Confronté à une pénurie inquiétante de médicaments, le Maroc accélère l’enregistrement des traitements

Le Maroc est confronté à une pénurie de médicaments sans précédent, mettant en péril la santé de nombreux citoyens. Cette crise est exacerbée par une demande croissante due à l’extension de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et par des défis persistants dans la production ainsi que dans l’approvisionnement pharmaceutiques. Malgré une industrie locale capable de produire des traitements couvrant jusqu’à 80% des besoins nationaux, le royaume chérifien reste dépendant des importations pour des médicaments essentiels, ce qui accentue la vulnérabilité du marché face aux fluctuations internationales. Les chiffres récents illustrent l’ampleur du problème. En mars 2024, environ 1 200 médicaments, soit 19,3 % des 6 211 références disponibles, étaient en rupture de stock dans les pharmacies marocaines. Parmi ces pénuries, des traitements indispensables comme ceux contre le diabète, l’hypertension, et certaines maladies chroniques ont été fortement impactés. Les professionnels de la santé alertent sur les risques accrus de complications pour les patients, notamment en raison du manque d’alternatives immédiates. Les autorités annoncent des mesures pour lutter contre la pénurie.
Une demande en forte croissance
Depuis janvier 2023, la consommation de médicaments au Maroc a connu une augmentation soutenue, avec une croissance annuelle de 4,5 %. Cette tendance est principalement due à l’extension de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), qui a intégré de nouveaux bénéficiaires et renforcé la demande en traitements médicaux. En décembre 2024, le chiffre d’affaires du secteur pharmaceutique a atteint 17,2 milliards de dirhams (environ 1,72 milliard d’euros), avec une vente record de 485 millions de boîtes de médicaments en pharmacie.
Les médicaments les plus consommés sont les antalgiques, les antibiotiques et les traitements contre les maladies cardiovasculaires.
Les médicaments les plus consommés sont les antalgiques, les antibiotiques et les traitements contre les maladies cardiovasculaires. Le Doliprane, par exemple, reste le médicament le plus vendu avec 35 millions de boîtes commercialisées en 2024, générant un chiffre d’affaires de 320 millions de dirhams (32 millions d’euros). Cette pression croissante sur les stocks entraîne des tensions sur l’approvisionnement et amplifie la crise.
Défis de la production locale
Bien que le Maroc possède une industrie pharmaceutique performante, avec une quarantaine de laboratoires opérant sur 54 sites de fabrication à Casablanca, à Rabat et à Tanger, le pays reste fortement dépendant des importations pour les matières premières et certaines molécules stratégiques. Cette dépendance expose le royaume aux perturbations internationales, notamment les fluctuations des coûts de production et les tensions géopolitiques qui affectent les expéditions de médicaments vers le Maroc.
Le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Aït Taleb, a rappelé en février 2025 l’importance de renforcer la production nationale pour réduire cette vulnérabilité.
Le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Aït Taleb, a rappelé en février 2025 l’importance de renforcer la production nationale pour réduire cette vulnérabilité. Parmi les initiatives gouvernementales, la construction d’une usine de fabrication de vaccins à Benslimane apparaît comme un projet phare. Cette usine, dont la capacité de production atteindra 144 millions de doses par an, vise à couvrir non seulement les besoins nationaux mais également à exporter des médicaments vers d’autres pays africains.
Cependant, la production locale rencontre des obstacles majeurs. La hausse des coûts de l’énergie et des matières premières rend la fabrication des médicaments plus onéreuse. De plus, la suppression de la TVA sur les médicaments, appliquée en janvier 2024, a paradoxalement entraîné un retard dans la distribution des stocks, aggravant la pénurie.
Mesures pour atténuer la crise
Face à cette crise, le gouvernement marocain a adopté plusieurs mesures pour limiter l’impact de la pénurie sur les citoyens. En avril 2025, Le ministère de la Santé a annoncera l’accélération des procédures d’enregistrement des médicaments. Désormais, le processus d’homologation, qui pouvait prendre jusqu’à deux ans, a été réduit à six mois, facilitant l’arrivée rapide de nouveaux traitements sur le marché.
Par ailleurs, une réforme du système de tarification des médicaments est en cours afin d’encourager la production locale et d’attirer de nouveaux investissements dans le secteur pharmaceutique. Le gouvernement a également décidé de renforcer les contrôles sur les laboratoires pharmaceutiques afin de garantir le respect des engagements en matière d’approvisionnement. Ceux qui ne respectent pas les règles risquent des sanctions allant jusqu’à la suspension de leur licence d’exploitation.
Le Maroc envisage la mise en place de stocks stratégiques de médicaments afin d’anticiper d’éventuelles ruptures futures.
Enfin, le Maroc envisage la mise en place de stocks stratégiques de médicaments afin d’anticiper d’éventuelles ruptures futures. Cette stratégie pourrait permettre d’amortir la tension sur l’approvisionnement et de garantir aux patients un accès continu à leurs traitements essentiels.
Malgré ces efforts, la pénurie de médicaments au Maroc en 2025 demeure une problématique complexe qui nécessite une action concertée entre les secteurs public et privé. L’adoption de solutions durables, comme l’augmentation de la production locale et la diversification des sources d’importation, sera essentielle pour garantir un accès équitable aux soins pour l’ensemble de la population marocaine.
Hamid Chriet