Guinéen abattu par la police à Namur : la Guinée dénonce un usage disproportionné de la force et demande une enquête indépendante
S’exprimant au nom du président guinéen, le général Mamadi Doumbouya, le ministre des Affaires étrangères guinéen, Morissanda Kouyaté, demande qu’une « enquête indépendante et transparente » soit menée afin d’identifier les responsabilités. Il demande que les auteurs soient traduits en justice et sanctionnés. La Guinée a mandaté son ambassadeur en Belgique et, sur base d’un rapport circonstancié, estime qu’il y a une utilisation disproportionnée de la force. En attendant, la manifestation, organisée samedi 20 décembre 2025 à Namur, a rassemblé des dizaines de personnes de toutes origines. Le Guinéen Adamo Condé a été abattu dimanche 14 décembre 2025 par la police à Namur lors d’une arrestation musclée.
Plus de 200 personnes ont manifesté, samedi 20 décembre 2025, à Namur scandant des slogans hostiles à la police : « Justice pour Adamo, police assassin, police raciste ». Un appel est lancé pour une mobilisation plus importante le 10 janvier 2026. La famille d’Adamo demande une suspension préventive des policiers impliqués dans l’arrestation meurtrière d’Adamo.
Il était environ 13h quand plusieurs dizaines de manifestants, membres de la diaspora guinéenne de Namur et d’autres villes européennes, représentants du Haut Conseil Africain de Namur, des citoyens belges et des ressortissants de diverses origines ont convergé vers le tunnel Merckem, situé derrière la gare pour entamer une marche pacifique destinée à réclamer justice pour Adamo Condé. Il est décédé dimanche 14 décembre 2025, abattu par la police.
Un cortège de protestation contre la violence policière
Depuis ce point de ralliement, le cortège s’est étiré à travers les artères principales de la capitale wallonne, empruntant le boulevard du Nord, la gare centrale puis le tunnel Merckem, lieu où Adama Condé a été abattu par la police, avant de se retrouver en face de la prison de Namur.
Tout au long du parcours, les manifestants ont scandé avec force leurs slogans : « Justice pour Adama », « Police assassin » et « Police raciste ». La mobilisation s’est déroulée dans le calme, sans incidents enregistrés, les participants se sont dispersés vers 15h comme prévu par les organisateurs.
On est en train de consulter différents avocats en Belgique et on va annoncer le nom de l’avocat qui va prendre le dossier.
Adamo Condé, 34 ans, a tragiquement perdu la vie dimanche 14 décembre 2025, touché par plusieurs balles lors d’une intervention policière aux environs de 22h à Namur. Les circonstances de l’intervention doivent encore être établies. Selon le parquet, il aurait été impliqué dans une bagarre et suspecté d’avoir un couteau. Cependant, les vidéos largement diffusées ne montrent aucune arme visible, alimentant le sentiment que les forces de police ont fait usage d’une force disproportionnée.

Président du conseil des Guinéens de Belgique, Bassamba Diallo suit le dossier de très près. Photo : D.R.
Nous avons interrogé plusieurs représentants de la communauté africaine et des proches du défunt dont le grand frère d’Adamo, arrivé de France pour soutenir sa famille ; son demi-frère résidant en Belgique ; le président du Haut Conseil des Guinéens établis à l’étranger ; le président du Conseil des Guinéens de Belgique ; ainsi que le président et le secrétaire général du Haut Conseil Africain de Namur. « Pour le moment on n’a pas encore choisi un avocat de la famille pour nous représenter, mais on est en train de consulter différents avocats en Belgique et on va annoncer le nom de l’avocat qui va prendre le dossier, on est sur cette partie-là d’abord », nous a confié Abou Condé, grand frère d’Adamo. Il vit à Paris.
Suspension prévention préventive des policiers concernés
Président du Haut Conseil des Africains de Namur, Stéphane, estime que le procureur du Roi de Namur fait preuve de partialité. « Nous avons tous entendu avec consternation les déclarations très rapidement produites par le procureur du Roi de Namur Etienne Gaublomme, qui étaient clairement un parti pris. Heureusement pour nous, les images qui ont suivi ont remis la vérité sur la table. Nous espérons dès à présent que la justice va commencer son travail et en allant dans le bon sens. De plus, on ne comprend pas pourquoi jusqu’à aujourd’hui, les policiers concernés ne sont pas suspendus. C’est une mesure conservatoire, c’est un minimum que nous pouvons demander à ce niveau, au moins que ces responsables soient suspendus », dit-il.
