Nucléaire : la France ne devrait pas suivre le surréalisme belge
Journaliste / Secrétaire de rédaction
Face au choix de réduire la part du nucléaire dans sa production d’électricité, la France serait bien inspirée d’étudier les conséquences qu’a entraîné cette décision en Belgique.
Par le Collectif emmené par André Berger, Samuel Furfari, , Christiane Leclercq‐Willain (ULB – Photo ci-contre), Ernest Mund, Georges Van Goethem et Jacques Marlot[1].
La veille du dixième anniversaire du tsunami de Fukushima — dont un rapport vient de confirmer qu’il n’y a pas eu de morts à cause des radiations nucléaires —, Le Figaro a posé la question « êtes-vous favorable à la poursuite du programme nucléaire en France ? ». La réponse de ceux qui ont participé est on ne peut plus claire : 87 % ont répondu oui. Malheureusement, on n’est pas en Suisse où la population peut décider, les décisions n’étant pas prises par les groupes de pression. Le danger de redimensionner la place de cette énergie en France est préoccupant.
L’énergie, c’est la vie
La question de l’énergie est on ne peut plus cruciale. L’énergie c’est la vie. C’est même parce que notre corps a besoin d’énergie que nous nous alimentons. Sans énergie, l’économie s’écroule. Comment vivre sans électricité ? Elle doit absolument être disponible à tout instant, avec le moins possible d’impact sur l’environnement et à un coût raisonnable y compris pour les moins nantis. L’énergie nucléaire répond à tous ces critères. Et pourtant depuis plus de 40 ans, elle est soumise à des attaques injustifiées de la part d’activistes dont les motivations n’ont rien de rationnel. Le 10 mars, au Collège Belgique de l’Académie Royale de Belgique, une table ronde organisée par les signataires de cette tribune a répondu pendant deux heures aux questions de 150 participants. Les réponses scientifiques ont montré que les arguments avancés par les détracteurs de l’énergie nucléaire ne résistent pas à l’analyse factuelle. Et pourtant, la Belgique, un pays pionnier en matière d’énergie nucléaire, a décidé d’abandonner cette énergie.
Les énergies renouvelables ne pourront pas remplacer les milliers de milliards de kilowattheures produits par les centrales.
Une loi de 2003 exigée à l’époque par le parti écologiste afin de pouvoir former un gouvernement vient d’être reconfirmée par le gouvernement actuel pour la même raison : impossible de former un gouvernement sans l’appoint du petit parti écologiste. Engie, l’entreprise française qui possède la plus grande partie de l’équipement nucléaire en Belgique, a décidé après avoir longtemps patienté de retirer la prise de son engagement nucléaire dans le pays.
Le retrait d’Engie de Belgique
Le savoir-faire scientifique et technique internationalement reconnu dont disposaient les ingénieurs belges du domaine va disparaître et les jeunes Belges ne vont plus se former à une technologie présentée comme étant celle du passé puisqu’on y met fin alors que c’est celle de l’avenir, puisqu’un monde peuplé de bientôt 9 milliards d’individus ne pourra pas produire les quantités toujours croissantes d’électricité dont il aura besoin pour quantités d’applications indispensables — sans même parler des véhicules électriques — sans recourir au nucléaire. Sans compter que dans l’immédiat, il n’existe aucune solution crédible pouvant compenser la fermeture du parc nucléaire belge qui génère la moitié de l’électricité du pays.
En Belgique, comme en France et partout dans le monde, les énergies renouvelables que l’on nous annonce ne pourront pas remplacer les milliers de milliards de kilowattheures produits par les centrales nucléaires. Elles souffrent d’une maladie congénitale que l’on a voulu cacher pendant plus de 20 années, mais qui est à présent une évidence bien connue : leur variabilité dans le temps et leur intermittence qui peut parfois ne pas produire du tout pendant plusieurs jours de suite.
Le paramètre qui mesure la disponibilité d’un équipement de production d’électricité est le facteur de charge qui mesure en pourcentage le nombre d’heures d’une année pendant lesquelles la centrale produit à sa capacité nominale. Sur les cinq dernières années en France, l’énergie éolienne a produit 22 % et l’énergie solaire 13 % du temps (les moyennes pour l’UE sont respectivement de 24 % et 13 %). Il suffit de penser que même pendant l’été l’ensoleillement est absent pendant 11 h et en hiver pendant 15 h. Cette indisponibilité rédhibitoire impose que lorsqu’on installe des équipements renouvelables, on doive en même temps installer des installations pilotables. Cela explique le surcoût dans la facture des clients domestiques (les industriels bénéficiant d’exonérations pour leur permettre de rester concurrentiels dans un monde global). Les énergies renouvelables sont chères contrairement à ce qu’on entend partout : c’est évident puisqu’elles ont toujours besoin d’importantes subventions et que l’UE oblige leur production depuis avril 2009.
Une augmentation du prix de l’électricité
On aurait pu penser qu’avec le temps elles seraient devenues compétitives, mais la météorologie ne dépendant pas du bon vouloir du Parlement européen ni de la Commission européenne, les obligations de production et de priorité de transmission dans le réseau électrique ont été renouvelées en décembre 2018. Alors que, selon Eurostat, le prix de l’électricité pour le consommateur domestique français était avant ces directives de 0,1222 €/kWh (toutes taxes comprises), il est passé en 2020 à 0,1899 €/kWh soit une augmentation de 55 %. Tout ça pour que l’éolien représente en France 2 % et le solaire 1 % de la production totale d’énergie primaire du pays.
La surréaliste Belgique ayant décidé d’arrêter les centrales nucléaires pour se confier à des énergies non pilotables et chères, il est plus que probable qu’en 2025 elle devra s’approvisionner d’électricité nucléaire… en France. D’évidence, la France a intérêt à poursuivre son développement électronucléaire, non seulement pour vendre de l’électricité à son voisin, mais pour rester dans la course de la géopolitique de l’électricité nucléaire afin de ne pas laisser l’avenir de l’électricité mondiale entre les mains des Russes, Chinois et Américains qui préparent les nouvelles technologies tout en vendant des centrales nucléaires.