Hybristophilie : des femmes serial « consommatrices » de sérieux criminels
Charles Manson, condamné à perpétuité et Star. Facebook Malgré la gravité des faits qu’ils ont commis et la détestation manifestée à leur égard par le public, des criminels condamnés suscitent l’admiration de femmes dont certaines tombent amoureuses. Parfois, d’autres quittent tout pour se consacrer à l’élu de leur cœur, même s’il est dans le couloir de la mort. Ces femmes sont atteintes de ce qu’on appelle l’hybristophilie. Découvrez le profil de certaines d’entre elles et les raisons de leurs sentiments amoureux.
En amour, chacun ses goûts. Pourtant, d’aucuns sont bien plus étranges à assumer que d’autres. Certaines femmes sont irrésistiblement attirées par des tueurs en séries. Une fascination qui dépasse la simple attirance, puisqu’elles entretiennent avec eux des relations épistolaires, voire vivent des histoires d’amour véritables. Hier Jacques Mesrine, Charles Manson, Ted Bundy, Michel Fourniret ou Andras Pandy. Aujourd’hui Marc Dutroux, Anders Breivik ou Salah Abdeslam. Ils ont tous le plaisir de recevoir des mots doux en prison. Leurs points communs qui déclenchent chez leurs admiratrices de nombreux fantasmes : la notoriété acquise pour leurs actes sanguinaires, leur image de « Bab boy » ainsi que leur statut de prisonnier de longue durée. De l’amour à la perversion, quelles sont les raisons qui poussent ces femmes à consommer de l’horrible ? Peut-on parler de réelle pathologie ? Décryptage.
Des killers groupies
Ils n’ont pas tué dans les mêmes proportions, ni pour les mêmes raisons, mais ils partagent tous un même destin : derrière les barreaux, les tueurs en série reçoivent des centaines de lettres enflammées écrites par des « killers groupies ». Richard Ramirez est décédé en 2013 dans le couloir de la mort de la prison d’État de San Quentin, en Californie. Le « traqueur de la nuit », comme il était surnommé, a été condamné pour 11 viols et 14 meurtres sans mobiles apparents. Depuis 2019, Violet, une jeune russe lui a entièrement dédié un compte Twitter. Sur @ramirezcrimes, elle partage des citations du tueur, des photos de lui et des vidéos. Elle s’est même fait tatouer son visage sur les fesses.
Richard Ramirez. D.R. Violet n’est pas la seule à idolâtrer Richard Ramirez. Sur les réseaux sociaux, et particulièrement sur Twitter, une véritable fan base s’est créée autour de lui : Richard sortant d’un van, Richard au tribunal, Richard jetant un regard ténébreux à la caméra, Richard se recoiffant, Richard portant des lunettes de soleil… le tout accompagné de petits commentaires du type « Domine-moi ». Avec 20.000 courriers par an, Charles Manson est longtemps resté le plus courtisé. Il recevrait quelques 800 déclarations d’amour par mois. En 2014, malgré sa condamnation à perpétuité, Charles Manson (80 ans) obtient une licence mariage et épouse une jeune femme de 26 ans qui se fait appeler Star (photo). Il est aujourd’hui très concurrencé par de nouveaux venus, comme Luka Magnotta, le dépeceur de Montréal, ou Anders Breivik, le terroriste norvégien qui tua 69 personnes lors des attentats d’Oslo et d’Utøya en juillet 2011. Marc Dutroux et Salah Abdeslam n’échappent pas à la règle. Ils fascinent à l’identique de nombreuses jeunes filles en fleurs.
Le « syndrome de Bonnie & Clyde »
Oui, des femmes manifestent leur intérêt érotique pour le morbide. Mais, le phénomène n’est pas nouveau. Henri Désiré Landru, guillotiné en 1922 pour les meurtres de 11 femmes, recevra plus de 4000 lettres d’amour et 800 demandes en mariage pendant son séjour en prison. Pas forcément pathologique, mais toujours significative d’une détresse affective, cette déviance est communément appelée le « syndrome de Bonnie & Clyde » dans la culture populaire. Scientifiquement, on parle d’ « hybristophilie », une pratique amoureuse qui provient de la conjonction, en grec ancien, d’hybrizein (commettre un outrage contre quelqu’un) et de phile (qui aime). Cette paraphilie définit un attrait intense pour les hors-la-loi. Selon les spécialistes(*), elle sous-tend trois types de profils principaux : les femmes attirées par l’hyper virilité, les salvatrices « à tout prix », portées par une âme de secouriste et celles qui partagent les mêmes pulsions criminelles que leur « idole ».
