Société

Erasmus : retour des Britanniques dans le programme européen avec une facture salée


Plusieurs années après avoir claqué la porte d’Erasmus dans la foulée du Brexit en 2020, le Royaume-Uni va réintégrer le programme européen de mobilité à partir de 2027. Une décision hautement symbolique, mais qui marque un rapprochement pragmatique avec l’Union européenne et un engagement financier d’ampleur : Londres prévoit de verser environ 570 millions de livres sterling dès la première année de participation. D’après Londres, plus de 100.000 étudiants britanniques pourraient profiter du système Erasmus dès la première année de son retour. Présentée par le gouvernement de Keir Starmer comme un investissement stratégique – du moins officiellement -, cette dépense suscite déjà de vifs débats outre-Manche… tout en étant suivie de près en Belgique.

Avant le Brexit, la participation britannique à Erasmus représentait en effet une charge nettement plus modeste, souvent jugée inférieure aux retombées économiques et académiques générées pour les universités et les territoires. Après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le gouvernement avait lancé le Turing Scheme comme alternative nationale, avec l’ambition de diversifier géographiquement et socialement les échanges. Ce programme n’a jamais atteint la densité, ni la réciprocité institutionnelle offertes par le programme européen de mobilité offert aux étudiants, Erasmus, ce qui explique en partie le retour britannique.

Un retour spectaculaire… et très coûteux pour Londres

L’ampleur du montant annoncé place immédiatement la question budgétaire au centre du débat. Le gouvernement britannique met en avant une réduction d’environ 30% par rapport au tarif standard appliqué aux pays tiers.

Malgré cet « effort négocié », la contribution reste nettement supérieure aux budgets consacrés jusqu’ici au Turing Scheme. Pour Downing Street, payer cher aujourd’hui revient à réparer une perte stratégique : visibilité académique internationale, attractivité des universités britanniques et ancrage dans un réseau européen dont le Brexit les avait brutalement éloignées. Erasmus+ est présenté comme un levier de relance des échanges, mais aussi comme un outil de soft power éducatif.

Pour Downing Street, payer cher aujourd’hui revient à réparer une perte stratégique : visibilité académique internationale, attractivité des universités britanniques et ancrage dans un réseau européen dont le Brexit les avait brutalement éloignées.

Cette lecture ne fait toutefois pas l’unanimité. À Westminster, plusieurs élus dénoncent une dépense jugée excessive dans un contexte budgétaire contraint, alors que les services publics restent sous forte pression.

D’autres s’inquiètent d’une contribution susceptible d’augmenter si le budget global d’Erasmus+ est revu à la hausse au niveau européen. En filigrane, une ironie politique persiste : le Royaume-Uni accepte aujourd’hui de payer cher pour réintégrer un programme qu’il avait quitté au nom d’économies budgétaires.

Une décision qui concerne directement la Belgique

En Belgique, ce retour ne relève pas de la seule symbolique politique. Il aura des effets très concrets sur la mobilité étudiante dès 2027. Les étudiants belges retrouveront un accès pleinement encadré aux universités britanniques, avec un cadre financier stabilisé, des échanges institutionnels simplifiés et une prévisibilité administrative retrouvée.

Durant l’absence britannique, de nombreuses universités flamandes, francophones et bruxelloises avaient dû réduire, adapter ou contourner leurs partenariats avec le Royaume-Uni, devenu à la fois plus coûteux et plus complexe administrativement.

Durant l’absence britannique, de nombreuses universités flamandes, francophones et bruxelloises avaient dû réduire, adapter ou contourner leurs partenariats avec le Royaume-Uni, devenu à la fois plus coûteux et plus complexe administrativement.

La réintégration de Londres dans Erasmus rouvre ainsi un espace académique naturel, particulièrement attendu dans les filières linguistiques, scientifiques, médicales et de recherche avancée, où le Royaume-Uni demeure une référence mondiale.

Pour un pays comme la Belgique, fortement attaché à la mobilité européenne comme outil de formation, d’ouverture et de cohésion, cette décision constitue une opportunité éducative et stratégique majeure. Les discussions en cours portent notamment sur les régimes de visas et le maintien de frais d’inscription alignés sur ceux des étudiants locaux, un point crucial pour préserver l’attractivité des échanges.

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer (à gauche sur la photo) et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (à droite) lors d’un sommet Royaume-Uni-Europe le 19 mai 2025 à Londres. (Carl Court / POOL / AFP).

Un pari financier autant qu’un message politique

Au-delà des chiffres, le retour du Royaume-Uni dans Erasmus s’inscrit dans une dynamique plus large de « normalisation » post-Brexit. Londres ne renie pas le Brexit, mais reconnaît désormais que certains instruments européens s’avèrent trop structurants pour être ignorés durablement. Erasmus+ apparaît à la fois comme un programme éducatif, un instrument d’influence et un signal politique.

Du côté de Bruxelles, la décision est accueillie comme une confirmation de la force d’attraction des grands programmes européens et comme la preuve qu’un dialogue pragmatique avec le Royaume-Uni reste possible.

Du côté de Bruxelles, la décision est accueillie comme une confirmation de la force d’attraction des grands programmes européens et comme la preuve qu’un dialogue pragmatique avec le Royaume-Uni reste possible, sans rouvrir les batailles institutionnelles du passé.

Reste une question centrale : comment évaluer le rendement d’un investissement aussi massif ? Les 570 millions de livres sterling devront se traduire par des bénéfices tangibles pour les étudiants, les universités et le rayonnement international du Royaume-Uni. Mais le débat dépasse largement Londres et renvoie à une interrogation européenne plus profonde sur la valeur réelle de la mobilité académique.

Tout profit pour la jeunesse

Au-delà des étudiants universitaires, Erasmus+ concerne aussi les enseignants, les apprentis, les élèves du secondaire et les professionnels en formation, élargissant considérablement la portée sociale et éducative du retour britannique.

Avec le retour du Royaume-Uni, le programme gagne en ampleur, mais rappelle aussi sa dépendance à des financements lourds. Pour la Belgique, c’est une chance.

Depuis près de quarante ans, Erasmus incarne une Europe vécue par sa jeunesse. Avec le retour du Royaume-Uni, le programme gagne en ampleur, mais rappelle aussi sa dépendance à des financements lourds. Pour la Belgique, c’est une chance. Pour Londres, un pari. Et pour l’Europe, c’est une démonstration : la mobilité engendre des frais, mais elle continue de tracer des ponts entre les rives de l’Europe.

Pour l’Europe, la leçon se révèle claire : investir dans les jeunes, c’est investir dans son avenir.

Alexander Seale (au Royaume-Uni)


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