POLICE/JUSTICE

Prélèvement forcé d’organes : le vrai Squid Game en Chine


La série Squid Game est désormais numéro 1 sur Netflix dans plus de 90 pays. Ce thriller sud-coréen dystopique voit des participants désespérés s’affronter dans des jeux inspirés de l’enfance pour tenter de gagner des millions, le piège étant que s’ils échouent, ils meurent. Cette fiction rejoint la réalité en Chine. Comme dans le jeu du calamar, le pays est régulièrement accusé de se livrer sur ses détenus à des prélèvements d’organes forcés. Cette pratique concernerait les condamnés à mort et les prisonniers politiques ou de conscience, chinois, ouïghours, tibétains, chrétiens et pratiquants de Falun Gong. Pékin persiste à démentir et pourtant le China Tribunal, des ONG et l’ONU le confirment.

La tradition chinoise veut qu’un mort soit enterré sans mutilation. Très rares sont donc les Chinois qui acceptent le prélèvement d’organes. Pour faire face à une pénurie dans les hôpitaux chinois, des dizaines de milliers d’organes de dissidents et de prisonniers politiques sont « récoltés » chaque année dans le pays, sans l’accord des familles, dans le cadre d’un marché noir orchestré par le gouvernement chinois. Une résolution du Parlement européen de 2013 condamne pourtant ces prélèvements forcés. Elle a été suivie en 2016 d’une résolution adoptée par la Chambre des représentants des États-Unis demandant au régime communiste chinois de cesser immédiatement cette pratique non-éthique.
L’ONU, Amnesty International et TTS (The Transplantation Society) alertent régulièrement. En juin 2019, le China Tribunal rendait public son verdict accompagné d’un rapport de synthèse (Link vers :  https://chinatribunal.com/wp-content/uploads/2019/07/ChinaTribunal_-SummaryJudgment_17June2019.pdf ) : malgré son déni persistant, la Chine est coupable.

Coupable du crime du siècle

Le China Tribunal est un comité indépendant composé de juristes, d’experts des Droits de l’Homme et d’un chirurgien spécialisé en transplantation, créé pour les besoins de la cause, soit enquêter sur le prélèvement forcé d’organes en Chine. « Sur la base de tous les éléments de preuve directs et indirects recueillis, le Tribunal conclut avec certitude que le prélèvement forcé d’organes a eu lieu en de multiples endroits de la République Populaire de Chine (RPC) et à de multiples occasions pendant une période d’au moins vingt ans et se poursuit encore à ce jour ».

Et de préciser la méthode : « Le personnel médical commence par prélever le sang de prisonniers dans le but de trouver des personnes aux groupes sanguins compatibles avec les receveurs potentiels. Les prisonniers retenus sont ensuite emmenés pour être exécutés d’une balle dans le côté droit de la poitrine afin que leur mort ne soit pas instantanée et que les organes soient préservés. Ils partent accompagnés de médecins dans des fourgons spéciaux pour le prélèvement d’organes. Les corps sont ensuite coulés dans du ciment et enterrés en secret ».

Copyright Facebook – Une manifestation à Berlin en 2007 contre le prélèvement forcé d’organes en Chine.

Le Tribunal « conclu également avec certitude que le Parti Communiste Chinois est responsable des actes de torture infligés aux Ouïghours ». Et de poursuivre : « Le groupe religieux Falun Gong a été interdit en Chine il y a vingt ans par le président Jiang Zemin. L’emprisonnement et la disparition d’un grand nombre de pratiquants à la suite de cette interdiction coïncide avec l’apparition d’un nombre important et inexpliqué d’hôpitaux spécialisés en transplantation, d’une multitude de nouveaux laboratoires et par l’accélération soudaine de la recherche sur les médicaments immunosuppresseurs ».

Cœurs, reins, foies et cornées

En juin 2021, l’ONU confirme cette réalité dans une nouvelle enquête menée pendant plus d’un an par neuf rapporteurs spéciaux de l’ONU. Elle révèle que le parti communiste chinois fait prélever les organes de près de 100.000 prisonniers politiques chaque année.
Les témoignages recueillis sont glaçants. Ils parlent des menaces constantes des geôliers : « si vous n’abandonnez pas vos croyances ou refusez de coopérer avec la police, on prélèvera vos organes. » Ils parlent aussi de « sévices corporels seulement limités par le besoin de ne pas abîmer les organes ». Les organes le plus couramment prélevés sur les prisonniers seraient des cœurs, des reins, des foies et des cornées. Cette forme de trafic à caractère médical impliquerait des professionnels du secteur de la santé, notamment des chirurgiens, des anesthésistes et d’autres spécialistes médicaux.

Le communiqué explique aussi que les justifications données par le gouvernement chinois sur interpellation de la communauté internationale sont insuffisantes.

Les prisons chinoises, des banques d’organes

La Chine est accusée de ces crimes depuis le début des années 2000. Au départ, les témoignages ne concernaient que les condamnés à mort. Les autorités chinoises ont fini par reconnaître une telle politique tout en la justifiant : « les prisonniers dans le couloir de la mort y consentent pour se racheter de leurs fautes vis-à-vis de l’État ». En 2015, Pékin annonçait mettre fin à cette barbarie. La multiplication des services hospitaliers pratiquant les transplantations tout comme l’augmentation observée de « touristes médicaux » arrivant en Chine, alors que les statistiques officielles du nombre de donneurs d’organes n’augmentent pas, confirment néanmoins la persistance de la pratique.

Une semaine avant la sortie de « Squid Game » sur Netflix, le gouvernement chinois a une nouvelle fois rejeté les allégations des ONG et des enquêteurs de l’ONU. Les accusations seraient « purement diffamatoires » et les témoins des « acteurs » désireux de nuire au régime chinois. Force est de constater pourtant que l’univers carcéral chinois est bel et bien géré comme une banque d’organes.

 

Copyright Facebook : Genève, 15 juillet 2021 – Des adeptes de la pratique méditative Falun Gong manifeste contre la répression de leur mouvement en Chine et le prélèvement forcé d’organes.