LETTRE OUVERTE

Génocide à Gaza, une nouvelle extermination de masse, ni vu, ni connu ?

AFP

Depuis 10 mois, la vie de 2,3 millions de Palestiniens est menacée par un génocide en cours de réalisation à Gaza. Un génocide, c’est comme un cancer. Il ne faut pas attendre la fin pour poser le diagnostic. Gaza est une enclave palestinienne occupée par Israël et déjà soumise à un blocus depuis 18 ans. En tonnage de bombes larguées depuis le 7 octobre 2023, Gaza dépasse Dresde, Hiroshima et Nagasaki réunis. Outre l’humiliation et les persécutions quotidiennes que subit une population sous occupation, dépossédée de ses terres, les Gazaouis se sont déjà fait massacrer récemment en 2008, 2009, 2012, 2014, 2018 et 2021.

La seule attaque d’Israël sur la bande de Gaza en 2014 avait causé la mort de 550 enfants palestiniens. 18.000 logements avaient été détruits ou rendus inhabitables. A titre de comparaison, d’après l’UNICEF, l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier a causé la mort de 37 enfants israéliens tandis que la riposte d’Israël consécutive à cette attaque a déjà coûté la vie de 14.100 enfants palestiniens et 15.000 autres souffrent de malnutrition.

Gaza bat le record du monde des journalistes abattus et l’État sioniste en interdit l’entrée aux journalistes internationaux.

C’est la bible qui commente le mieux la politique soi-disant « antiterroriste » d’Israël : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? ».

Depuis des décennies Israël est la puissance occupante. Et une puissance d’occupation n’a pas droit à une légitime défense envers la population qu’elle occupe car par définition, c’est elle qui est à l’origine du problème. La colonisation constitue par ailleurs un crime de guerre pour la Cour Pénale Internationale.

Lorsqu’Israël annexe des territoires palestiniens, elle reçoit des armes pour se « défendre » !

Le double langage occidental est flagrant. Lorsque la Russie annexe des territoires, il y a des sanctions. Lorsqu’Israël annexe Jérusalem-Est, la Cisjordanie occupée et bombarde Gaza, il n’y a pas la moindre sanction. Depuis des décennies, Israël s’approprie des territoires qui ne lui appartiennent pas, impose des check-points, emprisonne, torture, réprime par la violence toute contestation et résistance, même lorsque cette résistance est pacifique.

Lorsque la Russie annexe des territoires ukrainiens, elle est frappée massivement de sanctions. Lorsqu’Israël annexe des territoires palestiniens, elle reçoit des armes pour se « défendre » !

Dans mon quartier, à Montzen (Province de Liège), nous avons commémoré les bombardements qui ont eu lieu lors de la seconde guerre mondiale. La presse titrait alors : Montzen-Gare, l’apocalypse au bout d’une nuit d’avril 1944. On se souvient encore aujourd’hui de ce qui s’est passé chez nous, il y a 80 ans. Doit-on, aujourd’hui, dans notre quartier, fermer les yeux sur ce qui se passe aujourd’hui là-bas ?

La seule fois où la ministre des Affaires étrangères MR a haussé le ton face à Israël, c’est lorsque l’armée israélienne a détruit le bâtiment Enabel financé par la Belgique. Est-ce vraiment le seul élément de discorde ?

Parmi les dizaines de milliers d’enfants qui sont morts à Gaza, avez-vous lu des dizaines de milliers d’articles de presse ?

Nous ne sommes plus en 1940, nous sommes en 2024 et nous voyons le plus grand camp de concentration du XXIème  siècle. Tout est bombardé et détruit à Gaza, écoles, hôpitaux, universités, palais de justice, sites historiques, tout. La destruction sociale est totale. Même les routes sont méthodiquement éventrées au moyen de bulldozers.

L’ensemble des Palestiniens, qui ne peuvent fuir la prison à ciel ouvert dans laquelle ils vivent, sont condamnés à crever de faim et de misère dans des ruines. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’un tel massacre à huis clos ne suscite pas énormément d’indignation.

Bizarrement, les journalistes de plateaux dont la première question était : « Condamnez-vous l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre ? », ne demandent jamais à présent : « Condamnez-vous le génocide commis par le gouvernement d’extrême droite israélien ? ».

La « grande démocratie d’Israël » tue plus de 150 journalistes mais ce sont toujours les valeurs de l’Occident qui sont mises en avant.

Lorsqu’un otage israélien est libéré, vous connaissez son nom, il y a un article entier qui parle de lui. Parmi les dizaines de milliers d’enfants qui sont morts à Gaza, avez-vous lu des dizaines de milliers d’articles de presse ? Gaza bat le record du monde des journalistes abattus et l’État sioniste en interdit l’entrée aux journalistes internationaux. La « grande démocratie d’Israël » tue plus de 150 journalistes mais ce sont toujours les valeurs de l’Occident qui sont mises en avant.

En résumé, rien ne peut expliquer, justifier ou excuser la lutte armée palestinienne envers les forces d’occupations israéliennes, cependant nous pouvons expliquer, justifier ou excuser le colonialisme et les représailles totalement disproportionnées des Israéliens à l’encontre des Palestiniens.
Reste les crimes de guerre dont le Hamas est loin de détenir la palme d’or. Le ministre des Finances israélien Bezalel Smotrich a annoncé récemment que le plan de construction d’une nouvelle colonie sur un terrain inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO en Cisjordanie avait été approuvé.

Ces dix derniers mois, l’ONU a recensé 1250 attaques de colons contre des Palestiniens. Après Gaza, c’est maintenant au tour de la Cisjordanie de connaître un nettoyage ethnique. En Cisjordanie, il n’y a pas de Hamas. On peut dès lors constater qu’avec ou sans Hamas, cela ne change strictement rien.

Avant d’être informé des prochaines horreurs, il est temps pour nous d’alerter et susciter l’esprit critique, indispensable à l’exercice d’une démocratie vivante. Ce n’est pas grand-chose, mais si nous sommes très nombreux à refuser l’humanité sélective, ça changera tout.

 

Dominique MANNENS
(de Montzen)