Les midinettes en quête de sex-appeal
L’érotisation d’un criminel renvoie au fantasme originel du voyou. Au lycée déjà, les jeunes filles sont souvent plus attirées par le garçon un peu marginal, le « fort en gueule » plutôt que par le « fort-en-tête » très gentil, mais finalement très ennuyeux. En résumé, le profil « Robin des Bois » est synonyme d’aventure et ouvre des perspectives plus excitantes. Symbole de désordre et de liberté, il y aurait donc comme un réflexe naturel dans cette préférence pour le « Bad boy ». Dans cette ambivalence affective, les transgressions criminelles réveillent chez ces femmes une sorte de fascination pour le non-respect des codes sociétaux que l’on nous a appris à ne pas dépasser.

L’Argentine Edith Casas avec le meurtrier de sa sœur jumelle devenu son mari . Crédit Facebook
Les infirmières charitables
Dans « Women Who Love Men Who Kill » (NDLR : Les femmes qui aiment les hommes qui tuent), l’auteur, Sheila Isenberg, explique que celle qui relèvent du profil « sauveuse » ont majoritairement entre 40 et 50 ans, elles sont divorcées ou déçues en amour, intellectuellement brillantes, socialement insérées et ont le plus souvent reçu une éducation judéo-chrétienne. Ces femmes-mères croient au pardon et à la rédemption. C’est leur côté typiquement « infirmières » qui les pousse vers des hommes détenus et les amène à leur accorder leur pardon. Elles se sentent investies d’une mission. En donnant de l’amour à celui qui est mis au ban de la société, elles deviennent des figures presque « christiques », qui pardonnent et donnent la rédemption à des hommes qu’elles pensent « victimes » d’un système. Acte ultime de « charité », en 2013, en Argentine, Edith Casas (22 ans) ira jusqu’à épouser Victor Cingolani, l’assassin de sa sœur jumelle, Johana, au pénitencier où il purge sa peine pour meurtre.
Edith Casas déclarera à l’époque aux médias : « je vais me marier avec la personne que j’aime et non avec la personne qui a tué ma sœur. Victor n’est pas une personne violente et je ne suis pas folle. Nous n’avons aucun doute sur ce que nous faisons ». Ce à quoi les proches de l’intéressée répondront : « Johana est avec Dieu et Edith avec le diable ».
Les perverses pathologiques
Et puis il y a ces femmes qui volontairement s’associent aux méfaits du serial killer et y participent. Elles ont souvent elles-mêmes fait l’objet de maltraitances dans leur enfance. L’histoire la plus marquante reste celle de Monique Olivier, l’épouse de Michel Fourniret, surnommé le « Monstre des Ardennes ». Alors qu’elle avait pleinement conscience de ses déviances, elle épaulera jusqu’au bout son époux dans tous ses crimes. « Ces femmes transforment leur victimisation en une forme de perversité pour mieux s’en sortir, tellement leur traumatisme est fixé. Elles subliment par le pire plutôt que de tenter de se soigner et si possible de guérir. En acceptant de se soumettre aux perversions de son mari, elle avait obtenu qu’il s’intéresse à elle », expliquera lors de son procès, Daniel Zagury, le psychiatre qui expertisera Monique Olivier. Selim Fourniret, le fils unique du couple, résume cette alchimie perverse en ces mots: « je suis le seul fils de l’alliance diabolique formée par Michel Fourniret et Monique Olivier ». Il publie en 2021 : « Le fils de l’ogre ».
(*) « De l’enclitophilie à l’hybristophilie », Michel Benezech, Annales Médico-psychologiques, 2016. L’enclitophilie est la variante masculine du phénomène. Elle désigne plus particulièrement l’attirance sexuelle des hommes pour les femmes criminelles.
