C’est le premier roman que nous lisons de cet auteur (il est vrai qu’il n’en est qu’à son troisième). Dans “La diagonale Alekhine”, aux éditions Gallimard, l’histoire se passe, comme l’indique le titre, dans le milieu des échecs. On y rencontre des personnages connus, dont d’anciens champions du monde (Alekhine, Capablanca, Max Euwe, Botvinnik), des grands maîtres juifs (Spielmann, Rubinstein, Przepiorka) et d’autres joueurs dont le nom est passé à la postérité (Tartakover, Najdorf, Bogoliubov, Réti…). Comme on le sait, Alexandre Alexandrovitch Alekhine est peut-être, avec l’américain Bobby Fischer, l’un des plus grands champions d’échecs de tous les temps.
Nous ne pouvons nous empêcher de penser à la nouvelle de Stefan Zweig, publiée en 1942, à titre posthume, et consacrée au jeu d’échec. Elle met en présence, sur un navire assurant la traversée de New York à Buenos Aires, le champion du monde Czentovic (dont le modèle serait, quant au style, Capablanca) et un joueur autodidacte inconnu, le docteur B.
De même que dans la nouvelle de Zweig, le totalitarisme nazi est en arrière-fond. Le romancier centre son récit sur les articles qu’Alekhine aurait écrits, pendant la seconde guerre mondiale, sur la technique de jeu des grands maîtres juifs, articles qui lui valurent d’être écarté, après la guerre, de beaucoup de tournois, principalement en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Pour se défendre, Alekhine argua toujours des pressions dont il aurait fait l’objet de la part des autorités allemandes (Alekhine était un Russe qui s’était exilé après la révolution de 1917, naturalisé français en 1927). Détruit par l’alcool, Alekhine mourut à Estoril en 1946, sans avoir perdu son titre.
Cette manière de raisonner est aujourd’hui condamnée par beaucoup de personnes, qui estiment qu’un individu est à analyser comme un tout et qu’un comportement discutable à un certain point de vue suffit à dévaluer l’ensemble d’une création ; nous y reviendrons peut-être.
Le récit historique est à la mode en France depuis quelques années (certains incriminent un manque d’imagination des romanciers) ; nous avouons ne pas détester ce genre d’écrit, confrontant personnages réels et imaginaires (le modèle n’est-il pas à trouver dans la Comédie humaine ?). Quelques fautes de français récurrentes gâchent parfois notre plaisir (une chose n’est pas similaire à une autre ; on renseigne quelqu’un sur quelque chose, non quelque chose à quelqu’un).
« J’ai toujours pensé que le jeu d’échec était d’essence morale. Il est très indiqué pour corriger les excès de confiance et les certitudes trop absolues. Il rend justice. Il châtie les impudents » (p.224).
A conseiller aux amateurs du jeu d’échecs et aux curieux.
La diagonale Alekhine, Paris, Gallimard, collection blanche, 2021
Jacques MELON
Du même auteur:
Partir en guerre, Paris, Allia, 2014.
Orlov la nuit, Paris, Gallimard, collection blanche, 2019
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