Comment affronter la chute du bitcoin ? « Avec de la patience », affirme le président du Salvador
Le Salvador est actuellement le seul pays au monde où le bitcoin est légalisé en tant que monnaie de cours légal. Depuis le 7 septembre 2021, date à laquelle la loi est entrée en vigueur, les commerces du Salvador sont obligés d’accepter le bitcoin comme moyen de payement. Un projet défendu par le président Nayib Bukele pour améliorer l’accès au système bancaire, dynamiser la croissance de ce pays d’Amérique centrale et attirer les investissements. La cryptomonnaie est donc devenue une devise officielle, même si elle est loin, pour le moment, d’avoir eu les effets escomptés. Avec l’effondrement du bitcoin, le rêve est-il en train de s’évanouir ? Avec la récente baisse du BTC autour des 20.000 dollars, le dirigeant salvadorien conseille la plus grande des vertus aux crypto-investisseurs : la patience.
Attirer les investissements
Lors de la conférence Bitcoin 2021 qui s’était tenue dans la ville américaine de Miami les 4 et 5 juin 2021, le président Bukele avait défendu dans un message vidéo la cryptomonnaie, affirmant qu’elle apporterait « de l’inclusion financière, de l’investissement, du tourisme, de l’innovation et du développement économique » au pays.
Concrètement, quels sont les avantages attendus d’une telle réforme dans ce petit pays où quatre personnes sur dix vivent dans la pauvreté ?
Tout d’abord, elle devait permettre de réduire la dépendance à l’égard du dollar américain, monnaie officielle du pays depuis l’abandon du colon salvadorien en 2001, et donc de la politique monétaire menée par la Réserve Fédérale (FED).
Ensuite, cette réforme monétaire devait améliorer les conditions d’accès au système bancaire et financier de la population salvadorienne, jusque-là peu bancarisée.
Enfin, pour le dirigeant de 39 ans, le bitcoin représente « le moyen le plus rapide pour transférer » ces milliards de dollars d’envois de fonds et pour éviter que des « millions de dollars » de commissions bancaires n’aillent dans les poches d’intermédiaires. Dans l’économie dollarisée du Salvador, les envois de fonds des Salvadoriens depuis l’étranger constituent un soutien important équivalent à 22 % du produit intérieur brut (PIB).
Un accueil mitigé
Bukele a aussi affirmé que l’introduction du bitcoin permettrait une majeure inclusion financière au Salvador, pays où 70 % de la population ne possède pas de compte bancaire et travaille dans l’économie informelle.
Une étude récente rédigée par les chercheurs F. Alvarez, D. Argente et D. Van Pattan, et publié en avril dernier par le National Bureau of Economic Research américain, montre pourtant que seules 20 % des entreprises interrogées ont déclaré accepter les paiements en Bitcoin, seules 11 % d’entre elles ont affirmé avoir déjà reçu un règlement en bitcoin et seuls 5 % des commerces l’utilisent régulièrement.
La devise est plutôt utilisée par les hommes, jeunes, éduqués et qui disposent déjà d’un compte bancaire. Les plus récalcitrants disent ne pas posséder de smartphone avec un accès à Internet, ne pas savoir comment se servir de la technologie, ou faire confiance au paiement en espèces plutôt qu’en monnaie virtuelle. Autrement dit, le bitcoin laisse de côté les plus âgés et les plus défavorisés.
Malgré des incitants …
Afin d’inciter la population salvadorienne à adopter le bitcoin comme moyen de paiement, le gouvernement a développé une application – Chino Wallet – permettant d’échanger, sans frais, bitcoins et dollars et a offert 30 dollars en Bitcoin, soit l’équivalent de 0,7 % du PIB par habitant, à tout nouvel utilisateur de celle-ci.
Il apparaît que si deux tiers des personnes interrogées ont déclaré connaître l’application Chino Wallet, 50 % d’entre elles ont, toutefois, choisi ne pas la télécharger. Elles ont déclaré préférer les paiements en cash et/ou ne pas avoir suffisamment confiance dans l’application ou dans le bitcoin d’une manière générale. En outre, parmi les Salvadoriens ayant téléchargé l’application, seuls 40 % continuent à l’utiliser une fois dépensés les 30 dollars en bitcoins offerts par le gouvernement.
Enfin, contrairement aux attentes suscitées par la réforme monétaire de septembre 2021, le bitcoin n’est, aujourd’hui, guère utilisé par les Salvadoriens en matière de transferts de fonds. Selon la Banque centrale du Salvador, seul 1,6 % des transferts de fonds de Salvadoriens depuis l’étranger a, en effet, été effectué en bitcoin depuis janvier 2022. L’adoption du Bitcoin comme monnaie officielle au Salvador est donc loin, pour le moment, d’avoir eu les effets escomptés, d’autant plus que les cryptomonnaies connaissent une chute affolante.
De la patience avec un grand « P »
Le président Nayib Bukele maintient le cap malgré les critiques. « Arrêtez de scruter les fluctuations », conseille-t-il sur son compte Twitter officiel. Il incite les investisseurs de cryptoactifs à garder leur calme dans ces moments de baisse, certes douloureux. Il convaincu que le violent orage qui traverse actuellement la cryptosphère finira par passer.
« Je vois que certaines personnes sont inquiètes ou angoissées par le prix du marché du bitcoin. Mon conseil : arrêtez de regarder le graphique [des cours du BTC] et profitez de la vie. Si vous avez investi dans des bitcoins, votre investissement est sûr et sa valeur augmentera énormément après la baisse. La patience est la clé. »