OPINION

Politique sanitaire : est-il devenu urgent de désobéir ?

BELGA

On ne peut pas dire que le dernier Codeco ait offert d’heureuses perspectives. Pour endiguer une reprise de l’épidémie, renforcer, interdire, fermer et isoler est « ce qui est sur la table ». Le gouvernement s’est « accordé » sur notre santé pour les fêtes. « Espérons que vers la Noël, il y aura un peu plus de certitudes », a déclaré dans la foulée le ministre fédéral de la Santé publique, Frank Vandenbroucke. Distanciation sociale, masques, CST+, rappel vaccinal, en résumé, à peu de chose près, on prend les mêmes ingrédients et on recommence. La bulle d’oxygène pérenne, ce n’est donc pas encore pour demain.

Un pan de la société civile ne semble toutefois plus prêt à suivre cette politique sanitaire de l’incertitude. Un vent de protestation souffle contre des mesures Covid jugées « radicales ». Les vagues de manifestations se multiplient dans de nombreux pays européens. Entre une vaccination obligatoire et l’éthique d’une troisième dose controversée, le corps médical lui-même se fracture en théories. Symbole inversé, aux Pays-Bas, des infirmières applaudissent la colère populaire au balcon d’une institution hospitalière.

Les chiffres des porteurs sains, des contaminés, des malades aux soins intensifs, des vaccinés et des non vaccinés alimentent sans discontinuer des calculs de probabilités, des scénarios apocalyptiques et des messages contradictoires mais assertifs, et parfois, qui plus est, sans véritables motivations épidémiologiques. « Nobody knows, even I », affirmait Robin William dans « Le Cercle des poètes disparus ». Cette hypothèse de travail du célèbre professeur d’anglais ne semble pourtant pas faire partie de la formule politique depuis le début de la crise sanitaire.

« Il y a certes un coût à désobéir, mais il y a peut-être aussi une récompense (…)»

La population n’est toutefois plus aussi stupéfiée par cette condition de mortel qui le virus nous a rappelée, avec une violence factuelle rarement égalée, et qui nous a momifiés des mois durant. Si maîtriser le SARS-CoV menaçant nos contrées demeure une urgence, une autre priorité se dessine. N’est-il pas aussi devenu urgent de désobéir sans être taxé de prédicateur de fake news ? Et jusqu’à quel point cette désobéissance civile est-elle un acte responsable face à certaines prises de décisions iniques ?

Complotisme ! Hier cantonné aux marges, le mot, aujourd’hui phénomène culturel majeur, sert à éteindre le débat lorsque l’on n’est en contradiction. Il faut cependant arrêter de hisser le spectre de l’anarchie dès qu’on parle de désobéir. « On est coupable aussi de ne pas avoir envie de se sentir responsable, surtout sur fond de responsabilités politiques », nous rappelle le professeur de pensée politique Frédéric Gros dans son ouvrage « Désobéir ».
« Il y a certes un coût à désobéir, mais il y a peut-être aussi une récompense. La désobéissance est nécessaire à la démocratie. Désobéir, n’est pas ici synonyme de transgression. C’est le témoignage d’une capacité à évaluer les mesures à leur juste mesure et de commencer peut-être autre chose en réflexion. Une démocratie ne peut survivre sans qu’il y ait de la part du citoyen cette vigilance perpétuelle utile par rapport au pouvoir ».

Grand paradoxe contemporain, on ne nous a jamais autant demandé d’être nous-même à titre individuel, à grand coup de coaching en développement personnel et on n’a jamais été aussi conformistes, à titre collectif. La gestion chaotique d’une pandémie devrait pourtant faire surgir des prises de conscience.

Pourquoi sommes-nous prêts à nous suicider économiquement et socialement par crainte d’une maladie insolente qui a pris nos peurs en otage ? Il y a une dangerosité à notre docilité. Exécuter des ordres sans se poser les bonnes questions nous éteint plus vite que la propagation de l’infection. La désobéissance est une stratégie d’action qui ouvre la porte à d’autres possibles. Cette ressaisie salvatrice vers la remise en route essentielle de nos vies nous invite à ne plus avoir pour seul horizon celui d’une catastrophe annoncée et sans autre issue.