Politique

Chaises musicales à Londres : Shabana Mahmood, première femme musulmane à être nommée ministre de l’Intérieur.


Londres, ce début septembre, vit au rythme d’une fébrilité politique rarement vue depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre travailliste, Keir Starmer. En 24 heures à peine, il a vu son exécutif vaciller, puis a dû rebattre les cartes dans l’urgence. La démission d’Angela Rayner (45 ans), vice-Première ministre et secrétaire d’Etat au Logement. Elle est une figure de l’aile gauche du Labour. Son retrait a déclenché une tempête politique qui rebat les équilibres d’un gouvernement déjà fragilisé. Le remaniement a permis l’arrivée de Shabana Mahmoud au poste de ministre de l’Intérieur, une première au Royaume-Uni. Elle était déjà ministre de la Justice dans le gouvernement précédent. Juriste de formation, elle est décrite comme une responsable politique  « pragmatique » et n’ayant pas de prendre des décisions impopulaires. Elle a toujours refusé d’être définie par ses origines, mais plutôt par ses résultats.

Angela Rayner, populaire et pugnace, s’est retrouvée contrainte de quitter le navire après qu’une erreur fiscale liée à l’achat d’un logement à Hove a été rendue publique. Même Si le conseiller éthique du gouvernement a conclu qu’elle avait agi « de bonne foi », cela n’a pas suffi à calmer la polémique déclenchée par la désormais ex-Vice-Première ministre et secrétaire d’Etat au Logement. Angela Rayner devient ainsi la huitième personnalité à quitter le gouvernement en moins d’un an, affaiblissant un peu plus un exécutif déjà distancé dans les sondages par le parti populiste Reform UK de Nigel Farage.

Une démission qui fragilise Starmer

Ce départ fragilise un Premier ministre déjà en quête d’autorité. À peine un an après son accession au pouvoir, Starmer doit contenir les tensions internes du Labour, répondre aux attaques de la droite populiste et restaurer une image de sérieux mise à mal par cette affaire.

La démission de Rayner a agi comme un électrochoc, obligeant Downing Street à un remaniement plus profond que prévu.

Les nouveaux visages du gouvernement travailliste

Le jeu des chaises musicales a mis en avant plusieurs figures de poids :

  • David Lammy, ancien ministre des Affaires étrangères, devient vice-premier ministre et ministre de la Justice, un poste stratégique dans le climat actuel.
  • Yvette Cooper, pilier du Labour depuis l’ère Gordon Brown, quitte l’Intérieur pour diriger le Foreign Office.
  • Rachel Reeves conserve les Finances, symbole de continuité économique.
  • Shabana Mahmood, jusqu’ici ministre de la Justice, hérite de l’Intérieur, devenant la première femme musulmane à diriger ce portefeuille ultrasensible.

Cette nomination, hautement symbolique, traduit la volonté de Starmer de miser sur des profils solides et expérimentés pour apaiser la tempête politique. Mais elle pourrait aussi redéfinir en profondeur la stratégie sécuritaire et migratoire du Royaume-Uni.

Le Premier ministre Keir Starmer (à gauche) et la désormais ex-ministre du Logement, Angela Rayner (à droite) lors d’un évènement. Elle a démissionné pour une « erreur » lui ayant permis de faire une économie de plus de 46.000 euros d’impôt sur l’achat d’un logement. (Oli SCARFF / AFP).

Shabana Mahmood, de Birmingham à Whitehall

À 44 ans, Shabana Mahmood s’impose comme l’une des figures les plus prometteuses de la nouvelle génération travailliste. Née à Birmingham dans une famille cachemirienne, fille d’un ingénieur civil et d’une commerçante, elle a grandi dans un quartier populaire où la politique se discutait autour de tasses de thé et de samossas. Tom Watson, ancien numéro deux du Labour, se souvient de l’avoir vue, adolescente, « démêler des situations complexes avec une clarté désarmante ».

Diplômée en droit de l’université d’Oxford, avocate de formation, elle entre au Parlement en 2010. Elle se forge rapidement une réputation de stratège discrète, mais redoutable.

En 2024, alors ministre de la Justice, elle prend une décision choc : la libération anticipée de milliers de détenus pour désengorger les prisons, au risque de s’attirer les foudres de l’opinion. « Pragmatique, directe et prête à assumer l’impopularité », résume une source travailliste.

La Manche, ligne de front politique

Le portefeuille de l’Intérieur est l’un des plus explosifs du gouvernement. La question migratoire domine le débat public, alimentée par des images de traversées clandestines de la Manche. Depuis des années, Londres et Paris multiplient accords et financements pour contenir les flux, mais les résultats peinent à convaincre. Le mécanisme « one in, one out », censé échanger des voies légales d’asile contre le renvoi d’arrivées clandestines, est désormais largement critiqué.

Mahmood devra proposer une alternative crédible, alors que la société britannique est traversée par des tensions identitaires et que le gouvernement cherche à éviter le piège d’une politique « à deux vitesses ».

Ancien ministre des Affaires étrangères, David Lammy reprend le portefeuille de la Justice. (Roslan RAHMAN / AFP).

La droite populiste à l’offensive

Reform UK, le parti de Nigel Farage, capitalise sur la moindre faille du Labour. En meeting à Birmingham, le tribun populiste a accusé Starmer de diriger « un gouvernement aussi mauvais, voire pire, que celui qu’il a remplacé ». Pour Mahmood, l’équation est redoutable : affirmer son autorité tout en évitant de céder au discours sécuritaire radical qui séduit une partie de l’électorat.

Une nomination au retentissement international

L’ascension de Mahmood résonne au-delà du Royaume-Uni. En France, partenaire clé sur la question migratoire, sa nomination est scrutée de près. En Belgique, où plusieurs ministres issus de l’immigration ont déjà occupé des postes stratégiques, son parcours inspire. Première femme musulmane et cachemirienne à diriger l’Intérieur britannique, Mahmood porte un symbole fort. Mais ses proches insistent : « Elle ne veut pas être définie par ses origines, mais par ses résultats ».

Une ministre sous haute pression

Connue pour son humour acerbe et son franc-parler, Mahmood ne craint pas les combats politiques. Lucy Powell, ex-ministre et proche alliée, la compare à une « défense centrale dans une équipe de football : invisible quand tout va bien, mais responsable du moindre faux pas ».
Avec un Labour affaibli et un Premier ministre sous pression, Mahmood n’a pas droit à l’erreur. Son mandat sera un test grandeur nature : celui de voir si le Royaume-Uni peut conjuguer diversité, fermeté et humanité sans basculer dans le populisme.

Alexander Seale (au Royaume-Uni)


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