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USA : le FBI complice du docteur pédophile Nassar, dénoncé par la gymnaste Larry Biles

La gymnaste américaine Simone Biles/AFP

Un rapport du ministère de la Justice américain charge le Bureau Fédéral d’Investigation (FBI)  dans le cadre du dossier du médecin-chef américain, Lawrence Gerard Nassar (57 ans). Ancien kinésithérapeute et ancien ostéopathe de l’équipe nationale de gymnastique des Etats-Unis. Accusé d’agressions sexuelles sur plusieurs athlètes dont la super star Simone Biles (actuellement présente aux JO de 2020 à Tokyo, mais en méforme), l’ancien praticien a été condamné à 360 ans de prison. Publié le 15 juillet, le rapport pointe des manquements au sein de la Fédération américaine de gymnastique, mais il relève aussi l’abstention coupable du FBI.

Lawrence Gerard Nassar (57 ans), agresseur de la super star Simone Biles et de dizaines autres athlètes, a été condamné en 2018 par la justice américaine pour agressions sexuelles sur mineures alors qu’il était le médecin officiel de la Fédération américaine de gymnastique. Présente sur les JO de 2020 à Tokyo, Simone Biles, présentée comme la plus grande gymnaste de tous les temps, a d’ailleurs déclaré forfait, à cause de ses « démons ». Visiblement, le traumatisme de ce que l’ancien médecin lui a fait subir la pourchasse toujours. Lors du procès du Dr Nassar, le tribunal a reçu 156 témoignages de victimes dont certaines, parmi les plus connues de la discipline, ont raconté à l’audience leur calvaire.

La juge Rosemarie Aquilina a prononcé des peines allant de 40 à 175 années de prison pour un total de 300 ans et sept chefs d’inculpation contre l’ancien kinésithérapeute de l’équipe nationale de gymnastique des Etats-Unis. Cette sentence s’ajoute à une autre condamnation à 60 ans de réclusions pour détentions d’images pédopornographies à l’encontre de celui qu’on appelle aussi Larry Nassar. Si l’affaire a fait tomber plusieurs têtes au sein de la Fédération américaine de gymnastique, accusée d’avoir tardé à dénoncer les agissements de son médecin-chef, un rapport, commandé par le ministre américain de la Justice, vient d’être publié sur la manière dont le Bureau Fédéral d’Investigation (FBI) à Indianapolis a géré le dossier. Il pointe aussi l’abstention coupable de l’agence.

Le document “Investigation and Review of the Federal Bureau of Investigation’s Handling of Allegations of Sexual Abuse by Former USA Gymnastics Physician Lawrence Gerard Nassar” publié à la mi-juillet (Link : https://oig.justice.gov/reports/investigation-and-review-federal-bureau-investigations-handling-allegations-sexual-abuse) offre une évaluation cinglante de l’enquête. Il fustige l’inaction de l’agence fédérale. Celle-ci a reçu dès 2015 des plaintes contre Larry Nassar. Le FBI n’a pas tenu compte des allégations concernant un agresseur d’enfants prolifique. L’homme a pu continuer à sévir pendant plus d’un an, soit « 365 jours de viols supplémentaires » au contact de jeunes athlètes de l’université du Michigan où il enseignait, dans un lycée et dans plusieurs clubs de gymnastique.

Le Dr pédophile Larry Nassar lors de son procès en janvier 2018 / Crédit photo Jeff Kowalsky / AFP)

De la corruption à tous les étages

Le rapport de 119 pages met également à nu de la corruption à tous les niveaux de pouvoirs. Plusieurs agents fédéraux sont accusés d’avoir enfreint les règles et procédures en vigueur et d’avoir dissimulé des pièces. Confrontés à leurs erreurs, deux agents du FBI ont aussi déposé de fausses déclarations afin de dissimuler leurs manquements. Dans un communiqué, le FBI a reconnu les conclusions de ce rapport, qualifiant la gestion du dossier d’ « inexcusable ». Il a affirmé « prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les défaillances des agents décrites ne se reproduisent pas dans le futur ». Ce rapport, qui jette le discrédit sur l’agence fédérale, est toutefois le dernier en date d’une série d’échecs embarrassants dans la gestion de certaines enquêtes. Pour le ministère de la Justice, il soulève des questions sur la façon dont le département, « essentiellement dominé par des hommes », supervise les affaires d’abus sexuels et donne du crédit aux victimes.

John Manly, l’avocat des victimes de Larry Nassar, s’est quant à lui exprimé par voie de presse. Il déplore que les violations répétées du FBI ne soient pas poursuivies : « lorsqu’un citoyen américain ordinaire ment au FBI dans le cadre d’une enquête, il est poursuivi, alors qu’aucune charge n’a été retenue contre quiconque à la suite de cette enquête de cinq ans. Combien d’athlètes auraient été épargnés d’une douleur inimaginable si le FBI avait effectué son travail ? Le ministère de la Justice doit maintenant décider s’il va être une institution de plus qui laisse tomber les survivants ou s’il compte imposer une certaine mesure de responsabilité pour ces crimes ».

#GymnastAlliance

Dans la foulée de l’affaire Nassar, pour aider à prévenir les abus et à demander rapidement des comptes aux auteurs, une loi, The Safe Sport Authorization Act, a été adoptée en 2017.  Elle met en place un organisme indépendant qui a le pouvoir d’enquêter sur les signalements d’abus dans tous les sports, y compris en gymnastique. Depuis sa création, il a déjà émis près de 500 interdictions à vie à des entraîneurs sportifs. L’organisation tient également à jour une base de données des personnes suspendues ou interdites.

Cependant, les athlètes estiment que l’affaire Larry Nassar n’est que le sommet de l’iceberg. La gymnastique américaine a encore un long chemin à parcourir avant qu’elle ne soit vraiment un espace sportif sécurisé. « La culture d’un sport ne change pas instantanément lorsque les lois changent et cette culture dans la gymnastique est si profondément ancrée qu’elle est presque invisible » estiment les instigatrices du mouvement #GymnastAlliance. Elles dénoncent toujours sur les réseaux sociaux la persistance d’abus psychologiques, les brimades et l’intimidation, le racisme, le contrôle et la restriction alimentaires, le surentraînement et la compétition forcés alors qu’elles sont blessées, la négligence médicale, le harcèlement sexuel et le viol.