LES GRANDES PROMESSES DES TRAVAILLISTES BRITANNIQUES

Royaume-Uni : est-ce déjà la fin de la lune de miel entre les Travaillistes et les électeurs ?

La chancelière de l'Echiquier britannique Rachel Reeves (à gauche) et le Premier ministre britannique Keir Starmer (au centre) applaudissent la vice-première ministre et secrétaire d'Etat au Logement, aux Communautés et aux Gouvernements locaux Angela Rayner (à droite) sur scène lors de la première journée complète de la conférence annuelle du Parti travailliste à Liverpool, dans le nord-ouest de l'Angleterre, le 22 septembre 2024. AFP

Cette semaine se tenait la conférence annuelle du Parti travailliste à Liverpool qui s’est clôturée ce mercredi 25 septembre à Liverpool. Première conférence depuis la victoire historique du Labour le 4 juillet dernier, on aurait pu sattendre à ce que les participants soient à la fête. Mais il semble que la lune de miel avec les électeurs soit déjà finie après seulement 80 jours au pouvoir. Pour les travaillistes, qui ont passé 14 ans dans lopposition, la victoire du 4 juillet est loccasion rêvée de mettre en œuvre les mesures quils avaient mûrement réfléchies au fil des années. Bien que le mot dordre de la conférence soit « Change Begins » (le changement commence), la confrontation des travaillistes aux responsabilités du pouvoir savère être un chemin semé dembûches. Les accusations de corruption et les mesures impopulaires (mais nécessaires ?) sont en train de doucher les espoirs des partisans du Labour. Les dirigeants du parti ont pris des engagements et fait des promesses qu’il faudra honorer pour éviter des lendemains qui déchantent. Ces conférences de parti, organisées chaque année par les principaux partis politiques britanniques, sont loccasion pour eux de dévoiler leurs feuilles de route.

Alors que le nouveau Premier ministre et chef du Parti travailliste, Keir Starmer, répète que le chemin sera plus ardu que prévu, cette conférence était une opportunité pour le parti d’insuffler un peu d’espoir après tant de désillusions. Ouverte le 22 septembre à Liverpool dans le nord-ouest de l’Angleterre, elle s’y est clôturée ce mercredi 25 septembre.

C’était donc un difficile exercice de sémantique qui devait conjuguer la nécessité de faire des choix difficiles tout en assurant qu’il y aura une lumière au bout du tunnel.

Mauvais départ

La conférence a toutefois commencé sous de mauvais augures, car le parti est sous le feu des accusations de « corruption ». En effet, plusieurs ministres sont soupçonnés d’avoir accepté des cadeaux de donateurs du parti, notamment des vêtements. Les dirigeants se défendent. « Ce nest pas de la corruption. Ce sont des dons faits en toute transparence, et pour lesquels le donateur na rien reçu en retour. Mais que le public sindigne que des personnes riches reçoivent des cadeaux est un autre problème que nous allons aborder », tente de rattraper Emily Thornberry, commissaire aux Affaires étrangères et figure de proue du Parti travailliste.

A lapproche de lhiver, les retraités attendent que le nouveau gouvernement agisse en leur faveur.

De plus, une partie de la population exprime déjà son mécontentement après que le Gouvernement travailliste a annoncé la fin des « chèques énergie » pour une grande partie des retraités qui en bénéficiaient.

A l’approche de l’hiver, les retraités britanniques qui recevaient ces chèques pour faire face aux dépenses énergétiques sont furieux, et les syndicats les soutiennent. Sharon Graham, secrétaire générale du syndicat Unite, a exhorté le gouvernement à ne pas mettre en œuvre ce projet de loi. « Le problème de la suppression des chèques énergie ne disparaîtra pas après cette conférence. A lapproche de lhiver, les retraités attendent que le nouveau gouvernement agisse en leur faveur », dit-elle.

