Covid-19 : les médecins namurois jugent irréaliste la gestion de la crise

Journaliste – Rédacteur en chef.
LP/Carole Sterlé Les directeurs médicaux de plusieurs hôpitaux de Namur (clinique Saint-Luc, CHR Sambre & Meuse, CHU UCL Namur) jugent irréaliste la décision des autorités de suspendre les soins non-urgents vu la situation de la crise sanitaire. Ils dénoncent l’absence de transparence et le manque d’anticipation dans les décisions. D’après eux, leur demander d’affecter le personnel du bloc opératoire à l’encadrement des services de soins intensifs en pleine capacité aura pour conséquence d’augmenter l’absentéisme dans les équipes pour cause de maladie (burnout) ou d’accroître les démissions. Ils demandent une valorisation substantielle de l’investissement des équipes infirmières la prise en charge des patients Covid.
La stratégie de gestion de la crise du Covid-19 continue à faire l’objet de critique, notamment par le milieu hospitalier qui joue un rôle important dans la prise en charge des patients. Récemment, les directeurs médicaux d’hôpitaux namurois ont réagi avec virulence à la nouvelle circulaire du Comité Hospital&Transport Surge Capacity (HTSC) chargé de surveiller la situation dans les hôpitaux du pays. Face à l’augmentation des hospitalisations, le comité a demandé, fin novembre, à l’ensemble des hôpitaux d’arrêter les soins non-urgents pour s’occuper des patients Covid. Cette décision suscite des critiques. « Dans le contexte actuel de cette quatrième vague où de très nombreux patients Covid nécessitant des soins intensifs sont des patients ayant fait le choix d’être non vaccinés, la priorisation absolue qui semble être donnée aux patients Covid au détriment d’autres patients graves, doit faire l’objet d’un réel débat éthique avec toutes les parties concernées », entament les directeurs médicaux de plusieurs hôpitaux à Namur (clinique Saint-Luc, CHR Sambre & Meuse, CHU UCL Namur), dans un courrier datant du 2 décembre. Il est envoyé au ministre fédéral de la Santé publique, Frank Vandenbroucke (Vooruit), à son homologue wallonne, Christie Morreale (PS) ainsi qu’à Erika Vlieghe, experte scientifique du Comité HTSC et son président Marcel Van Der Auwera, à la coordinatrice de l’AVQ (Agence wallonne pour une vie de qualité) et à d’autres acteurs du dossier.
L’ordre formel d’y affecter le personnel du bloc opératoire nous expose au mieux à majorer l’absentéisme pour cause de maladie (burnout), au pire à accélérer le nombre croissant de démissions.
Hôpitaux saturés, démissions et burnout
Ils jugent cette mesure tout aussi irréaliste que la précédente qui leur demandait déjà de consacrer 60% des lits en soins intensifs aux patients Covid. Ils rappellent que les hôpitaux sont déjà saturés tant en soins intensifs qu’en unités de soins conventionnelles pour la prise en charge de tous les patients. « Nous émettons de vives réserves sur la possibilité de réaffecter comme demandé le personnel du bloc opératoire et de la salle de réveil dans l’encadrement de la pleine capacité des soins intensifs de la phase 1B. Nous ferons bien entendu et comme demandé « tout notre possible » pour rouvrir les lits USI (Unité de soins intensifs, ndlr) fermés ou les transformer en lits middle-care. Par contre, l’ordre formel d’y affecter le personnel du bloc opératoire nous expose au mieux à majorer l’absentéisme pour cause de maladie (burnout), au pire à accélérer le nombre croissant de démissions. Quelles sont les pistes envisagées dès à présent pour ensuite relancer l’activité hospitalière et maintenir la qualité des soins ? », interpellent les directeurs médicaux, signataires de la lettre.
Ils rappellent que déjà pour se conformer à une recommandation du Comité HTSC, ils ont dû annuler ou reporter des interventions lourdes nécessitant pourtant des soins intensifs. « Ces interventions ne relèvent jamais d’une médecine « de confort » mais ont toujours un caractère vital. Reporter un triple pontage coronaire met la vie du patient concerné en danger en l’exposant au risque d’infarctus. Reporter une exérèse chirurgicale lourde d’une tumeur non métastasiée expose le patient au risque de dissémination. Aucune des circulaires précédentes n’a précisé ce qu’étaient les « soins urgents et nécessaires », faisant porter la responsabilité éthique et juridique sur les médecins chefs, les Directions générales et Directions des Départements Infirmiers », relèvent-ils.
Quelles sont les raisons de cette absence de communication et de transparence ?
Manque de transparence et de communication
Ils dénoncent l’absence de concertation et le manque de transparence dans la prise des décisions. « Quelles sont les raisons de cette absence de communication et de transparence ? Afin d’éviter un futur nouveau manque d’anticipation et prise de mesures drastiques avec effet immédiat, quand pourrons-nous disposer des dernières modélisations disponibles ? Quelles mesures plus globales et radicales comptez-vous prendre afin d’enrayer cette pandémie ? », interrogent-ils.
Les directeurs médicaux des hôpitaux namurois plaident pour que les autorités accordent une meilleure attention au personnel soignant et de penser à rapidement à une « valorisation substantielle » du travail colossal des équipes infirmières pour la prises en charge des patients Covid. « Il s’agirait à la fois d’une reconnaissance de leur travail lourd et spécifique mais également d’un incitant dans une période particulièrement difficile en matière de ressources humaines », concluent-ils.
