Droits de douane US : la biopharma préconise une autre approche que des mesures de rétorsion
BELGA La biopharma belge estime que des droits de douane en réaction aux décisions prises par le président américain « auront un impact négatif sur les soins de santé et, en fin de compte, sur les patients ». CEO de la pharma.be, Caroline Ven suggère de mieux stimuler l’esprit d’entreprise et l’innovation. Elle dresse un bilan mitigé de l’activité du secteur en 2024 et la sonnette d’alarme. Pour la première fois depuis plus d’une décennie, l’emploi dans le secteur biopharmaceutique belge recule (-0,5% en 2024). Les exportations, bien qu’encore colossales à 79 milliards d’euros, enregistrent un léger repli (-1,4%). Cette baisse de régime intervient alors que le secteur dépend fortement des Etats-Unis, premier débouché de la biopharma belge avec 24% des exportations. « Il est clair que nous ne sommes plus dans la situation familière du business as usual », avertit Caroline Ven, CEO de pharma.be. Elle plaide pour une stratégie européenne solide et à une revalorisation urgente de l’innovation. Le secteur s’inquiète en voyant les décisions prises par le président américain, Donald Trump, d’imposer des droits de douane de 20% sur pratiquement tous les produits exportés d’Europe vers les USA.
Longtemps considérée comme la « Biopharma Valley » de l’Europe, la Belgique brille encore par ses performances dans la recherche, la production et l’exportation de médicaments. Chaque jour, ce sont 216 millions d’euros de produits biopharmaceutiques qui quittent le territoire national. Pourtant, derrière ces chiffres impressionnants, les premiers signes d’essoufflement apparaissent.
Les exportations du secteur ont connu en 2024 une légère baisse de 1,4%, atteignant tout de même 79 milliards d’euros. Un recul qui, isolément, pourrait sembler marginal, mais qui inquiète dans un contexte de dépendance excessive vis-à-vis de certains marchés et d’un changement de dynamique sur le front de l’emploi.
L’ombre des Etats-Unis
Premier partenaire commercial de la biopharma belge, les Etats-Unis absorbent près de 24% des exportations du secteur, bien plus que leur part dans les exportations totales belges (6,8%). Cette relation asymétrique expose le secteur à de forts risques en cas de tensions géopolitiques ou commerciales.
Il y a un flou concernant les produits pharmaceutiques, mais la situation nous inquiète.
Or, Washington renforces ses barrières tarifaires, ciblant pratiquement tous les produits qui entrent sur le territoire américain. Un certain flou règne sur le sort qui sera réservé aux produits pharmaceutiques. « Dans son intervention, le président américain parle de pharmaceuticals qui seront exonérés, mais on ne sait pas si ce sont les médicaments finis ou les ingrédients. Il y a donc un flou concernant les produits pharmaceutiques, mais la situation nous inquiète », nous a confié le porte-parole de parma.be.
Une menace directe plane donc sur secteur stratégique de l’économie belge. En Europe, seuls deux autres pays rivalisent avec la Belgique en termes d’exportation de vaccins vers les Etats-Unis.
Coup d’arrêt sur l’emploi
Symbole d’un secteur en pleine croissance ces dernières années, l’emploi dans la biopharma belge marque le pas. Après une progression de 16,2% sur cinq ans, l’année 2024 voit une diminution de 0,5% du nombre de postes. Un fait inédit depuis plus d’une décennie.

CEO de pharma.be, Caroline Ven préconise une autre stratégie face à Donald Trump. Photo : LinkedIn
Il est clair que nous ne sommes plus dans la situation familière du « business as usual » de ces dernières années.
Ce retournement entraîne des répercussions en chaîne. Chaque emploi direct dans le secteur biopharma génère, selon pharma.be, trois emplois supplémentaires dans l’écosystème industriel et scientifique belge. Le ralentissement est donc loin d’être anodin pour le tissu économique national. L’emploi direct est passé de 44.958 collaborateurs en 2023 à 44.738 personnes en 2024. Les emplois indirects et induits enregistrent des diminutions (voir infographie).
« Les derniers chiffres sont préoccupants. Il est clair que nous ne sommes plus dans la situation familière du « business as usual » de ces dernières années, où nous ne voyions que des chiffres de croissance et des évolutions positives en termes d’emploi et d’exportations », commente Caroline Ven, CEO de pharma.be.
Un appel à une stratégie européenne forte
Caroline Ven appelle à un sursaut stratégique du pays et du secteur. « Alors que les Etats-Unis confrontent également notre pays à des droits de douane élevés, il devient évident que la Belgique, et l’Europe en général, doivent repenser leur stratégie. Nous ne sommes pas favorables à des contre-mesures lourdes de la part de l’UE (Union européenne, ndlr), notamment en imposant des droits de douane sur les produits pharmaceutiques américains, car ces mesures auront un impact négatif sur les soins de santé et, en fin de compte, sur les patients. Au contraire, il est essentiel de stimuler et de valoriser l’esprit d’entreprise et l’innovation », poursuit-elle.

Nous ne sommes pas favorables à des contre-mesures lourdes de la part de l’UE, notamment en imposant des droits de douane sur les produits pharmaceutiques américains.
« Nous préconisons donc une stratégie forte en matière de sciences de la vie pour renforcer la compétitivité européenne, en valorisant mieux l’innovation, en supprimant les obstacles à ces activités innovantes et en investissant davantage sur notre propre marché et dans le développement de nouveaux marchés comme l’Asie, faute de quoi nous risquons de perdre le secteur biopharmaceutique en tant que bastion de l’industrie manufacturière dans notre pays », conclut-elle sur la stratégie future à adopter.
Méderic Guisse (st)
