Les frappes iraniennes massives sur Israël ne resteront pas sans réponse
Mardi soir, 1er octobre 2024, Téhéran a tiré plusieurs centaines de missiles balistiques en direction d’Israël. A l’exception d’un Palestinien légèrement blessé, ils n’ont fait aucune victime. Mais par son ampleur et par l’utilisation de missiles performants, l’attaque iranienne appelle évidemment une riposte israélienne dont tout laisse à penser qu’elle sera massive. Les Etats-Unis, en tout cas, ont fait savoir dans la soirée qu’ils « se coordonnaient » avec l’Etat hébreu pour examiner quelle réponse apporter à cette agression qui a été unanimement condamnée.
C’est tout sauf une surprise : chacun savait que l’Iran ne pouvait rester sans réaction à la suite de l’élimination de Hassan Nasrallah, l’homme lige du régime des mollahs et véritable « proconsul » de Téhéran au Liban, et des coups extrêmement durs portés au Hezbollah depuis deux semaines par l’Etat juif. La seule question qui se posait était donc de savoir quelle forme allaient prendre ces représailles. La réponse est arrivée et elle est loin d’être rassurante.
Une attaque différente de celle du 13 avril
Dans la nuit du 13 au 14 avril dernier, pour « punir » Israël à la suite du bombardement du consulat iranien à Damas – qui avait fait 16 morts, dont le général Mohammad Reza Zahedi, l’un des plus hauts responsables des Gardiens de la Révolution, en charge des relations avec le Hamas et le Hezbollah – le régime iranien avait lancé l’opération « Promesse honnête » (en persan : va’de-ye sadeq), deux vastes vagues de frappes de drones et de missiles à quelques heures d’intervalle.
Mais cette attaque relevait davantage de l’exercice imposé – le régime ne pouvait rester indifférent à l’attaque directe contre son consulat et à la mort d’un de ses hauts dignitaires -, pour ne pas dire du spectacle que de l’acte de guerre. Du reste, la plupart des drones et missiles qui n’avaient pas été interceptés par le « Dôme de fer » israélien s’étaient écrasés dans des zones désertiques, ne faisant que quelques blessés (dont une malheureuse fillette palestinienne). Pour s’assurer du reste que tout resterait de l’ordre du symbolique et sous contrôle, Téhéran avait prévenu les Etats-Unis avant l’attaque avant de « rassurer » Israël.
Attaque majeure avec des villes prises pour cibles
L’attaque de ce mardi 1er octobre 2024 est d’une nature toute différente. Cette fois, les Iraniens se sont bien gardés de prévenir directement les Américains, se contentant d’avertir la Russie qui a relayé l’information vers Washington. Et surtout, cette fois-ci, ce ne sont pas des drones qui ont été utilisés, mais des missiles balistiques : les engins du mois d’avril avaient mis plusieurs heures pour arriver dans le ciel israélien, laissant ainsi largement le temps à la population de se préparer, alors que les missiles titrés hier ont atteint Israël en 9 minutes !
Entre 180 et 200 missiles ont été tirés, soit le double des projectiles balistiques utilisés en avril dernier.
Enfin, même si les dégâts sont minimes et les pertes humaines inexistantes, des villes ont été prises pour cible, entre autres Tel Aviv, Jérusalem ou le port d’Ashdod. Selon des sources concordantes, entre 180 et 200 missiles ont été tirés, soit le double des projectiles balistiques utilisés en avril dernier. En clair, il s’agit cette fois d’une attaque majeure sans avertissement préalable.
Au même moment, un attentat sanglant frappait Tel Aviv
Vers 19h30, peu après que Tsahal ait averti d’une attaque iranienne imminente, les sirènes ont commencé à retentir à Tel-Aviv, à Jérusalem, dans certaines parties de la Cisjordanie et dans le Néguev avant de s’étendre à tout le pays.
Les forces de défense israéliennes ont ordonné aux Israéliens de se rendre dans les abris les plus proches, affirmant que des missiles avaient été lancés. Plusieurs ambassades ont relayé le même appel à l’intention de leurs ressortissant présents en Israël.
La tension était d’autant plus grande que Tel Aviv venait d’être ciblé par un attentat particulièrement meurtrier. A Jaffa, un quartier très fréquenté dans le sud de la capitale économique du pays, deux terroristes qui venaient de descendre d’un tramway ont ouvert le feu, à l’arme de guerre, sur une foule rassemblée à un arrêt des transports en commun. La fusillade a fait sept morts et onze blessés. Les bars et les restaurants du quartier, habituellement très animés, ont brusquement fermé leurs portes. Les deux terroristes ont été neutralisés par la police avant de pouvoir faire plus de victimes.
