COVID-19 : LES FAILLES DU SYSTEME DE DEFENSE BRITANNIQUE

L’ex-gouvernement de Boris Johnson mis en cause dans un rapport accablant sur la gestion du Covid-19

Un rapport étrille la gestion désastreuse de la crise du Covid-19 par l'ancien Premier ministre Boris Johnson. AFP

Trois ans après les derniers confinements, la pandémie de Covid-19 nest plus présente dans lesprit de beaucoup. Le virus n’a pas été totalement éradiqué. Cependant, plusieurs rapports commencent à émerger sur la gestion de cette crise, notamment au Royaume-Uni. Dans un pays où le Covid-19 a tué plus de 235.000 personnes, beaucoup de familles endeuillées avaient mis le gouvernement sous pression et réussi à ce quune enquête soit menée sur les manquements qui ont mené à un si fort taux de mortalité dans le pays. Le rapport qui vient d’être publié intègre des recommandations que son auteur, la baronne Hallett, suggère de mettre en œuvre rapidement pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise. Elle épingle les deux ministres de la Santé qui se sont succédé sous le « gouvernement Johnson ».

Jeudi dernier, 17 juillet, l’enquêtrice qui a travaillé sur le dossier, la Baronne Heather Hallett, a rendu ses conclusions sur la gestion du Covid-19 par le gouvernement de l’époque, dirigé par l’ancien Premier-ministre, Boris Johnson. C’est le premier rapport d’une série de huit rapports différents qui vont analyser tous les aspects de la gestion de la crise sanitaire. Ce premier rapport s’est penché sur le manque de préparation en amont qui aurait pu empêcher une telle pandémie, ou du moins en limiter les dégâts.

Coût trop élevé

Le rapport a notamment conclu que le Royaume-Uni n’était absolument pas prêt pour gérer une épidémie quelle qu’elle soit et encore moins une pandémie de l’ampleur du Covid. La Baronne Heather  Hallett conclut que le gouvernement britannique a « failli vis-à-vis de ses citoyens » et que ces défaillances ont eu « un coût humain et économique bien plus important qu’il naurait dû ». Et d’ajouter : « Jamais plus une maladie ne doit entraîner autant de décès et de souffrances ».

Jamais plus une maladie ne doit entraîner autant de décès et de souffrances.

Le rapport souligne notamment que le dernier plan d’action en cas d’épidémie nationale ou d’une pandémie mondiale datait de 2011 et était non seulement dépassé en termes de solutions apportées, mais aussi qu’il n’avait en aucun cas prévu qu’une pandémie pourrait être de cette magnitude. Il épingle notamment les deux ministres de la Santé qui se sont succédé sous le gouvernement Johnson, Matt Hancock et Jeremy Hunt qui, d’après l’enquêtrice Heather Hallett, auraient échoué à mettre à jour ce plan d’action en amont de la crise du Covid.

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La baronne Heather Hallett demandent que les recommandations faites dans son rapport soient mises oeuvre rapidement. (AFP PHOTO).

Bercés par de faux sentiment de sécurité

D’après le rapport, le gouvernement britannique et ses conseillers ont été « bercés » par un faux sentiment de sécurité à cause de la pandémie de grippe porcine de 2011, qui s’est avérée bénigne. La baronne Heather Hallett a déclaré qu’en 2019, le Royaume-Uni pensait être l’un des pays les mieux préparés au monde pour répondre à une pandémie, une croyance qui s’est révélée « dangereusement erronée ». L’enquêtrice estime aussi que le gouvernement n’aurait pas dû prendre « pour argent comptant » les recommandations des groupes de scientifiques qui avaient mis ce plan d’action en place et qu’il aurait dû aller plus loin dans ses planifications en amont.

Le gouvernement britannique et ses conseillers ont été « bercés » par un faux sentiment de sécurité à cause de la pandémie de grippe porcine de 2011, qui s’est avérée bénigne.

Il est reproché aux membres des groupes scientifiques en charge du plan d’action d’avoir fait des recherches « trop étroites » et n’avoir pas pris en compte les facteurs socio-économiques qui avaient énormément évolué depuis 2011, notamment les conséquences du Brexit.

Echec d’un exercice de simulation d’une pandémie d’Influenza

L’auteure du rapport explique en effet qu’en 2016, alors que les négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) était au point mort et que les Britanniques se dirigeaient vers un « no deal » pour le Brexit, un exercice avait été mis en place pour simuler une épidémie d’Influenza afin d’évaluer la réponse du gouvernement. L’exécutif britannique avait alors échoué dans cet exercice et plusieurs recommandations avaient été faites pour changer le plan d’action mis en place. Il devait devait être actualisé pour 2018, mais le gouvernement de Boris Johnson britannique n’a corrigé ces erreurs qu’en 2020 alors que le pays était déjà en proie à l’épidémie de Covid. Le gouvernement avait alors justifié cette inaction en expliquant qu’il avait dû faire face « aux aléas du Brexit ».

Une crise déjà présente au Royaume-Uni

Le rapport ne se contente pas d’examiner la préparation du pays face à une crise de cette ampleur. Il a aussi rappelé que le pays était déjà confronté à d’autres crises quand le Covid est arrivé et que ces facteurs avaient été ignorés par le gouvernement conservateur. En effet, lorsque l’épidémie de Covid a émergé, le Royaume-Uni faisait déjà face à plusieurs crises qui étaient le résultat d’une politique d’austérité économique.

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Le rapport recommande de confier la gestion de crise à un organisme ministériel présid” par le Premier ministre, Keir Starmer. (Photo par JUSTIN TALLIS / AFP).

Le rapport note notamment que le système de santé publique britannique (le NHS), était déjà confronté à une crise avant le Covid et que l’épidémie lui a asséné le coup de grâce. Il faut dire que NHS fait face à des coupes budgétaires, par conséquent, il était déjà au maximum de sa capacité d’accueil et de fonctionnement lorsque la pandémie a frappé le pays.

Nous devons nous préparer à une pandémie comme nous nous préparons à une guerre.

Selon le rapport, les politiques d’austérité menées par les gouvernements conservateurs successifs ont aussi eu des conséquences désastreuses sur la santé de la population britannique avant le Covid. Car une grande partie de la population britannique était plus vulnérable à une infection au Covid et à ses conséquences à long terme.

Des changements d’urgence

Le rapport est donc accablant pour le gouvernement conservateur et il demande que des changements de stratégie soient effectués au plus vite. « Nous devons nous préparer à une pandémie comme nous nous préparons à une guerre, même si cela veut dire investir dans un plan daction, même si une pandémie de cette ampleur ne devait pas se reproduire », dit la baronne Hallett.

Elle recommande donc les actions suivantes :

– Retirer la responsabilité de la planification d’une pandémie au ministère de la Santé qui ne s’est pas montré à la hauteur

– Confier la gestion de crise à un organisme ministériel qui sera présidé par le Premier ministre ou au Vice-Premier ministre et qui sera responsable de tous les types d’urgence civile.

– Créer un nouvel organisme indépendant pour conseiller les dirigeants sur les failles du système, incluant à la fois une expertise socio-économique et scientifique

– Faire des exercices de réponse à une pandémie tous les trois ans pour tester les plans en place

« Les preuves d’experts suggèrent qu’il ne s’agit pas de savoir si une autre pandémie surviendra, mais quand », a conclu la baronne Hallette, en souhaitant que les recommandations soient mises en œuvre rapidement, avec de nombreuses en place d’ici six mois ou un an.

Léna Job (à Londres)