Déjà on ne comprend pas pourquoi jusqu’à aujourd’hui, les policiers concernés ne sont pas suspendus. C’est une mesure conservatoire, c’est un minimum que nous pouvons demander à ce niveau.
Il lance un appel pour la mobilisation. « Nous appelons toutes les communautés africaines, nous appelons surtout tous ceux qui résident à Namur et ailleurs à nous accompagner dans cette mobilisation car nous avons besoin de présences. Nous avons besoin, le 10 janvier 2026, d’avoir quatre fois plus de monde toujours dans la paix et dans la discipline. Nous devons être présents, nous ne devons rien lâcher jusqu’à ce que justice soit faite, quelle que soit la durée, quels que soient les moyens à multiplier, nous devons rester mobilisés », poursuit Stéphane, président du Haut Conseil des Africains de Namur.

Djémory Kouyaté (à droite sur la photo) et Abou Condé, sont respectivement président du Haut conseil des Guinéens établis à l’étranger et frère du défunt abattu par la police. Ils demandent une suspension préventive des policiers impliqués dans le drame. photo : D.R.
Appel aux autorités belges
De son côté, Djémory Kouyaté, président du Haut Conseil des Guinéens établis à l’étranger a des mots forts pour dénoncer les circonstances de la mort d’Adamo. « J’ai participé aujourd’hui (samedi, ndlr) à ce grand rassemblement afin de dénoncer ce crime contre l’humanité. Tuer une âme, je dirais innocente, de la façon froide comme on a vu les images diffusées sur les réseaux sociaux est une manière de poser en tout cas, un acte d’indignation contre l’humanité. Les autorités guinéennes ont été saisies par le biais du Conseil des Guinéens établis en Belgique à travers Monsieur Bassamba Diallo, qui est le président de la structure. Aujourd’hui les autorités guinéennes se sont saisies du dossier et, par voie diplomatique notre ministre des Affaires étrangères va, au cours de cette journée, faire une déclaration et saisira ses homologues belges pour que la lumière soit faite sur ce dossier », renchérit-il.
J’exhorte fortement les autorités belges à faire toute la lumière sur ce processus pour que les personnes, responsables de cet acte soient traduites en justice, afin que l’âme de notre regretté frère repose en paix.
Djémory Kouyaté n’entend pas baisser les bras dans le dossier. « Personnellement, en tant que responsable de la diaspora, il est de mon obligation et de mon devoir de m’associer à une telle initiative pour marquer une fois de plus la solidarité entre les Guinéens et la nécessité pour eux de s’unir et de défendre leurs intérêts collectifs et individuels. Nous ne sommes pas seuls dans ce combat, nous voyons que d’autres communautés se sont jointes à nous, non seulement les communautés africaines, étrangères, maghrébines mais aussi les communautés hôtes qui condamnent cette forme d’injustice. Donc, j’exhorte fortement les autorités belges à faire toute la lumière sur ce processus pour que les personnes, responsables de cet acte, soient traduites en justice, afin que l’âme de notre regretté frère repose en paix et que sa famille puisse sécher ses larmes », souligne-t-il. Il plaide aussi pour la suspension préventive des policiers impliqués dans le drame.
« On l’a vu sur les réseaux sociaux. Je ne pense pas que ce soient des montages, c’est réel. Je crois qu’ils ne méritent pas de porter les insignes de la police belge, un État de droit que nous respectons, où beaucoup de Guinéens viennent se réfugier, réclamer et revendiquer leurs droits. Qu’un Guinéen soit abattu aussi froidement, c’est inhumain, ça fait très, très mal. Donc il faut contenir ces douleurs, il faut satisfaire et soulager, disons ces élans en posant des actes forts de justice et en montrant que le peuple belge est solidaire de tous les peuples victimes comme c’est le cas aujourd’hui. Donc, nos condoléances à la famille éplorée », précise le président du Haut Conseil des Guinéens établis à l’étranger.

Des dizaines de personnes ont participé samedi à la manifestation pour réclamer justice pour Adamo. photo : D.R.
