SANTE

Journée mondiale de lutte contre le Sida: 18.000 Belges sont concernés et vous?


Ce 1er décembre est Journée mondiale de Lutte contre le Sida. Celle-ci fut instaurée en 1988. Selon un rapport publié ce lundi, il y a eu moins 21% de cas de VIH diagnostiqué en 2020 mais ce n’est pas pour autant que ce  virus doit être négligé ni même que les personnes infectées soient moins nombreuses. On le sait, en raison de la crise sanitaire, une partie des dépistages n’a pas pu avoir lieu l’an dernier. Depuis 20 ans, la Plateforme Prévention Sida œuvre en Wallonie et à Bruxelles à la prévention du VIH/sida et des autres Infections Sexuellement Transmissibles (IST). Qu’en est-il aujourd’hui de cette prévention indispensable ? Le directeur de la Plateforme Prévention Sida, Thierry Martin explique.

On n’en parle moins mais il est toujours présent, le Sida. Le VIH apparaissait il y a 40 ans déjà. Dans les années 90 et début 2000, on a vu les campagnes de prévention et de sensibilisation déferler sur nos écrans et dans nos rues. Désormais mieux traitée, la maladie semble ne plus faire partie de nos inquiétudes, et pourtant…

On estime qu’il y a entre 2 et  3 nouvelles personnes  séropositives par jour donc la prévention reste importante

L’Post : Comment sensibilise-t-on les populations cibles à l’heure actuelle ?

Notre travail de prévention est plus compliqué aujourd’hui, ne fut-ce qu’il y vingt ou trente ans. A l’époque, souvenez-vous, le Sida avait mauvaise presse, il faisait peur et il y a avait peu de traitements efficaces. Les choses ont évolué à la fin des années 90, avec l’apparition aussi de la trithérapie, depuis les traitements ont encore évolué ; on peut désormais vivre avec le virus sans forcément en mourir et depuis, on est entré hélas, dans une phase de banalisation de la maladie et donc, pour la plupart, le Sida est perçu comme une maladie moins grave qu’avant.

L’Post : Cette banalisation est-elle dangereuse ?

Oui, dans certains cas. Nous, ce qu’on veut rappeler c’est que cela reste une maladie grave avec des conséquences dramatiques si elle n’est pas dépistée à temps même si les avancées médicales sont sérieuses et aussi et surtout le regard de la société par rapport au VIH demeure très négatif et les personnes porteuses du virus restent victimes de rejets et de discrimination. Il est donc important de sensibiliser encore et toujours et on se doit d’adapter notre message en fonction des publics, notamment envers les personnes d’origine étrangère. Aussi, on se doit de faire de la prévention par les pairs, il n’y a rien de plus délicat qu’un jeune, par exemple, qui  parle à un jeune, c’est important pour nous de trouver des modèles qui peuvent porter notre message de sensibilisation et d’information.

L’Post : Quels sont les chiffres aujourd’hui ?

En Belgique, il y a plus de 20.000 personnes qui ont été infectées par le VIH, il y 18 .000 personnes suivies médicalement, c’est encore beaucoup. Chaque année, il y a de nouvelles infections qui augmentent le nombre de personnes séropositives. On estime qu’il y a entre 2 et  3 nouvelles personnes  séropositives par jour donc la prévention reste importante. Ce qui est inquiétant, c’est que l’on s’aperçoit qu’auprès des dépistages tardifs, ce chiffre augmente. Cela veut dire qu’une personne séropositive sur deux est dépistée plusieurs mois voire plusieurs années après avoir été infectée. C’est important de pouvoir la mettre sous traitement le plus rapidement possible afin que la qualité et son espérance de vie s’en trouvent améliorées mais aussi, pour casser la chaine de prévention. Car on sait aujourd’hui qu’une personne séropositive sous traitement ne transmet plus le VIH.

L’Post : Les publics susceptibles d’être touchés par le virus ont-ils changé ?

Il y a deux publics prioritaires dans la lutte contre le VIH : les homosexuels, qui représentent 45% des cas d’infection. La bonne nouvelle est que le pourcentage diminue avec les années notamment grâce au traitement préventif. L’autre public est un public hétérosexuels issu de la migration et originaires particulièrement d’Afrique subsaharienne. Mais si on ne relève d’aucun de ces deux publics ce n’est pas pour autant qu’on n’est pas concerné car on voit l’émergence de nouveaux publics, plus européens, hétérosexuels également. Du coup, on se doit d’adapter notre stratégie de prévention en fonction de ces publics.
Notre travail de terrain est aussi de produire des campagnes dans des langues spécifiques afin de touché aussi le public réfugié. On se rend sur le terrain dans les centres de demandeurs d’asile, dans certains quartiers pour rencontrer des interlocuteurs qui répercuteront notre message. C’est un travail de longue haleine et le Covid n’a rien arrangé. On doit donc redoubler d’effort pour parvenir à toucher les publics les plus vulnérables.

On le rappelle: on ne guérit pas encore du SIDA, cela reste une maladie associée à un regard négatif, il faut changer les mentalités.

L’Post : Les chiffres du rapport publié ce lundi par la Plateforme et Sciensano indique justement que la crise sanitaire a participé à la diminution du pourcentage du nombre de dépistage.

Il n’y a pas moins de malades en 2020 mais moins de personnes séropositives, porteuses du VIH, du virus donc non ces personnes ne sont pas véritablement malades mais peuvent développer la maladie. C’est différent. Oui, on évalue à 18 % de dépistages en moins en 2020 durant les confinements. Mais les contacts, les activités sexuelles ont diminué aussi car il y avait peu d’occasion de rencontres, les frontières ont été fermées en partie, les voyages annulés donc cela a participé à réduire les risques au sein des populations aussi issue de la migration ; c’est une conjonction de diverses choses.
Cela veut dire aussi qu’on a aussi loupé des dépistages. L’enjeu désormais est de les « rattraper ». L’espace médiatique a été occupé par la gestion du Covid, les autres maladies ont été laissées de côté…on peut le comprendre  et le regretter aussi. De fait, d’autres pathologies sont passées à la trappe. Cependant, on sait que tous les centres de référence SIDA ont fait le maximum pour qu’il n’y ait pas de rupture de traitement. La plupart de ces traitements venaient aussi de Chine, on a eu peur qu’ils viennent à manquer mais cela n’a pas été le cas. Il ne faut pas oublier de fait les autres problèmes de santé publique et on ne peut qu’inviter le public a aussi adopter les gestes de la prévention combinée pour se protéger du VIH.

L’Post : Ce 1er décembre, c’est « la » Journée des acteurs de prévention contre la maladie. Vous serez présent sur le terrain afin de rappeler ce message d’importance qu’est la prévention encore et toujours.

En effet, on sera sur le terrain, à Bruxelles et en Wallonie, malgré la crise sanitaire, il y a toute une série de moyens de se faire dépister qui  sont accessibles aujourd’hui, il s’agit de dépistages anonymes et gratuits. Il est essentiel d’aller à la rencontre des populations. Aujourd’hui est l’occasion de taper sur le clou. On le rappelle: on ne guérit pas encore du SIDA, cela reste une maladie associée à un regard négatif, il faut changer les mentalités. Et pour ceux qui ont tendance à le négliger ou à l’oublier, c’est le moment où ne jamais de réaliser un dépistage. Cela ne coûte rien et ça peut encore sauver des vies.