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a secrétaire générale du syndicat Unite, Sharon Graham, prononce un discours devant les délégués au quatrième jour de la conférence annuelle du Parti travailliste à Liverpool, dans le nord-ouest de l’Angleterre, le 25 septembre 2024. (Photo par Oli SCARFF / AFP)

Le Gouvernement refuse de céder

Le syndicat Unite a d’ailleurs officiellement demandé le retrait de ce projet avant qu’il ne soit présenté lors de la prochaine annonce budgétaire prévue dans les semaines à venir. Pour l’instant, Keir Starmer a refusé de céder. « Je comprends les inquiétudes concernant la suppression des chèques énergie, mais si cette décision avait été populaire et facile à prendre, nous laurions déjà prise », rétorque le Premier ministre.

Premièrement, nous devons stabiliser l’économie. Deuxièmement, nous devons poser les fondations. Et troisièmement, nous bâtirons avec fierté une Grande-Bretagne qui vous appartient.

Lors de son discours de clôture, dans une atmosphère électrique, Keir Starmer a présenté son plan d’action. « Premièrement, nous devons stabiliser l’économie. Deuxièmement, nous devons poser les fondations. Et troisièmement, nous bâtirons avec fierté une Grande-Bretagne qui vous appartient. Mais ce sera difficile », prévient-il.

Se voulant rassurant, il s’est positionné dans une posture de « force tranquille » à la manière de l’ancien Président français, feu François Mitterrand. « Le travail de changement a commencé. L’ère de la patience, du calme, de la détermination et de la politique à votre service est arrivée », a martelé Keir Starmer.

Gouffre financier de 22 milliards

L’un des discours les plus attendus de cette conférence était celui de Rachel Reeves, la nouvelle ministre de l’Economie. Elle doit présenter son budget en octobre prochain. Alors que d’autres répétaient que des temps difficiles s’annoncent, elle a voulu se montrer rassurante. « Croyez-moi quand je vous dis que mon optimisme pour la Grande-Bretagne na jamais été aussi grand. Mon ambition na pas de limites, car je sais que la lumière est au bout du tunnel si nous prenons les bonnes décisions maintenant », a-t-elle souligné.

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Des manifestes et des tasses du Parti travailliste sont en vente le premier jour complet de la conférence annuelle du Parti travailliste à Liverpool, dans le nord-ouest de l’Angleterre, le 22 septembre 2024. (Photo par Oli SCARFF / AFP).

Mais Rachel Reeves a averti les citoyens. « Je sais que vous êtes impatients de voir du changement, et je le suis aussi. Mais à cause de lhéritage laissé par les conservateurs, le chemin qui nous attend sera plus difficile que prévu », annonce-t-elle. Elle a déclaré vouloir, en priorité, stabiliser l’économie, après avoir « découvert un gouffre financier de 22 milliards laissé par les conservateurs ».

Il faut une combinaison de réformes et dinvestissements pour nos services publics, ainsi que la chasse aux fraudes et aux erreurs.

Rachel Reeves a également annoncé son intention de dynamiser l’économie britannique en permettant davantage d’emprunts pour stimuler l’investissement. Elle a expliqué que, pour rester compétitif, le pays a besoin d’investissements, et pour encourager l’investissement privé, des investissements publics sont d’abord nécessaires, notamment dans les infrastructures et l’énergie avec la création d’une compagnie nationale d’énergie, « Great British Energy ».

Enfin, elle a promis que son nouveau budget ne contiendra aucune mesure d’austérité budgétaire.

Renationaliser les chemins de fer britanniques

La conférence a peut-être mal commencé, mais elle a été l’occasion pour le Parti travailliste de présenter ses grands projets à venir. Plusieurs thèmes majeurs ont émergé, notamment l’amélioration des services publics, avec un plan d’attaque pour le système de santé, le NHS, confronté à une crise sans précédent.

Les Travaillistes ont également proposé la renationalisation des chemins de fer, précédemment privatisés, et plusieurs réformes des lois du travail sont en cours. Enfin, le logement et les droits des locataires feront également l’objet de réformes. « Il faut une combinaison de réformes et dinvestissements pour nos services publics, ainsi que la chasse aux fraudes et aux erreurs », a plaidé laministre de l’Economie, Rachel Reeves.

