Les Européens réunis en sommet à Versailles : un moment décisif dans la construction de l’UE
BELGA Quel avenir pour la souveraineté européenne ? Deux semaines après l’invasion russe en Ukraine, un sommet européen se tient ces 10 et 11 mars sur la défense et la stratégie d’indépendance énergétique européenne, au château de Versailles, lieu symbolique où fut signé le traité de paix de la Première Guerre mondiale en 1919. Initialement consacré à un nouveau modèle de croissance et d’investissement pour l’Europe à l’horizon 2030, l’ordre du jour de ce sommet a été modifié pour cause d’actualité.
Ce sommet informel organisé à l’initiative d’Emmanuel Macron dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, se colore de questions stratégiques particulières. Est-ce le début d’un nouveau tournant dans l’histoire européenne ? Le président français a affirmé dans son allocution télévisée du 2 mars dernier : « À ce retour brutal du tragique dans l’Histoire, nous nous devons de répondre par des décisions historiques ». Défense, énergie, économie, les conséquences économiques de la guerre et des contre-sanctions confrontent l’Europe à des urgences. C’est un moment-clé pour définir une stratégie commune.
AFP Le président français Emmanuel Macron accompagné du président du Conseil européen Charles Michel et du haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell et des chefs d’État de l’UE assiste au sommet des dirigeants de l’UE au Palais de Versailles, près de Paris, le 11 mars 2022. – Les dirigeants de l’UE s’efforcent de trouver des moyens de faire face de toute urgence aux retombées de l’invasion russe de l’Ukraine qui a mis en péril l’économie du bloc et révélé le besoin urgent d’une défense plus forte. (Photo de Ian LANGSDON / PISCINE / AFP)
Vers un plan de résilience commun ?
Si des discussions ont déjà été amorcées, les 27 chefs d’États et de gouvernements devraient se mettre d’accord sur un fond de mutualisation pour absorber le choc de la guerre en Ukraine. Ce projet permettrait d’assumer collectivement les coûts liés aux sanctions infligées à la Russie depuis le début du conflit, à l’image du plan de relance de 750 milliards d’euros lancés pour contrer les conséquences délétères de la pandémie de Covid-19. Ce plan de résilience communautaire favoriserait également des investissements dans la défense et l’énergie. « L’Europe doit désormais accepter de payer le prix de la paix, de la liberté, de la démocratie. Elle doit investir davantage pour moins dépendre des autres continents et pouvoir décider pour elle-même, en d’autres termes devenir une puissance plus indépendante, plus souveraine », a déclaré Emmanuel Macron.
Réduire la dépendance au gaz russe
Les États membres ont tous été frappés par l’augmentation des cours du pétrole et du gaz. L’Allemagne, l’Italie, la Lituanie ou la Hongrie, particulièrement dépendantes du gaz russe, s’oppose pour l’instant à un embargo sur les hydrocarbures, par peur des contre-sanctions de Vladimir Poutine.
À l’échelle de l’UE, 40 % du gaz importé provient de Russie. Les 27 vont donc examiner le projet de la Commission de réduire des deux-tiers la dépendance au gaz russe dès cette année, mais aussi de diminuer les importations de charbon et pétrole, en diversifiant les fournisseurs et en développant des énergies alternatives comme les renouvelables ou l’hydrogène. Au-delà de l’énergie, l’Europe entend également renforcer les capacités de production de composants clés, comme les puces électroniques, les pénuries des dernières années ayant provoqué un véritable électrochoc.
L’Europe de la défense
Ce sommet de Versailles est aussi l’occasion d’évoquer l’Europe de la défense qui doit franchir une nouvelle étape. « Pour la toute première fois, notre Union utilise le budget européen pour acheter et livrer des équipements militaires à un pays attaqué : 500 millions d’euros provenant de la facilité européenne pour la paix, destinés à soutenir la défense de l’Ukraine », a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen le 1er mars dernier. Il s’agit d’une décision inédite pour l’UE qui n’avait jamais livré d’armes létales à un État tiers. Emmanuel Macron, grand partisan de l’Europe de la défense, plaide pour que le fond de mutualisation puisse contribuer aux investissements nécessaires afin de muscler les capacités militaires des États membres face à la Russie, écrit le Monde.
Envoyer un signal politique fort à l’Ukraine
Au cours de ce sommet, les 27 tenteront également d’envoyer à l’Ukraine un signal politique sur son appartenance à la famille européenne, ainsi qu’à la Géorgie et la Moldavie, a estimé l’Élysée mercredi 9 mars. Pour Emmanuel Macron, « il faut pour ces trois pays inventer de nouvelles formes de rapprochement de l’UE, avec un renforcement des coopérations dans les domaines économiques, éducatifs et de recherche ainsi que dans la coopération politique. Leurs chefs d’État pourraient par exemple « être associés aux réunions du Conseil européen plus régulièrement ». En revanche, une procédure d’adhésion accélérée de ces trois pays n’est actuellement pas au programme.
La date du 24 février va certainement rester gravée dans l’Histoire géopolitique du vieux continent et ce sommet pourrait faire date dans l’histoire de la construction européenne. La réponse de l’Union européenne a été très rapide et d’une unité de grande ampleur, ce qui a été un des révélateurs majeurs de cette crise.
Le sommet de Versailles ne devrait toutefois pas accoucher de décisions, mais plutôt fixer des orientations politiques qui seront mises en œuvre dans les mois à venir.