Un contexte stratégique différent et favorable à Israël
On notera que le contexte politique et stratégique n’est plus du tout celui qui prévalait il y a six mois. En avril, l’Etat hébreu était encore sous le choc du pogrom du 7 octobre et se voyait moralement fragilisé par le constat de la faillite totale du renseignement et de l’armée qui avait permis au massacre de se produire. Et Tsahal était à la peine dans la bande de Gaza et se trouvait ciblé par la communauté internationale pour le grand nombre de victimes civiles (d’après les chiffres, non vérifiés, du Hamas).
L’Iran devra décider de désamorcer l’escalade ou de riposter, au risque d’une réponse israélienne encore plus forte.
Aujourd’hui, Tsahal a virtuellement gagné la guerre à Gaza et l’intensité des opérations a fortement baissé, entraînant mécaniquement une diminution des pertes collatérales. Le Hamas est quasiment détruit en tant qu’organisation militaire, même s’il est toujours capable de tirer des roquettes vers le sud d’Israël tandis que sur le « front nord », le Mossad et Tsahal ont anéanti la direction du Hezbollah et éliminé un grand nombre de ses combattants par les opérations meurtrières magistrales menées contre ses systèmes de communication et les frappes de décapitation opérées contre ses dirigeants.
Quelle réponse ?
Même si Israël entend mener la guerre la plus courte possible au Liban et ne souhaite pas un conflit régional élargi, l’occasion est belle – et peut-être unique – de porter des coups décisifs à l’appareil militaire iranien – en particulier aux Gardiens de la Révolution – et à son programme nucléaire.
Au risque bien entendu de jeter de l’huile dans les rouages de l’engrenage enclenché par Téhéran et de précipiter le Moyen Orient dans une nouvelle crise. D’autant que les Etats-Unis ont fait savoir mardi soir qu’ils « se coordonneraient » avec Israël pour organiser et mener la riposte contre l’attaque de mardi.
Au-delà des discours incantatoires (essentiellement destinés à calmer leur propre opinion publique), il est évident pour tout observateur attentif de la région que les régimes arabes sunnites de la région verront d’un bon œil une réaction à la menace iranienne. Du reste, la Jordanie faisait savoir, dès mardi soir, qu’elle avait intercepté et détruit un certain nombre de missiles en vol vers Israël.
Le régime de Téhéran ne comprend pas notre détermination à nous défendre et à faire payer le prix à nos ennemis.
Alors, quelles seront l’ampleur et les cibles de la riposte de Tsahal ? L’avenir proche répondra à cette interrogation, mais pour comprendre ce que pourrait être la réponse israélienne à cette nouvelle agression, il ne faut pas perdre de vue que la République islamique d’Iran représente, à ce jour, la seule véritable menace existentielle pour l’Etat juif.
Grave erreur de l’Iran
« Ce soir, l’Iran a commis une grave erreur et il le paiera », a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu au début d’une réunion du cabinet de sécurité, dans la soirée de mardi. « Le régime de Téhéran ne comprend pas notre détermination à nous défendre et à faire payer le prix à nos ennemis », a-t-il poursuivi.
Pour le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole principal de l’armée israélienne : « Cette attaque aura des conséquences. Nous avons des plans et nous agirons à l’endroit et à l’heure que nous aurons décidés ».
De leur côté, les médias iraniens ont salué l’attaque, affirmant (sans apporter aucune preuve et contre toute réalité) que la plupart des missiles avaient atteint leurs cibles. Le Corps des gardiens de la révolution islamique, armée idéologique et institution militaire et sécuritaire la plus puissante d’Iran, a également mis en garde Israël contre des représailles, tandis que ses groupes mandataires en Irak ont menacé de prendre pour cible les bases américaines dans ce pays.
Le terrorisme comme réponse
La riposte, pourtant, est inévitable. Les seules questions, a déclaré au « Washington Post », Naysan Rafati, analyste principal de l’International Crisis Group pour l’Iran, portent sur son calendrier et son ampleur. « L’Iran devra alors décider de désamorcer l’escalade ou de riposter, au risque d’une réponse israélienne encore plus forte. Les Iraniens devront soit prendre la chose avec des pincettes et dire : « D’accord, c’était l’échange et nous sommes satisfaits d’arrêter ce cycle », soit passer à l’étape supérieure en termes d’escalade », a-t-il précisé.
Cette attaque aura des conséquences. Nous avons des plans et nous agirons à l’endroit et à l’heure que nous aurons décidés.
Mais au-delà de l’escalade purement militaire qui pourrait conduire à une guerre de haute intensité, l’Iran – comme le Hezbollah – disposent d’une deuxième arme, qu’ils utilisent sans discontinuer depuis plus de quarante ans : celle du terrorisme. Un terrorisme qui pourrait s’étendre à l’Europe, aux Amériques ou à d’autres régions et qui ciblerait les intérêts israéliens et des communautés juives…
Hugues Krasner