C’est sans doute un avant-goût du budget à venir, qui prévoit une augmentation des impôts pour les plus riches et une lutte accrue contre la fraude fiscale.

Plus de services publics et de décentralisation

Un autre aspect de l’amélioration des services publics passe par la décentralisation des administrations, dans un pays où le pouvoir est extrêmement centralisé et où une réelle division existe entre le nord, plus défavorisé, et le sud, où les décisions sont prises. « Il est temps de mettre fin à lapproche selon laquelle Whitehall sait mieux[quartier des ministères] et de faire confiance à ceux qui sont directement concernés », a martelé Angela Rayner, vice-Première ministre, elle-même originaire du nord de l’Angleterre. Elle souhaite donner plus de pouvoir aux maires et aux autorités locales, notamment en matière de transports, d’urbanisme et de formation, particulièrement dans le nord.

 Un « New Deal » pour les travailleurs

Le Parti travailliste entend être à la hauteur de son nom en proposant un « New Deal » pour les travailleurs. « Trop de travailleurs savent que le monde du travail ne fonctionne pas pour eux. Il y a trop de salariés sans sécurité, avec des emplois précaires. Je vous promets la plus grande amélioration des droits des travailleurs de notre génération – le ‘New Deal’ des travailleurs », s’st engagée Angela Rayner.

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Le maire de Londres, Sadiq Khan (au centre), écoute la vice-première ministre et secrétaire d’État au Logement, aux Communautés et au Gouvernement local, Angela Rayner, prononcer un discours lors de la première journée complète de la conférence annuelle du Parti travailliste à Liverpool, dans le nord-ouest de l’Angleterre, le 22 septembre 2024. (Photo par Oli SCARFF / AFP).

Le Labour propose ainsi :

Un environnement de travail plus adapté aux familles, notamment monoparentales.

Mettre fin à l’écart salarial entre hommes et femmes.

Garantir le respect des droits des travailleurs et donner plus de pouvoirs aux syndicats.

Instaurer un salaire minimum décent et garantir les congés maladie pour les travailleurs précaires.

Supprimer les contrats « zéro heure ».

Renoncer aux licenciements abusifs et aux réembauches abusives.

Mettre fin à la crise du logement

Les travaillistes veulent aussi mettre fin à la crise du logement. En 2022, le ministère du Logement a révélé que 14 % des habitations en Angleterre sont insalubres, 10 % présentent des dangers vitaux pour les habitants, et 4 % ont un problème de moisissures.

Le Labour souhaite instaurer de nouvelles normes de sécurité et de salubrité pour les habitations, tant dans le secteur public que privé. La vice-Première ministre, Angela Rayner, a fait référence à la tragédie de Grenfell, où 72 personnes, dont 18 enfants, ont perdu la vie dans un incendie causé par la dangerosité des logements. Enfin, le Labour veut rééquilibrer la relation entre propriétaires et locataires, en mettant fin à un système qu’il qualifie de « féodal et moyenâgeux ».

Il est temps de mettre fin à l’approche selon laquelle ‘Whitehall sait mieux’ [quartier des ministères] et de faire confiance à ceux qui sont directement concernés.

Un nouveau projet de loi vise différents objectifs :

Mettre fin aux expulsions « sans faute », jusqu’alors, un propriétaire pouvait expulser un locataire sans donner de raisons valables.

lutter contre le sans-abrisme en assurant un suivi social des locataires dans les logements sociaux.

Construire plus de logements sociaux et abordables, tout en garantissant leur conformité aux normes d’habitabilité.

Cette conférence a été un véritable baptême du feu pour le nouveau Gouvernement travailliste, qui tente d’instaurer un vent d’espoir après des années d’austérité. Cependant, il peine à convaincre les Britanniques qu’il ne s’agit pas que de belles paroles. Beaucoup de citoyens estiment déjà qu’il y a peu de différences entre les Conservateurs et les Travaillistes. Selon un sondage, 60 % des Britanniques pensent que le Parti travailliste ne remporterait pas les prochaines élections.

Léna Job (à Londres)