S’occuper du fils d’Adamo Condé
Se présentant comme le jeune frère du défunt, Mamadi Condé, témoigne de la douleur qu’il éprouve. « Je vis en Belgique, à Bruxelles depuis mes 6 ans, j’aurai 27 ans dans trois jours. Moi ce que j’attends, c’est la justice. Je sais qu’Adamo ne méritait pas ça, la police ne devrait pas réagir comme ça. Il était malade. Moi, ce que je sais, c’est qu’avant qu’il soit malade, quand on l’a arrêté en 2023 après avoir été mordu par un chien de policier, on l’a amené au cachot. C’est à ce moment-là qu’ils l’ont piqué, comme tous les Africains qui résistent à la police, on te pique pour te rendre fou (???). C’est là que tout a commencé. Sinon, mon frère était normal depuis qu’il est arrivé en Europe, il y a 8 ans. C’est grâce à moi qu’il est arrivé en Belgique. Quand Adamo, a été libéré du cachot, ils l’ont envoyé dans un centre fermé où il a passé plus de cinq mois. Tout ce qu’il entreprend, il me demande mon conseil avant de le faire et maintenant il est mort ».
Il a un fils qui s’appelle Yaya Condé, il doit avoir 10-12 ans. Maintenant que son père est décédé, les autorités belges et guinéennes doivent le prendre en charge jusqu’à ses 18 ans. Il voulait le faire venir en Belgique.
Il affirme représenter la famille en Belgique. « Nous sommes au nombre de 11 enfants et Adamo était du troisième rang. Je ne sais pas quoi dire, je prie seulement Dieu pour que son âme repose en paix. Il était un demandeur de protection internationale au Centre du Croix-Rouge de Jambes. Adamo a tellement souffert à Namur pour ses démarches administratives. Avant qu’il ne soit abattu par la police, il habitait seul derrière la gare de Namur, rue Florent Dethier 15, 5000 Namur, à proximité de l’établissement secondaire et technique, Asty-Moulin. Sa compagne était tout le temps derrière lui. Il a un fils qui s’appelle Yaya Condé, il doit avoir 10-12 ans et vit en Afrique. Maintenant que son père est décédé, les autorités belges et guinéennes doivent le prendre en charge jusqu’à ses 18 ans. Il voulait le faire venir en Belgique », dit Mamadi Condé.
L’Etat guinéen a demandé un rapport circonstancié
Dans une déclaration faite samedi soir à la télévision nationale guinéenne la RTG, le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Guinéens établis à l’étranger, le Dr Morissanda Kouyaté, a rappelé le principe de protection des Compatriotes à l’étranger. « Chers Compatriotes la priorité des priorités fixées en matière de politique diplomatique par son excellence Monsieur le Président de la République, le général Mamadi Doumbouya, est sans équivoque. La protection, l’assistance et la prise en charge l’ensemble des besoins de Guinéennes et des Guinéens établis à l’étranger., A ce sujet, le chef de l’État a solennellement déclaré que lorsqu’un Guinéen établi à l’étranger à un problème, c’est toute la nation qui a ce problème », a-t-il déclaré.
Il dénonce une utilisation disproportionnée de la force contre le ressortissant guinéen. « Notre diplomatie, est ainsi pleinement engagée dans la protection et la promotion des droits de guinéens vivant hors de nos frontières. (…). Ce tableau, jusque-là porteur d’espoir et de confiance vient d’être douloureusement assombri par la mort tragique de notre compatriote Adama Condé, âgé de 34 ans, qui résidait dans la ville de Namur en Belgique. Sitôt connue, des instructions fermes ont été immédiatement données à partir de Conakry à notre ambassade auprès du royaume de Belgique afin d’établir un rapport circonstancié sur les faits », a confirmé le ministre guinéen des Affaires étrangères.

Mobilisation samedi 20 décembre 2025 à Namur en méoire d’Adamo Condé, abattu dimanche 14 décembre 2025 par la police à Namur. Photo : D.R.
La République de Guinée qui entretient avec le royaume de Belgique, des relations d’amitié, condamne avec fermeté et sans ambiguïté cette tragédie, résultant d’un usage manifestement disproportionné de la force.
D’après lui, le rapport est corroboré par le communiqué officiel du parquet de Namur. « Si les conclusions définitives de l’enquête sont encore attendues, il ressort néanmoins à la lecture des éléments, actuellement disponibles que l’usage d’armes à feu par quatre agents de police pour maîtriser un seul individu ne saurait, en l’état, être considéré comme une nécessité qui s’imposait absolument. La République de Guinée qui entretient avec le royaume de Belgique, des relations d’amitié et un modèle de coopération bilatérale reconnue condamne avec fermeté et sans ambiguïté cette tragédie, résultant d’un usage manifestement disproportionné de la force », a martelé le Dr Morissanda Kouyaté.
Les autorités guinéennes exigent de leurs homologues belges qu’une « enquête indépendante, crédible et transparente » soit menée afin « que les auteurs de cet acte soient traduits devant les juridictions compétentes et sanctionnées à la hauteur de leurs responsabilités ».
Mohamed Aly Pendessa
