L'IMMIGRATION DONNE LE TOURNIS AUX POLITIQUES FRANCAIS

Jour J pour la loi sur l’immigration en France

Le Président Emmanuel Macron est pris au piège du "en même temps" sur la loi Immigration élaborée par son ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin (a l'arrière-plan). AFP

Après le vote du rejet de la loi sur l’immigration présentée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le président de la République, a confié une mission à la Première ministre, Elisabeth Borne. Emmanuel Macron à la cheffe du Gouvernement de reprendre le dossier et de trouver un accord avec LR pour que la CMP (Commission mixte paritaire, 7 députés et 7 sénateurs) s’entende, ce lundi 18 décembre 2023, sur une version du texte qui pourra ainsi être présenté et adopté au Parlement avant la fin de cette année. Selon des sources proches de l’Elysée, le Président Macron fustige en interne l’ambitieux ministre de l’Intérieur qui a voulu faire cavalier seul. Mais il est aussi pris à son propre piège du « en même temps ». Face à la situation, plusieurs hypothèses circulent : un remaniement dès janvier 2024 avec Bruno Le Maire, actuel ministre de l’Economie et des Finances, pour succéder à Elisabeth Borne ; une dissolution de l’Assemblée Nationale où les macronistes ne disposent, depuis juin 2022, que d’une majorité relative. Mais en cas d’élection législative anticipée, les sondages donnent largement le RN largement en tête avec environ 150 députés mais très loin de la majorité absolue (289 sièges)…

Ces temps-ci, l’humeur n’est ni à la fête, ni à la rigolade au Palais de l’Elysée. Des habitués des lieux assurent, en privé, que le Président de la République, Emmanuel Macron, ne cache pas sa fort mauvaise humeur. A cause de l’affront subi par la majorité présidentielle le 11 décembre dernier à l’Assemblée Nationale lorsque les députés du RN (Rassemblement National, extrême-droite) et de la NUPES (gauche radicale) avec l’aide d’un important contingent de membres de LR (Les Républicains, droite) ont voté la motion de rejet de débat pour le projet de loi sur l’immigration concoctée et présentée par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-Mers.

C’est Darmanin qui a perdu, c’est lui qui a pris une claque. Il a voulu porter son truc tout seul, il voulait en faire une victoire personnelle pour aller à Matignon. C’est donc un échec personnel, et il n’ira jamais à Matignon »

Dès le soir de cet affront, Darmanin présentait sa démission au Président de la République qui l’a refusée. Toutefois, un intime rapporte un propos tenu en privé par Emmanuel Macron : « C’est Darmanin qui a perdu, c’est lui qui a pris une claque. Il a voulu porter son truc tout seul, il voulait en faire une victoire personnelle pour aller à Matignon. C’est donc un échec personnel, et il n’ira jamais à Matignon ».

Un accord de circonstance attendu ce lundi 18 décembre…

Et dès le lendemain matin du vote de rejet par l’Assemblée Nationale, Emmanuel Macron chargeait la Première ministre, Elisabeth Borne, de prendre le dossier et de trouver un accord (de circonstance) avec LR pour que la CMP (Commission mixte paritaire, 7 députés et 7 sénateurs) s’entende, ce lundi 18 décembre 2023, sur une version du texte de loi sur l’immigration qui pourra ainsi être présenté et adopté au Parlement avant la fin de cette année.

Pour mémoire : cette loi sur l’immigration avait été annoncée par Emmanuel Macron, alors candidat à sa réélection à la Présidence de la République en 2022… Mais sur cette affaire, tout comme sur celle de la fin de vie, Emmanuel Macron est accusé, même par des proches (dont certains parmi lesquels Daniel Cohn-Bendit se sont éloignés), de « procrastiner ». Et d’affirmer que le Président de la République est pris dans le piège qu’il a lui-même mis en place. Le piège du « en même temps »…

Loi sur l’immigration : une alliance contre-nature

Elu Président de la République en 2017 à 39 ans (le plus jeune Président de la Vème République française), Emmanuel Macron s’était présenté au-dessus des partis. Avec lui, fini le « vieux monde » bipolaire avec la droite et la gauche. Avec lui, place au « nouveau monde » dans lequel les notions de droite et gauche n’existent plus…

En juin 2022, un mois et demi après sa réélection à l’Elysée, il s’est retrouvé avec une majorité relative à l’Assemblée Nationale. Mais qu’importe, il était persuadé qu’il trouverait une majorité « de circonstance » avec l’apport de certains députés LR ou PS (Parti socialiste). « Depuis juin 2022, nous avons fait ainsi pu faire passer une cinquantaine de textes de lois », confie Olivier Véran, porte-parole du gouvernement. Et puis, le cataclysme de ce 11 décembre 2023 : au contingent des députés RN et NUPES, se sont joints deux-tiers des représentants du LR, dont les deux chefs de file-Eric Ciotti et Olivier Marleix trouvaient là une bonne occasion de faire chuter Gérald Darmanin, ex-LR passé à la « macronie » et qu’ils détestent par-dessus tout.

Quelle marge de manœuvre pour Macron ?

Emmanuel Macron pris à son propre piège du « en même temps », quelle est à présent sa marge de manœuvre alors qu’il lui reste trois ans et demi à la tête du pays ? Faire comme Jacques Chirac lors de son second mandat président (2002-2007), surnommé « le roi fainéant » par Nicolas Sarkozy ? « Certainement pas », lance un conseiller élyséen. « Le Président Macron s’est fixé un certain nombre de réformes pour le pays qu’il mènera à terme avant la fin de son mandat »…

Le Président Macron s’est fixé un certain nombre de réformes pour le pays qu’il mènera à terme avant la fin de son mandat.

Deux autres hypothèses alimentent les conversations parisiennes : 1/ un remaniement dès janvier 2024 avec Bruno Le Maire, actuel ministre de l’Economie et des Finances, pour succéder à Elisabeth Borne ; 2/ une dissolution de l’Assemblée Nationale où les macronistes ne disposent depuis juin 2022 que d’une majorité relative.

Problème : en cas d’élection législative anticipée, certes les sondages donnent largement le RN largement en tête avec environ 150 députés mais très loin de la majorité absolue (289 sièges) ; l’actuelle majorité présidentielle se retrouverait sensiblement au même niveau que le parti de Marine Le Pen, alors que la NUPES et le LR perdraient un grand nombre de sièges.

Ainsi, Emmanuel Macron serait placé dans la même situation qu’aujourd’hui, toujours pris à son propre piège du « en même temps ». Tout change, rien ne change…

Serge Bressan (correspondant à Paris)