Le forum de Doha, une arme d’influence massive du Qatar
Quand on a l’argent, on peut tout se permettre. Comme organiser un grand forum géostratégique étalé sur deux jours, avec plus de 6000 participants venus de 160 pays, quelque 250 orateurs, tous invités aux frais de la princesse ou plutôt de l’émir Tamim bin Hamad al-Thani qui règne d’une main de maître sur le petit mais richissime Etat gazier. L’IA sera au menu des thèmes abordés de même que le conflit israéolo-palestinien. A cet effet, Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU pour les Territoires occupés, serait de la partie. Sans oublier d’illustres Américains : Hillary Clinton et Bill Gates. L’ancien Premier ministre belge, Alexander De Croo partricipera au forum sous sa nouvelle casquette de directeur général du PNUD, mais d’autres belges devraient être de la partie, mais en toute discrétion pour éviter un « bad buzz ».
Le 23e Forum de Doha, qui se tient au gigantesque hôtel Sheraton ces 6 et 7 décembre 2025, se présente comme une plateforme mondiale de dialogue entre décideurs politiques, chefs d’entreprise, représentants d’ONG et leaders d’opinion afin d’échanger des idées – et de trouver des solutions- autour des défis urgents de notre époque. Le thème pour cette édition sera « La justice en action : au-delà des promesses, vers le progrès ».
L’IA en vedette et le conflit israélo-palestinien dans les débats
« Alors que le monde est confronté à une série de crises interdépendantes, le fossé entre le Nord et le Sud s’est creusé de manière de plus en plus marquée, détaille Mubarak Ajlan Al-Kuwari, directeur du Forum. Il n’a jamais été aussi urgent de remédier à ces disparités et de garantir un accès généralisé aux ressources, aux connaissances et aux technologies ».
Une place de choix sera réservée à l’IA, « une arme à double tranchant » et aux stratégies pour une utilisation « responsable » dans le domaine militaire.
La guerre israélo-palestinienne s’invitera à nouveau dans les débats. « Le bilan de Gaza : réévaluer les responsabilités mondiales et les voies vers la paix », tel sera le thème d’une des tables rondes, menée ici en collaboration avec l’International Crisis Group.
Interlocuteur privilégié du Hamas et soutien financier de l’administration de Gaza (avec l’accord d’Israël et des Etats-Unis), le Qatar fut très actif à répandre l’expression « génocide à Gaza», déjà présente sur tous les écrans du Forum 2023, deux mois après l’attaque du 7 octobre. Il était donc inscrit que Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU pour les Territoires occupés, serait de la partie, elle qui ne cesse de pointer l’Etat hébreu pour l’hécatombe à Gaza. Son franc parler lui a valu d’être taxée d’antisémite par Israël et les Etats-Unis, où elle est persona non grata.

La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, assise devant un portrait de Nelson Mandela, s’adresse à la presse après la présentation à distance de son dernier rapport à l’Assemblée générale de l’ONU, au Cap, le 28 octobre 2025. (RODGER BOSCH / AFP).
Entretien avec le nouveau président syrien
Le précédent forum s’était déroulé en plein renversement du régime de Bachar al-Assad en Syrie. Un an plus tard, le programme annonce un grand entretien avec son successeur, l’ex-djihadiste Ahmed Al-Sharaa. Entre lui et le Qatar, le courant islamiste passe bien, alors qu’aucun officiel syrien n’a jamais été invité depuis le soulèvement contre Assad en 2011.
L’émirat fut un des rares Etats de la région à refuser ostensiblement toute normalisation, même partielle, avec le dictateur. L’entretien sera mené par Christiane Amanpour, la célèbre reporter de CNN, chaîne américaine partenaire du Forum, tout comme la qatarienne Al Djazeera et la turque TRT.
On pourra également écouter le Premier ministre (sunnite) du Liban, Nawaf Salam, ainsi que le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan. Les voisins iraniens sont également des habitués du Forum, mais pas de trace de Russes alors que le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov était présent l’année dernière. Il laissera la vedette à Hillary Clinton, ancienne secrétaire d’Etat américaine, ainsi qu’à Bill Gates, fondateur de Microsoft. Pas de mention non plus d’un débat autour de la région des Grands Lacs, alors que les deux présidents rwandais et congolais viennent de signer la paix (encore illusoire) dans le bureau de Donald Trump, et que le Qatar tente de jouer les bons offices entre Kinshasa et les rebelles du M23.

Le cofondateur de Microsoft et philanthrope américain Bill Gates prend la parole lors d’une session d’ouverture du Forum de Doha, conférence diplomatique annuelle, à Doha, le 6 décembre 2025. (Mahmud Hams / AFP).
Présence discrète de Belges
Du côté européen, la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas sera présente, tout comme notre ancien Premier ministre Alexander De Croo, avec sa nouvelle casquette de directeur général du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement).
On pourra aussi entendre José Manuel Albares, chef de la diplomatie espagnole, un Etat à la pointe des sanctions contre Israël. Comme chaque année, quelques élus belges et membres de cabinets devraient être du voyage, mais restent discrets sur leur présence pour éviter tout « bad buzz », tant la destination Qatar suscite parfois la controverse.
Les Français ont moins de scrupules : ils seront des dizaines, journalistes, diplomates, professeurs d’université à arpenter les travées du centre de conférences, qui sera le cœur battant des affaires du monde le temps d’un week-end.
François Janne d’Othée
(L’ancien Premier mionistre belge, Alexander De Croo, est annoncé au forum de Doha sous sa nouvelle casquette de directeur général du PNUD. Photo Belga).
