrissages (la piste 25 dans le sens inverse).

Sur les 198.617 mouvements d’avions répertoriés à l’aéroport de Bruxelles-National en 2024, seuls 68 ont survolé le centre de Zaventem, alors que cette commune réclame encore plus de dispersion. Or, elle apparaît clairement comme la moins survolée de toutes les communes situées autour de l’aéroport. Par ailleurs, Zaventem perçoit des recettes communales de plus de 7 millions de taxes liées à l’activité aéroportuaire (taxes sur les parkings, le séjour et la force motrice).

Crédit: Brussels Airport

Encore trop d’infractions de nuit

Le médiateur rapporte les données du coordinateur des créneaux, qui a signalé 1.055 infractions de nuit à la réglementation sur les autorisations de voler de nuit. Le médiateur rajoute pour sa part 763 autres infractions dont les 218 départs effectués avec des avions dont le niveau de bruit leur interdit d’évoluer de nuit. Au total, on dénombre ainsi 1.818 infractions comptabilisées sur le tarmac de Brussels Airport (+300 infractions par rapport à 2023).

Philippe Touwaide insiste sur la différence entre le niveau de bruit fédéral qui est le bruit à la source des avions et la norme de bruit régionale, qui est le seuil maximal de bruit admissible au sol lors des survols d’avions.

Philippe Touwaide insiste sur la différence entre le niveau de bruit fédéral qui est le bruit à la source des avions et la norme de bruit régionale, qui est le seuil maximal de bruit admissible au sol lors des survols d’avions. Il s’étonne de la confusion permanente des dirigeants de l’aéroport qui mélangent norme et niveau, en déclarant que c’est la Direction générale du transport aérien (DGTA) qui contrôlerait les normes de bruit alors que c’est une compétence exclusive gérée par les autorités régionales via Bruxelles-Environnement.

Les avions cargos sont trop bruyants et surtout trop vieux

Contrairement à ce que prétend l’aéroport (les gens oublient que les avions sont moins bruyants qu’en 2000), le médiateur fédéral a relevé que seules les compagnies cargo, de fret express et de messagerie n’ont pas élaboré de planning de renouvellement de leur flotte. Or, ces compagnies savaient depuis 2009 qu’elles devaient faire des efforts, mais rien n’a été entrepris. 70 % des avions cargos datent d’avant 2000, et le plus ancien venu à Bruxelles-National a 41 ans.

Philippe Touwaide insiste donc sur le respect du rajeunissement de la flotte cargo tel que repris dans le permis d’environnement de Brussels Airport. Il ne comprend pas donc pas l’affirmation d’Arnaud Feist, patron de BAC, la société de gestion de l’aéroport qui soutient dans la presse que « Brussels Airport ne sera pas en mesure de respecter les normes de bruit du nouveau permis ». Or, ce sont des niveaux de bruit qui doivent être respectées par les compagnies aériennes et non pas par Brussels Airport qui n’est pas une compagnie aérienne.

BELGA

Arnaud Feist, CEO de Brussels Airport Company (BAC), la société de gestion de l’aéroport national. (BELGA PHOTO BENOIT DOPPAGNE).

Trois étapes pour résoudre le dossier des survols

Le médiateur fédéral qui a une très bonne connaissance du dossier qu’il suit depuis de nombreuses années avance trois pistes pour solutionner le dossier du bruit des avions qui perturbe le quotidien des riverains de l’aéroport :

1) La norme de vent est le nœud de tout le problème : il propose d’en revenir à la norme historique utilisée sans accidents, ni conflits entre 1972 et 2003 à savoir 8 nœuds de vent arrière maximum sur les pistes 25 pour passer sur les autres pistes,

2) En complément aux 8 nœuds, il suggère le respect du Règlement européen qui impose le guidage satellitaire des avions pour les atterrissages. Ici, le Gouvernement fédéral est en infraction depuis le 25 janvier 2024 pour n’avoir pas publié une procédure de guidage GPS RNP pour les deux pistes parallèles 07 de Bruxelles-National (pistes 25 dans l’autre sens). « Toutes les décisions de justice exécutoires doivent être intégralement appliquées et respectées », déclare Philippe Touwaide. Il dénonce la totale inaction de l’ancien ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo) dont la mauvaise gestion aura déjà coûté 45 millions d’euros en astreintes, indemnisations et condamnations.

3) Le gestionnaire privé de l’aéroport doit adopter une attitude plus respectueuse et faire preuve d’empathie vis-à-vis des victimes du bruit des avions. Il estime que BAC doit cesser de contester sa licence et son permis d’environnement. Le médiateur estime que la société de gestion du site doit jouer la transparence en communiquant correctement sans erreurs. Il estime que BAC doit construire à ses frais un mur anti bruit et un hall couvert pour les essais moteurs des avions.

Les pistes parallèles 07 et la piste 01 de l'aéroport de Bruxelles-National.

Tenir compte du triptyque santé-économie-environnement

Il lance un appel pour que le gestionnaire du site alimente enfin le fonds d’isolation et d’expropriation créé en 2003. Philippe Touwaide invite BAC à faire respecter les normes de bruit bruxelloises et à mettre la pression sur les compagnies cargo pour qu’elles renouvellent leur flotte, permettant ainsi de réduire les niveaux de bruit comme repris dans le dernier permis d’environnement.

La résolution des litiges doit s’opérer selon un triangle à prendre en considération : santé, économie et environnement.

« La résolution des litiges doit s’opérer selon un triangle à prendre en considération : santé, économie et environnement. L’aéroport doit gérer ses externalités et ne peut plus tout faire au nom de l’économie à partir du moment où diverses études non contestées ont démontré que l’impact des vols de nuit en termes d’atteinte au repos, à la santé et à la tranquillité s’élevait à plus d’un milliard d’euros par an », observe Philippe Touwaide.

Ph. Law.