ELECTIONS AU GABON

Gabon : dans l’attente des résultats des élections générales, la population est sous couvre-feu et coupé du monde

Coupée du monde par les autorités, la population gabonaise (une file devant une boulangerie) attend les résultats des élections du 26 août 2023. AFP

Les Gabonais étaient appelés aux urnes le samedi 26 août 2023 pour élire leur président et leurs représentants au parlement ainsi que dans les communes. Si aucun incident majeur n’a été signalé le jour du vote, la situation s’est brusquement tendue au soir du scrutin avec la coupure d’internet sur toute l’étendue du territoire national et l’instauration d’un couvre-feu dès dimanche 27 août jusqu’à nouvel ordre. Les autorités ont fermé les médias étrangers dont TV5 monde, France 24 et la radio RFI. La tension monte dans le pays.

Couvre-feu et internet coupé

C’est au nom de « l’intérêt supérieur de la nation », la nécessité de parer « aux appels à la violence et aux fausses informations sur les réseaux sociaux et de prévenir tout débordement et assurer la sécurité des populations » que le ministre de la Communication Rodrigue Mboumba Bissawou a paru à la télévision publique nationale pour annoncer la coupure d’internet et l’instauration d’un couvre-feu sur toute l’étendue du territoire national de 19h à 6h du matin dès ce dimanche. Toute réunion ou manifestation doit également recevoir trois jours avant sa tenue une autorisation, a-t-il encore annoncé. La télévision d’Etat a ensuite déclaré que plusieurs bureaux de vote fermeront tardivement en raison du retard pris dans leur ouverture à cause de l’absence de matériel nécessaire.

La HAC ferme des médias

Tard dans la soirée de ce même samedi, un communiqué de la Haute autorité de la communication annonçait la fermeture de certains médias dont France24, TV5 monde et RFI auxquels il est reproché « un manque d’objectivité et d’équilibre dans le traitement de l’information en lien avec les élections en cours ».

Déjà, aucun journaliste étranger n’a reçu d’accréditation pour entrer au Gabon dans le cadre de ces élections générales avait dénoncé Reporters sans frontières craignant une élection opaque. Encore faut-il le noter, aucun observateur européen, ni africain n’a été autorisé à prendre part à la surveillance de ce scrutin.

Albert Ondo Ossa très vindicatif

Sitôt après son vote, Albert Ondo Ossa, le principal opposant au président sortant Ali Bongo Ondimba (64 ans) qui briguait un troisième mandat consécutif, a dénoncé des « fraudes orchestrées par Ali Bongo et ses partisans ». Pour l’opposition, à « la fin de la journée, Albert Ondo Ossa doit être déclaré vainqueur », lançant dans la foulée que « le moment est venu pour Ali Bongo de partir, il n’y aura aucune négociation ». Le candidat unique de l’opposition a, de son côté, indiqué qu’il n’a pas peur du président sortant. François Ndong Obiang, le président de la coalition Alternance 2023 (opposition) a indiqué que « les bulletins de Ondo Ossa manquaient dans beaucoup de bureaux de vote » et ceux des candidats qui se sont officiellement désistés en sa faveur sont restés présents dans d’autres. Il a également fustigé « une organisation du scrutin destinée à créer le chaos ».

Interrogé sur d’éventuelles fraudes par l’AFP, le Centre Gabonais des Elections CGE l’instance en charge des élections, a refusé tout commentaire sur le sujet.

Peu connu du grand public, Albert Ondo Ossa, cet opposant qui fut ministre d’Omar Bongo avait appelé les quelques 850.000 électeurs gabonais à ignorer les législatives pour se concentrer sur la présidentielle promettant de dissoudre l’assemblée nationale une fois élu.

Le clan Bongo accusé de corruption

Candidat de la plate-forme Alternance 2023, un regroupement des principaux partis de l’opposition qui porte sa candidature, Albert Ondo Ossa 69 ans, professeur d’économie à l’université de Libreville, a promis de « chasser » par les urnes le président Ali et son parti, le PDG (Parti démocratique gabonais) et de « mettre un terme à la dynastie Bongo » au pouvoir depuis 55 ans. Il accuse le clan Bongo de mauvaise gouvernance et de corruption.

Frappé par un AVC en octobre 2018, l’opposition fustige les capacités physiques et intellectuelles du candidat Bongo à assumer pleinement ses fonctions de chef de l’Etat. Pour la majorité présidentielle, l’opposition manque de programme et n’a basé sa campagne que sur l’état de santé du président.

Pays très riche en Afrique en PIB par habitant grâce à ses richesses (pétrole, manganèse et bois), le Gabon est pourtant l’un des plus pauvres du continent, car selon un rapport de la Banque mondiale daté d’avril 2023, le pays peine « à traduire la richesse de ses ressources en une croissance durable et inclusive et 32,9 % de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté », soit le tiers de sa population.

La compilation des résultats de ce triple scrutin est toujours en cours et la tension est perceptible dans le pays.

Elu la première fois en 2009 à la suite de la mort de son père, Ali Bongo avait été réélu en 2016 lors d’un scrutin émaillé de violences qui avait fait 35 morts face au candidat Jean Ping qu’il avait dépassé de 5.500 voix à peine.

Anani Sossou, correspondant L-Post en Afrique de l’ouest