Australie : au moins 15 morts et 40 blessés dans la plus grave attaque antisémite de l’histoire du pays
Deux hommes vêtus de noir ont ouvert le feu, dimanche 14 décembre 2025, en fin de journée, contre une foule de Juifs qui s’était rassemblée dans un pavillon de Bondi Beach (Sydney) pour l’allumage de la première bougie de Hanoukka. Les derniers bilans font état de 15 morts et de 40 blessés. C’est l’attentat antisémite le plus grave de l’histoire australienne. L’identité d’un des deux tireurs est connue. Les auteurs de l’attentat seraient un père et son fils. Un rabbin figure parmi les personnes décédées. Récit d’une fin de journée qui a basculé dans l’horreur.
Il était près de 19h à Sydney (9h du matin en Europe occidentale) lorsque l’enfer s’est déchainé. Environ 2000 Juifs s’étaient rassemblés à proximité immédiate de Bondi Beach, une zone hyper-touristique de Sydney, pour y assister à l’allumage de la première bougie de Hanoukka (la « Fête des lumières »).
Les gens étaient venus en famille, car Hanoukka est une fête familiale qui dure 8 jours et au cours de laquelle il est d’usage d’offrir des cadeaux aux enfants.
Des coups de feu retentissent
Bondi Beach évoque un véritable petit paradis et un dimanche après-midi ensoleillé – il faisait 30 degrés…-, la plage est incroyablement belle et terriblement populaire. À l’extrémité nord, la foule s’installe pour admirer le coucher de soleil, dans le parc et sur la colline qui offre une vue imprenable sur l’ensemble. D’autres nagent ou surfent tandis que certains prennent un verre entre amis.
J’ai entendu deux détonations avant de voir une foule de gens courir vers moi. Ils fuyaient le tireur pour se réfugier vers nous.
Soudain, ce calme idyllique a été rompu : des détonations ont retenti mais le public a d’abord cru qu’il s’agissait de pétards ou de feux d’artifice. Puis, les premières victimes ensanglantées ont commencé à tomber et la panique s’est installée. Deux hommes, vêtus de noir, postés sur une passerelle piétonnière dominant les lieux venaient d’ouvrir le feu sur la foule rassemblée en contrebas.

Le 15 décembre 2025, la police inspecte les lieux d’une fusillade à Bondi Beach, à Sydney. (DAVID GRAY / AFP).
Témoignages glaçants
De très nombreuses vidéos tournées sur place et des témoignages permettent de se faire une idée précise de ce qui s’est passé. Marley Carroll, un Australien qui ne participait pas à la cérémonie mais se trouvait sur la plage – des milliers d’autres badauds profitaient de cet endroit magnifique – raconte : « J’ai entendu deux détonations avant de voir une foule de gens courir vers moi. Ils fuyaient le tireur pour se réfugier vers nous. C’est à ce moment-là que nous avons réalisé que tout le monde autour de nous courait, que les gens couraient sur les routes, que les klaxons retentissaient, que les gens pleuraient, et je me souviens d’un groupe de filles qui ont couru devant nous en criant : « Il tire sur les gens, il tire sur les gens ».
Alors que, répétons-le, la plage et ses environs étaient bondés, les tirs se concentraient uniquement sur les participants à la cérémonie religieuse.
Des signalements de coups de feu ont commencé à affluer à la police à 18h47. Quelques minutes plus tard, les premières vidéos ont commencé à apparaître sur les réseaux sociaux. Certaines de ces images montraient des milliers de personnes en détresse, d’autres s’attardaient sur les premiers corps et, sur quelques-unes, on pouvait voir distinctement deux hommes debout sur la passerelle, tirant sans interruption.
Un héros désarme l’un des tueurs avant d’être blessé
Une autre séquence montre l’acte héroïque d’un passant (dont on saura plus tard qu’il est musulman) qui, sans arme, s’est jeté sur l’un des deux tireurs qui avait quitté la passerelle pour descendre sur le trottoir et continuer son œuvre de mort au plus près.
Il est arrivé à arracher son fusil de chasse au tueur et à le contenir avant d’être blessé par son complice (ses blessures ne mettent pas sa vie en danger, a-t-on appris depuis). Une vidéo tournée depuis un drone montre, enfin, les deux tireurs à terre, sur la passerelle, vers 19h30 : ils viennent d’être abattus. L’un des deux a été tué sur le coup et l’autre est grièvement blessé.

Des secouristes transportent un homme sur une civière vers une ambulance après une fusillade survenue à Bondi Beach, à Sydney, le 14 décembre 2025. (Saeed KHAN / AFP).
D’après les derniers bilans, l’attaque a fait 15 morts (dont le rabbin Habad Eli Schlanger) et au moins 40 blessés, dont plusieurs dans un état critique.
D’après les derniers bilans, l’attaque a fait 15 morts (dont le rabbin Habad Eli Schlanger) et au moins 40 blessés, dont plusieurs dans un état critique.
Une gigantesque opération de secours s’est alors déployée, mobilisant des centaines de policiers, ambulanciers, infirmiers et médecins. Elle a duré plusieurs heures – tandis que les forces spéciales de la police se lançaient à la recherche d’un hypothétique troisième tireur. A l’heure où nous écrivons, son existence n’a toujours pas été confirmée. Au même moment, les démineurs s’intéressaient à un véhicule dans lequel était découvert au moins un engin explosif improvisé.
L’un des tireurs était connu des services de renseignement
L’enquête, pendant ce temps, commençait. L’un des deux tireurs était identifié comme un certain « Narveen Akram ». On n’en sait pas plus, sinon un détail gênant, confirmé par Mike Burgess, le chef de l’Asio (Australian Security Intelligence Organisation, les services secrets australiens) : Akram, d’origine pakistanaise, était connu de son administration et de la police de Nouvelle Galles du Sud, dont Sydney est la capitale.
Que savaient exactement les organes de sécurité et que s’est-il passé pour qu’Akram bascule soudain du statut de « simple radicalisé » à celui de tueur terroriste ?
Mais les analystes de l’antiterrorisme n’avaient pas jugé qu’il présentait un risque de passage à l’acte immédiat. Burgess admettait, dimanche soir, que ce point devrait être éclairci : que savaient exactement les organes de sécurité et que s’est-il passé pour qu’Akram bascule soudain du statut de « simple radicalisé » à celui de tueur terroriste ?

