CARTE BLANCHE

Gratuité : de l’art d’être dépensier en investissant mal !

Christine Mahy, secrétaire générale du RWLP, à Namur en octobre dernier.BELGA

Au moment où des mesures décidées ou envisagées par les Gouvernements de la Région Wallonne et du Gouvernement Fédéral vulnérabilisent le portefeuille des ménages immédiatement, à court terme et durablement, la Fédération Wallonie-Bruxelles (F-WB) n’est pas en reste ! La FWB prend des décisions qui affectent directement le présent et l’avenir des enfants en dégradant les investissements pourtant majeurs. Ainsi, le Gouvernement de la FWB décide des coupes budgétaires dans l’enseignement obligatoire qui vont atteindre spécifiquement les élèves les plus défavorisés, comme la FWB décide des coupes dans les services d’accueil de la petite-enfance alors que tout le contraire serait nécessaire. Alors que le contraire aurait dû être au rendez-vous.

La FWB peu soucieuse de l’avenir des enfants et de la lutte structurelle contre la pauvreté !

Le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté a été le moteur de la défense de la gratuité scolaire depuis des années. A la faveur d’un ralliement large d’un ensemble d’acteurs soucieux des familles, des avancées avaient été obtenues, à travers un décret « repas complet gratuit » notamment. Ce décret était à étendre et à parfaire, pas à supprimer, pour de très bonnes raisons !

Les bénéfices des repas gratuits et de qualité à l’école ont été démontrés par des scientifiques et à travers des comparaisons internationales. Cet investissement durable multiplie les impacts positifs en faveur des enfants : sur l’apprentissage des enfants et donc la réussite scolaire, sur la santé des enfants à long terme, sur la réduction de la stigmatisation d’enfants et de leurs parents, sur la peur du jugement à travers la boîte à tartines, sur la concentration des équipes pédagogiques en lien avec les acquisitions des savoirs et du vivre ensemble en ne s’inquiétant plus des ventres creux.

Et ceci est aussi au bénéfice du portefeuille des ménages socio-économiquement pauvres qui doivent moins prioriser les renoncements, moins se priver d’autres choses tout aussi importantes, et qui sont rassurés de savoir leurs enfants sereins face à ce stress du repas scolaire.

Et ce ne sont pas les acteurs de la production et de l’économie locale, du développement d’emplois de proximité, qui cherchent la qualité alimentaire et le changement des habitudes alimentaire pour la santé et la planète, qui démentiront tout l’intérêt qu’il y aurait à relier les niveaux de pouvoir (Les Régions, le Fédéral) pour aider à une amplification des repas gratuits à l’école, qui plus est de qualité, dans toutes les collectivités dont l’école.

Les coupes budgétaires prévues dans l’enseignement obligatoire en 2026 vont frapper durement les enfants des familles les plus défavorisées.

Le RWLP attendrait donc à minima un non-recul de la FWB dans les investissements en la matière, et un investissement des Régions et du Fédéral pour donner de l’amplitude et une stabilisation des financements.

Paradoxes… lors du travail pour la construction des futurs Stratégie et Plan de lutte contre la pauvreté en FWB et en RW qui sont entre les mains des Gouvernements, la gratuité des repas scolaires est de nouveau appuyée par l’ensemble des acteurs associés, comme un levier important pour améliorer la vie des enfants dont les parents sont confrontés à la pauvreté.

Et la Belgique, dans le cadre de la présidence belge de l’Union Européenne, (2024) a co-signé une déclaration interinstitutionnelle sur l’avenir du socle européen des droits sociaux qui inclut la Garantie européenne pour l’enfance où la fourniture d’un repas sain chaque jour à l’école à tous les enfants dans le besoin est un engagement.

Au contraire de tout cela, les coupes budgétaires prévues dans l’enseignement obligatoire en 2026 vont frapper durement les enfants des familles les plus défavorisées par une diminution des moyens, par la suppression du décret, par une dilution des moyens, laissant aux écoles les solutions pour « s’en tirer » avec moins, avec trop peu !

Le RWLP attend que tous les gouvernements se ressaisissent!

Le retour à l’unique soupe à midi, que le RWLP souhaite continuer à voir exister comme collation gratuite, ne nous satisfait pas, comme cela ne satisfera ni les enfants, ni leurs parents. Le retour aux repas payants lorsqu’ils ne l’étaient pas non plus. La dégradation de la qualité du repas, malgré tout payant, non plus.

Cette réduction des moyens, ce désinvestissement, ce non-investissement, atteignent directement les droits de l’enfant, l’avenir des enfants, le chemin déjà très chaotique de la lutte de la pauvreté.

Choisir de ne pas investir au bon moment dans la vie des enfants, et singulièrement des enfants dont les familles sont pauvres ou appauvries, qui sont et font la société et sa dynamique, c’est s’engager à devoir assurer des dépenses compensatoires énormes par la suite qui sont toujours des puits sans fond, en santé, en échec scolaire, en relégation, en stigmatisation et violence sociétale, en pauvreté non-enrayée.

Le RWLP attend que le Gouvernement de la FWB se ressaisisse et que les Gouvernements des Régions et du Fédéral se sentent directement concernés par ce droit à l’accès gratuit à une alimentation en quantité et qualité dans les écoles. Qui plus est, alors que les décisions fédérales qui affaiblissent les revenus et le pouvoir de vivre, entre autres via la réforme sur l’indexation des salaires et allocations sociales, vont peut-être paradoxalement redonner du lest à la FWB via les salaires des enseignants également affectés par la mesure.

Investissez durablement au bon moment dans la vie des enfants pour ne plus jeter, contraints et forcés, l’argent par les fenêtres dans des réponses compensatoires coûteuses et totalement insatisfaisantes tout au long de leur vie !
Investissez juste en évitant les cadeaux fiscaux qui privent des politiques aussi essentielles d’investissement sur l’avenir !
Investissez en analysant les recettes et dépenses de façon systémique sur l’ensemble des niveaux de pouvoir, et en perspective.

 

Le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP)