JUSTICE

L’extradition de Julian Assange : Un enlèvement « légalisé »


Après un long bras de fer judiciaire à rebondissements, il revenait à la ministre britannique de l’Intérieur, Priti Patel, de signer un décret d’extradition, ce qu’elle a fait ce vendredi 17 juin. Londres a validé le renvoi vers les Etats-Unis de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks. Il doit répondre à des accusations d’espionnage pour avoir publié des documents classés « secret défense » du gouvernement américain. Ces pièces à conviction ont révélé que l’armée américaine avait commis des crimes de guerre contre des civils en Afghanistan et en Irak, y compris le meurtre de deux journalistes de l’agence de presse Reuters. Assange risque jusqu’à 175 ans de prison pour avoir dénoncé. Ses proches parlent d’ « accusations anarchiques » contre la transparence journalistique. Jennifer Robinson, son avocate, dénonce « une grave menace pour la liberté d’expression, non seulement pour Julian mais aussi pour tous les journalistes, rédacteurs en chef et professionnels des médias ».

Des accusations anarchiques

Cette décision est un coup de massue pour Stella Moris, la compagne de Julian Assange, son père John Shipton et son frère, Gabriel Shipton. Ce dernier craint désormais pour sa vie. « La CIA continue de planifier l’enlèvement de Julian sous un voile de légalité », a-t-il déclaré par voie de presse. La famille a récemment terminé un long métrage documentaire intitulé « Ithaka ».
Tourné pendant deux ans au Royaume-Uni, en Europe et aux États-Unis, ce documentaire suit la campagne inlassable de John Shipton, un maçon de 76 ans à la retraite, pour faire pression sur le politique et sauver son fils. Les proches d’Assange dénoncent avec force « le caractère anarchique de l’accusation américaine » et « ses conséquences désastreuses pour la liberté de la presse et les droits démocratiques ».

Sans liberté de la presse, il n’y a pas de véritables sociétés démocratiques

Transparence et intérêt général

Et pourtant, le site Wikileaks, créé par Julian Assange, s’est vu décerné en 2011 le prix Walkley de la meilleure contribution au journalisme en reconnaissance de l’impact que ses actions ont eu sur le journalisme d’intérêt public, en aidant les lanceurs d’alerte à raconter leur histoire. Composé de journalistes et photographes, le jury de ce prix prestigieux, créé en 1956, ont salué Julian Assange pour son « engagement courageux et controversé en faveur de la plus remarquable des traditions du journalisme: la justice par la transparence »

WikiLeaks avait alors utilisé les nouvelles technologies pour pénétrer les rouages internes du gouvernement américain et révéler une avalanche de vérités dérangeantes.
Ce type d’action a été répété mainte fois depuis par d’autres lanceurs d’alerte. Il n’est pas inutile de rappeler que, par leurs dénonciations, les lanceurs d’alerte sont les gardiens de l’intérêt général. A ce titre, ils sont protégés par le droit européen et le droit international.

Sans liberté de la presse, pas de démocratie

Rappelons aussi que le « muselage » politique de Julian Assange n’est pas un cas unique. Contre-pouvoir indispensable au bon fonctionnement démocratique, le nombre de journalistes détenus dans le monde est passé à 293 en 2021.
« Les procédures judiciaires sont également de plus en plus utilisées contre les journalistes d’investigation pour entraver leur travail. Les assassinats de journalistes se poursuivent également dans le monde entier. Bien que le nombre de meurtres de journalistes signalés ait diminué l’année dernière pour atteindre 55 décès, l’impunité reste généralisée : 87% des meurtres commis depuis 2006 n’ont toujours pas été élucidés », a indiqué l’UNESCO dans un récent rapport. Or, sans liberté de la presse, il n’y a pas de véritables sociétés démocratiques.

Alors que son état de santé décline toujours, confiné dans une prison de haute sécurité londonienne, le pape de Wikileaks, devenu le symbole de la liberté d’expression, entend faire appel de la décision d’extradition qui pèse sur sa tête mise à prix de l’autre côté de l’Atlantique.
Son frère, Gabriel Shipton, a quant à lui déclaré : « Le président Biden et le secrétaire d’État Blinken ont une réelle occasion de joindre le geste à la parole en matière de liberté de la presse et de droits de l’homme internationaux en libérant Assange »

 

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Wikileaks : Manifestation à Bruxelles pour les 50 ans de Julian Assange
https://lpost.be/2021/06/30/wikileaks-manifestation-a-bruxelles-pour-les-50-ans-de-julian-assange/

Assange : Ce que le droit d’informer et le droit d’être informé doivent à Wikileaks
https://lpost.be/2021/12/17/assange-ce-que-le-droit-dinformer-et-le-droit-detre-informe-doivent-a-wikileaks/

Europe free Assange wave : Extrader Julian Assange, c’est tuer le journalisme
https://lpost.be/2022/04/23/europe-free-assange-wave-extrader-julian-assange-cest-tuer-le-journalisme/

 

 

Copyright – Ithaka – documentaire sur Julian Assange sorti en salle en janvier 2022