Rencontre avec le Belge Marc Tarabella (PS), député européen et membre du groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen. Il est opposé au certificat vert européen que l’Europe veut instaurer.
Le 17 mars dernier, la commission européenne soumettait une proposition de création d’un certificat vert numérique, pour faciliter la libre circulation en toute sécurité dans l’UE, durant la pandémie de Covid-19. Ce certificat prouvera qu’une personne a été vaccinée contre le virus, a reçu un résultat négatif à un test de dépistage ou a guéri du Covid-19. Le parlement européen a validé le 29 avril dernier sa position de négociation par 540 voix pour, 119 contre et 31 absentions au sein du parlement. Le parlement et le conseil vont désormais débuter les négociations. Objectif : mise en place du certificat en juin.
Prenant en considération que : jusqu’à preuve du contraire, une personne vaccinée pourrait quand même être vecteur de la maladie; personne ne connaît non plus l’efficacité du vaccin sur des variants chaque jour plus nombreux ni sur la durée de cette efficacité; le fait que le test PCR ne peut pas garantir le caractère infectieux d’une personne; il me semble que ce passeport vaccinal fait courir de grands risques à la population, alors même que seulement 6,08% de la population européenne, à ce jour, ont reçu les deux doses du vaccin. Pour rappel, la Commission a promis 70% de citoyens vaccinés en Europe pour la mi-juillet. Si la promesse est tenue, il sera alors temps d’ouvrir les vannes.
Ce point de vue est en effet également partagé par l’OMS qui, il y a quelques jours, a rejeté l’idée d’un passeport vaccinal, de même que les Etats Unis où pourtant 40% des gens sont déjà vaccinés. L’Europe fait les choses dans le désordre.
Le danger d’institutionnaliser la discrimination est immense.
Le passeport vaccinal ne restaure pas la confiance ; ce qui restaure la confiance, c’est un haut taux de vaccination parmi la population et des mesures sanitaires adéquates. Si tel est le cas, le passeport vaccinal n’aura alors plus de raison d’être. J’ai totalement conscience de l’importance de la question économique et touristique qui anime beaucoup d’élus, c’est également mon cas. Mais tous les acteurs de la société auront beaucoup plus à perdre par la prise d’une décision improvisée, mal préparée et potentiellement dommageable à moyen et long terme.
C’est un danger potentiel en effet car à la question sanitaire, se rajoute la question des libertés individuelles. Les pro-passeports vous diront que ce certificat (le mot passeport ayant été banni dans ce dossier car il faisait peur) est un retour à un principe fondamental qu’est la liberté de circulation. Quel paradoxe alors que, précisément, le but de ce document est de restreindre cette liberté en permettant à certains de bouger tandis que d’autres resteront assignés à rester sur le territoire malgré eux, par exemple parce qu’ils n’auront pas encore eu l’opportunité de se faire vacciner.
Rien non plus ne garantit à terme que ce certificat ne soit utilisé comme critère pour accéder à certains biens, certains services, voire même à certains emplois. Enfin, de lourdes questions se posent quant au respect des données personnelles véhiculées à travers ce passeport, et aucune réponse, faute de temps, d’analyse d’impacts ou de travaux juridiques ou parlementaires ne pourra être apportée dans les temps. Le danger d’institutionnaliser la discrimination est immense.
L’Europe, c’est avant tout des Etats membres, des gouvernements, qui, s’ils le décident, s’allient pour le meilleur ou font, chacun à leur mode, quelques fois pour le pire. Cette crise sanitaire aurait dû apprendre à bon nombre d’entre nous la valeur essentielle de la solidarité et d’affronter ensemble les problèmes, mais les égoïsmes ont vite repris le dessus, je le regrette.
C’est surtout, à nouveau source de discrimination. Vous pouvez voyager si vous êtes riches. Combien de ménages peuvent se permettre de payer un test PCR à 100 ou 150 euros pour toute la famille. Rajouter 600 euros au budget vacances, de nombreux européens ne peuvent pas se le permettre.
Il faut d’abord vacciner, vacciner bien plus vite, bien plus efficacement et éviter la prise d’une décision improvisée, mal préparée et potentiellement dommageable à moyen et long terme.
Entretien a été réalisé par Eugénie CORTUS
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