Guerre en Ukraine : face à Donald Trump, Vladimir Poutine accepte un cessez-le-feu partiel, mais à ses conditions - L-Post
GUERRE EN UKRAINE

Guerre en Ukraine : face à Donald Trump, Vladimir Poutine accepte un cessez-le-feu partiel, mais à ses conditions

Une composition montrant Donald Trump entouré du président ukrainien (à gauche) et de son homologue russe, Vladimir Poutine (à droite). AFP

Trois heures de discussion téléphonique pour arriver à un accord limité mais concret : la première discussion directe entre Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche n’aura pas été inutile. Mais pour autant, rien n’est réglé sur le fond et le plus difficile reste à faire : amener le Président russe et son frère ennemi ukrainien Volodymyr Zelensky à négocier une paix durable et équilibrée. Et c’est loin d’être gagné : Vladimir Poutine n’a pas cédé un pouce de terrain et ses revendications sont inacceptables, tant pour Kiev que pour l’Union européenne.

Cette interminable conversation – si l’on tient compte du temps nécessaire à la traduction, les deux hommes ont échangé durant environ une heure et demie – a débouché sur un accord de cessez-le-feu (très) partiel. Mais c’est le premier début d’accalmie après plus de 3 ans de guerre.

Le Président russe, Vladimir Poutine, s’est engagé à mettre fin aux frappes sur les centrales et réseaux énergétiques et les infrastructures. Le Kremlin a annoncé que le maître de la Russie, dès l’échange avec son homologue terminé, avait immédiatement ordonné à l’armée de cesser ses frappes. Et ce, avant même que l’on sache si Kiev accepterait un cessez-le-feu réduit partiel.

Donald Trump satisfait et optimiste

D’après le résumé officiel de la discussion rendu public par la Maison Blanche, les deux dirigeants ont également convenu d’entamer immédiatement des négociations au Moyen-Orient en vue d’un cessez-le-feu naval en mer Noire et d’un éventuel accord de cessez-le-feu complet.

Si le compte rendu de Washington était extrêmement succinct, celui qui a été diffusé par Moscou était, lui, nettement plus détaillé.

Comme on pouvait s’y attendre, Donald Trump s’est montré extrêmement satisfait de cette conversation qu’il a qualifiée de « bonne et productive ». Il s’est montré optimiste sur les perspectives d’arriver rapidement à un règlement global. La présidence US s’est empressée de vanter « l’immense avantage » d’avoir une « meilleure relation avec la Russie ». Trump a toutefois reconnu que, si « de nombreux éléments » d’un accord de paix avaient été convenus avec son homologue, il « restait beaucoup » à discuter.

Et pour cause. Si le compte rendu de Washington était extrêmement succinct, celui qui a été diffusé par Moscou était, lui, nettement plus détaillé. Il reprenait, point par point, les positions exprimées par Vladimir Poutine tout au long de l’échange avec son homologue américain. Et à le lire, on comprend que le chef d’Etat russe campe fermement sur ses positions.

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Des soldats ukrainiens sur le front. (Photo par Andriy ANDRIYENKO / 65th Mechanized Brigade of Ukrainian Armed Forces / AFP).

Du côté russe, aucune concession réelle

D’abord, Poutine a catégoriquement rejeté la proposition américaine de cessez-le-feu de 30 jours, à laquelle l’Ukraine avait souscrit sans conditions préalables. Le Kremlin n’accepterait une telle trêve que si Washington et les alliés occidentaux mettaient fin, immédiatement, à toute aide militaire et à tout soutien en matière de renseignement à l’Ukraine.

La condition essentielle pour empêcher l’escalade du conflit […] devrait être la cessation complète de l’aide militaire étrangère et du soutien en matière de renseignement à Kiev.

« La partie russe a souligné un certain nombre de points importants concernant le contrôle effectif d’un éventuel cessez-le-feu sur toute la ligne de contact de combat, la nécessité de mettre fin à la mobilisation forcée en Ukraine et au réarmement des forces armées ukrainiennes. La condition essentielle pour empêcher l’escalade du conflit […] devrait être la cessation complète de l’aide militaire étrangère et du soutien en matière de renseignement à Kiev », indique le Kremlin.

L’armée russe contrôle aujourd’hui près d’un cinquième du territoire ukrainien et n’entend pas en rétrocéder le moindre centimètre carré. Du reste, la semaine dernière, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait déjà annoncé la couleur : « La Crimée, Sébastopol, Kherson, Zaporijia, Donetsk, Louhansk sont des régions de Russie. Elles sont inscrites dans la constitution. C’est un fait établi ».

Des troupes de l’OTAN en Ukraine ? « En aucune circonstance »

La démilitarisation, au moins partielle de l’Ukraine, reste également inscrite à l’agenda de Vladimir Poutine de même que l’interdiction pour Kiev d’adhérer à l’OTAN.

Le Kremlin a également exclu la présence de « soldats de la paix étrangers » en Ukraine, une proposition que plusieurs pays européens – et au premier plan la France et le Royaume-Uni – considèrent pourtant comme une indispensable garantie de sécurité pour l’Ukraine. Lundi, Moscou avait déjà rappelé que la présence de troupes d’un Etat membre de l’Alliance atlantique ne serait acceptée « en aucune circonstance » sur le sol ukrainien.

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Le Président français, Emmanuel Macron (à gauche sur la photo) avec le Chancelier sortant allemand, Olaf Scholz (à droite). (Photo par John MACDOUGALL / AFP).

L’accueil de ces premiers éléments a été mitigé en Europe.

Si Emmanuel Macron a salué une « première étape », il a aussitôt enchainé en soulignant que le cessez-le-feu devrait être « vérifiable » et que Kiev devait être associé aux négociations à venir.

Avec le Chancelier allemand Olaf Scholtz, qu’il rencontrait à Berlin ce mardi, le président Français a rejeté la demande russe d’arrêt du soutien militaire à l’Ukraine « qui peut compter sur le soutien de l’Europe et que nous ne laisserons pas tomber ». « Nous continuons le soutien à l’armée ukrainienne dans sa guerre de résistance face à l’agression russe ».

Nous resterons à ses côtés aussi longtemps qu’il le faudra pour veiller à ce que la Russie ne puisse plus jamais lancer une invasion illégale.

Même son de cloche à Londres qui veut « une paix juste et durable pour l’Ukraine » : « Nous resterons à ses côtés aussi longtemps qu’il le faudra pour veiller à ce que la Russie ne puisse plus jamais lancer une invasion illégale », a déclaré le Premier ministre britannique, Keir Starmer.

Mécontentement en Ukraine

Volodymyr Zelensky, enfin, estimait en milieu de soirée que « les conditions posées par Vladimir Poutine montrent qu’il n’est pas prêt à mettre fin à la guerre ».

On le voit, l’interprétation de ce qui s’est dit entre Trump et Poutine varie du tout au tout selon que l’on écoute Washington, Berlin paris ou Londres ou Kiev. La balle est désormais dans le camp américain et l’on est curieux de savoir qui Donald Trump choisira de faire fléchir : la Russie ou ses alliés européens ?

Vladimir Poutine, lui, peut savourer une première victoire : quelle que soit l’issue des négociations à venir, il a enfoncé un coin entre les Etats-Unis et l’Europe et peut maintenant tenter d’exploiter la situation pour « découpler » les deux rives de l’Atlantique. Un vieux rêve soviétique que cet ancien officier du KGB a fait sien.

Hugues Krasner