Politique

Inéligibilité de Marine Le Pen : les juges ont tranché entre le droit et le peuple


Après plusieurs semaines d’une insoutenable attente, la 11ème Chambre du tribunal de correctionnel de Paris a rendu, lundi 31 mars, son verdict dans le dossier des assistants parlementaires européens du Front National (devenu Rassemblement National). Même si la justice française reconnaît qu’il n’y a pas eu d’enrichissement personnel dans le chef des 25 prévenus, elle a toutefois condamné 24 d’entre eux pour détournement de fonds publics à des peines diverses.

Parmi les condamnés figure la cheffe de groupe du l’ex-parti frontiste à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, ancienne présidente du parti dont le cas a suscité le plus de réactions. Et pour cause. Elle est ouvertement candidate à la présidentielle française de 2027 et est favorite des sondages. Le verdict vient de mettre un coup d’arrêt à son ambition, alors qu’elle est portée par une vague susceptible de lui ouvrir les portes du palais de l’Elysée. En effet, elle est condamnée à une peine de 4 ans d’emprisonnement, dont 2 ans ferme aménageables sous bracelet électronique, à 100 000 euros d’amende, et à une peine d’inéligibilité de 5 ans avec application immédiate.

Le tribunal a mis en avant le « rôle central » de Marine Le Pen, députée européenne de 2004 à 2017, dans le système mis en place pour détourner l’argent du Parlement européen.

Dans l’énoncé du jugement, la présidente de la 11ème Chambre du tribunal correctionnel de Paris, Bénédicte de Perthuis, a mis en avant le « rôle central » de Marine Le Pen, députée européenne de 2004 à 2017, dans le système mis en place pour détourner l’argent du Parlement européen (au total 4,1 millions d’euros détournés sur 12 ans).

Que n’a-t-on pas entendu chez les soutiens de l’ancienne présidente du Rassemblement National ? Même si le malheur des uns fait le bonheur des autres et que c’est lui qui va probablement profiter de la mise à l’écart de son mentor, le président du parti, Jordan Bardella Rassemblement national a estimé que la justice « prive des millions d’électeurs de leur choix et donc de leur liberté ». Il estime que la justice a « exécuté la démocratie française ». Marine Le Pen fustige la décision des juges estimant sur le plateau de TF1 qu’elle est de facto « éliminée, mais en réalité ce sont des millions de Français dont la voix est éliminée ».

Je suis éliminée, mais en réalité, ce sont des millions de Français dont la voix est éliminée.

La présidente du RN s’est attirée des soutiens dont elle aurait bien se passer, notamment du porte-parole du Kremlin au Premier ministre hongrois, Viktor Orban, en passant par le leader hollandais de l’extrême droite, Geert Wilders, et le ministre et président de la Ligue italienne, Matteo Salvini. Même le fantasque milliardaire, Elon Musk a apporté son soutien à Marine Le Pen dénonçant un « abus du pouvoir judiciaire ».

Les critiques virulentes des responsables politiques français à l’égard de l’appareil judiciaire interpellent d’autant plus que la justice n’a fait qu’appliquer des lois votées par la classe politique français dans sa majorité. Par ailleurs, les politiques sont les premiers à demander la fermeté de la part de la justice pour les infractions et paradoxalement quand le glaive de celle-ci les frappe, ils sont les premiers à monter au créneau. Ils oublient que la détention d’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités et qu’en tant que responsables politiques, ils doivent faire preuve d’exemplarité.

Les politiques sont les premiers à demander la fermeté de la part de la justice pour les infractions et paradoxalement quand le glaive de celle-ci les frappe, ils sont les premiers à monter au créneau.

La justice a donc choisi entre le peuple (les millions d’électeurs) et le droit (les lois). Dans ce dossier des assistants parlementaires européens fictifs du Front National, c’est la raison qui semble l’emporter sur la passion, contrairement à ce que les soutiens de Marine Le Pen tentent de faire croire. Rendre la justice au nom des intérêts publics est une tâche difficile. Le magistrat doit être capable de faire taire ses sentiments et ses orientations politiques pour ne juger qu’en droit et s’en tenir aux éléments du dossier. La séparation des pouvoirs a bien joué ici, car de pressions, il y en avait.

Le magistrat doit être capable de faire taire ses sentiments et ses orientations politiques pour ne juger qu’en droit et s’en tenir aux éléments du dossier.

La décision de la 11ème Chambre du tribunal correctionnel de Paris peut paraître dure, implacable et tout citoyen peut la critiquer. Mais il faut se garder de charger les juges, car les décrédibiliser ne fera que fragiliser l’un des pouvoirs de l’Etat de droit.


Recent Posts

  • Economie

Taxe de 3 euros au départ de Charleroi Airport : les dirigeants de BSCA surpris par la proposition

Le gouvernement wallon n’entend pas laisser la ville de Charleroi imposer une taxe de 3…

10 heures ago
  • Santé

Dynamicare : la belle histoire et le succès de deux Liégeoises pour revaloriser le métier d’infirmier

LIEGE. Cinq ans après le Covid, la pénurie de soignants continue de s’aggraver. Les infirmiers,…

14 heures ago
  • Culture

La Belgique, à travers Jean Curtius, décorée en Espagne pour son génie industriel

Ce 29 novembre, la Belgique a été mise à l’honneur en Cantabrie (Espagne) par la…

19 heures ago
  • Economie

C’est parti, l’application belge Doccle a réalisé son premier paiement Wero en Europe

BRUXELLES. On y est et, parait-il, il faut s’en réjouir! Le premier paiement Wero officiel…

20 heures ago
  • Economie

Tic tac, le compte à rebours est lancé pour la facturation électronique obligatoire…

On le sait, à partir du 1er   janvier 2026, le passage à la facturation électronique…

20 heures ago
  • Société

Bruxelles : Laurent Haulotte, deuxième candidat sérieux dont BX1 n’a pas voulu comme directeur général

Selon nos informations, l’ancien directeur de l’information et des sports de RTL Belgium était le…

1 jour ago