Le 15 décembre 2025, la police inspecte les lieux d’une fusillade à Bondi Beach, à Sydney. (DAVID GRAY / AFP).
Perquisitions et collecte de données
Durant la fin de la soirée et la nuit, plusieurs perquisitions ont été menées au domicile de l’un des deux suspects et dans divers autres lieux. L’exploitation de la téléphonie et de l’informatique des deux tueurs, ainsi que celle des documents qui seront éventuellement saisis, devraient permettre de déterminer très rapidement si les deux hommes appartenaient à un réseau – et si certains de leurs complices sont susceptibles de commettre d’autres attaques – mais aussi de savoir s’ils se rattachent à une organisation ou à un pays étranger.
Les deux pistes principales actuellement étudiées à l’heure actuelle sont celles d’une action commise par des sympathisants du groupe « Etat islamique » ou d’une attaque commanditée par l’Iran.
Des précédents…
Deux autres incidents graves – les incendies d’un café culturel juif à Sydney (octobre 2024) et d’une synagogue à Melbourne (décembre 2024) – ont, en effet, été commis sur ordre des services de renseignement iraniens et coordonnés par les Gardiens de la Révolution.
Cette révélation, fruit d’une enquête de plusieurs mois de l’ASIO, avait amené Canberra à expulser l’ambassadeur d’Iran et trois de ses collaborateurs, le 26 août 2025 et, dans la foulée, à fermer son ambassade à Téhéran – une rupture unique, pour l’Australie, depuis la Seconde guerre mondiale. Puis, en novembre, le Corps des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique du régime iranien, avait été désignée comme « organisation terroriste ». Le régime des mollahs a-t-il voulu « punir » Canberra, tout en poursuivant son obsession antisémite ?
Le premier ministre mis en cause
Mais, déjà, une polémique a fait surface : plusieurs responsables de la communauté juive, et le Premier ministre israélien (Benjamin Netanyahou) lui-même ont accusé le gouvernement australien, et plus particulièrement son chef, Anthony Albanese, de porter une part de responsabilité dans le drame.
En cause, l’attitude très agressivement anti-israélienne de Canberra mais aussi le fait d’avoir ignoré les inquiétudes – pourtant souvent répétées – de la communauté juive australienne qui se sentait abandonnée face au déferlement de l’antisémitisme. Entre le 7 octobre 2023 et la fin de 2024, les actes antisémites avaient augmenté de 315% et, en 2025, leur nombre reste 5 fois supérieur à ce qu’il était dans la période précédant le pogrom de 2023.
Plusieurs responsables de la communauté juive, et le Premier ministre israélien (Benjamin Netanyahou) lui-même ont accusé le gouvernement australien, et plus particulièrement son chef, Anthony Albanese, de porter une part de responsabilité dans le drame.
Or malgré de multiples attaques – les deux incendies déjà signalés, mais aussi des attaques ciblées contre les véhicules et les domiciles de membres (réels ou supposés) de la communauté – très peu avait été fait pour protéger celle-ci.
Les failles dans la sécurisation de la réunion de Bondi Beach en apportent une démonstration tragique. De même, le Mossad avait prévenu « à de nombreuses reprises » l’ASIO que des attentats allaient viser la communauté juive australienne. Sans susciter aucune réaction…

Des passants traversent une rue près de véhicules de police après une fusillade survenue à Bondi Beach, à Sydney, le 14 décembre 2025. (DAVID GRAY / AFP).
Un Premier ministre australien à la masse ?
Et pour ne rien arranger, le premier communiqué publié par le Premier ministre australien, Anthony Albanese dans l’heure qui a suivi l’attaque était confondant de faiblesse : le mot « terrorisme » en était totalement absent et nulle part il n’était fait mentions de victimes juives ou même du ciblage exclusif des participants à un évènement communautaire, un fait attesté par tous les témoignages, dès les premières minutes suivant l’attaque.
Il a fallu attendre une conférence de presse, en milieu de soirée, pour qu’Anthony Albanese trouve enfin les termes justes et dénonce, sans aucune ambigüité cette fois, une « attaque terroriste » dirigée contre les Juifs australiens. Voilà qui alimentera, sans nul doute, de nouvelles tensions.
Il a fallu attendre une conférence de presse, en milieu de soirée, pour qu’Anthony Albanese trouve enfin les termes justes et dénonce, sans aucune ambigüité cette fois, une « attaque terroriste » dirigée contre les Juifs australiens.
Le drame de Sydney, par ailleurs, ne peut pas ne pas avoir de répercussions en Europe. En Belgique, en France et dans d’autres pays, plusieurs allumages publics de bougies de Hanoukka sont prévus dans les jours à venir et il est évident que leur sécurité sera renforcée. Comme le seront également la sécurité des marchés de Noël et des offices chrétiens de fin d’année qui sont, eux aussi, des cibles privilégiées pour des terroristes qui viennent de montrer, à Sydney, qu’ils ne désarmaient pas.
Hugues Krasner
(Une femme tient un enfant enveloppé dans une couverture après la fusillade survenue à Bondi Beach, à Sydney, le 14 décembre 2025. Photo AFP)
