ENERGIE

Engie/Electrabel ne change pas d’avis sur la prolongation du nucléaire

BELGA

L’entreprise Engie/Electrabel rappelle que les contraintes liées à une prolongation des deux récentes centrales nucléaires sont telles que le projet est tout simplement irréalisable d’ici 2025. Il s’apprête à introduire une nouvelle demande de permis pour la centrale au gaz de Vilvorde. Le cabinet de la ministre fédérale de l’Energie, Tinne Van der Straeten se dit satisfait que le plan A de sortie totale du nucléaire soit confirmé, malgré la porte ouverte à la prolongation en cas de problème d’approvisionnement. La Confédération nationale des cadres (CNC) est très critique sur le nouvel accord dégagé sur le dossier nucléaire.

Le nouvel accord dégagé la nuit dernière par le Gouvernement fédéral sur la sortie du nucléaire n’éteint pas les commentaires sur le dossier. Différents protagonistes nous ont livré leurs commentaires sur ce nouvel accord qui intègre une prolongation des deux centrales nucléaires récentes Doel 4 et Tihange 3) en cas de problème d’approvisionnement énergétique de la Belgique. « Nous sommes satisfaits des décisions qui confirment le scénario A qui est la sortie du nucléaire. Le CRM (Mécanisme de subsidiation de nouvelle capacité de production d’énergie, ndlr) est bien maintenu et on va modifier la loi pour permettre de relancer de nouvelles enchères pour les projets ayant participé aux premières enchères et qui ont déjà leur permis. Le dispositif mis en place va garantir la sécurité d’approvisionnement de la Belgique », nous a répondu Andries Bomans, porte-parole de la ministre fédérale de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen !). Ancienne ministre de l’Energie, Marie-Christine Marghem (MR), également députée lance une mise en garde. « On a reporté la décision à mars 2022. Mais j’attends du Gouvernement fédéral une analyse sérieuse sur la sécurité d’approvisionnement pour servir de base à la décision à prendre. Il faut une garantie en électricité pour 2025, 2026 et les années suivantes, une transparence sur les tarifs que les consommateurs et entreprises vont devoir payer et une précision sur l’augmentation ou non des émissions de gaz à effet de serre », nous a commenté Marie-Christine Marghem.

Prolongation de Doel 4 et Tihange 3 impossible

Il se refuse à commenter le recours éventuel au plan B (prolongation des deux centrales nucléaires récentes), mais selon certaines sources au sein du Gouvernement fédéral, ce point de l’accord vise juste à permettre au MR, membre de la majorité fédérale et défenseur du plan B, d’avoir quelque chose à brandir pour ne pas perdre la face. Pour rappel, un rapport est attendu pour le 17 janvier 2022 de la part de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) sur les actions à entreprendre en vue d’une prolongation éventuelle de Doel 4 et Tihange 3. Ce n’est que le 18 mars qu’on saura s’il faut activer le plan B ou pas. Il faut ici rappeler que l’AFCN a déjà, d’initiative, réalisé un rapport précisant que la prolongation des deux centrales nucléaires est possible moyennant de menus travaux. Maintenant, le Gouvernement fédéral veut le lui redemander…

Aujourd’hui, nous disons qu’une prolongation est irréalisable pour l’hiver 2025.

Dans le cadre du nouvel accord, il est prévu de demander à Elia de réaliser un rapport sur la sécurité d’approvisionnement pour le 18 mars 2022. Si ce rapport démontre que la sécurité n’est pas garantie, malgré les enchères, alors le gouvernement activera « toutes les options possibles dont le plan B », lit-on dans l’accord. Du côté d’Engie/Electrabel, le discours ne change pas. « Nous prenons acte des décisions du Gouvernement, mais nous avons déjà dit et rappelé que le projet de prolongation des deux centrales nucléaires a des contraintes techniques, juridiques et règlementaires avec des délais incompressibles. Aujourd’hui, nous disons qu’une prolongation est irréalisable pour l’hiver 2025 », précise Anne-Sophie Hugé, porte-parole d’Engie/Electrabel. L’énergéticien s’apprête à introduire incessamment une nouvelle demande de permis pour sa centrale au gaz de Vilvorde. « C’est un projet très important avec un impact environnemental réduit au maximum. Des précisions seront données pour lever les obstacles, notamment ceux concernant les émissions d’oxyde d’azote et d’ammoniac », précise-t-elle.

Il y aura un problème d’approvisionnement, car il va manquer 4 GW et même si la centrale de Vilvorde a son permis, la Belgique ne sera pas à l’abri.

Le problème d’approvisionnement est bien présent

La Confédération nationale des cadres (CNC) critique durement l’accord présenté jeudi matin. « On peut se demander pourquoi le Gouvernement fédéral n’a pas demandé plus tôt ce rapport à l’AFCN. Par ailleurs, pour nous, il y aura un problème d’approvisionnement, car il va manquer 4 GW et même si la centrale de Vilvorde a son permis, la Belgique ne sera pas à l’abri, d’autant plus qu’on se rend compte aujourd’hui que les importations dont on nous parle ne sont pas garanties. C’est ce que nous n’arrêtons pas de dire depuis des jours », rétorque Pierre Pirson, président de la Confédération nationale des cadres.

Le forum nucléaire belge qui est la fédération des acteurs du secteur de l’industrie nucléaire (Engie/Electrabel, IRE, Luminus, Agoria, Centre d’étude de l’énergie nucléaire/SCK-CEN, Synatom, etc.) salue un élément clé de l’accord. « On peut se réjouir du fait que l’accord consacre des investissements pour financer la recherche et développement relative au nucléaire du futur, notamment les SMR (Smart modular reactors). Cette décision confirme ce que nous avons toujours dit : le nucléaire est une énergie d’avenir. La Belgique pourra ainsi montrer toute l’expertise qu’elle a développée dans le nucléaire depuis des années. On attend les premiers SMR pour 2030-2035 », se réjouit Serge Dauby, directeur général du Forum nucléaire.

Recours au conseil d’Etat contre les centrales au gaz

Il y a un acteur qui poursuit son combat contre le nucléaire. Il s’agit du groupe d’action Dégagze qui fustige l’absence de décision claire sur la sortie du nucléaire. « Cette non-décision confirme la même vieille politique énergétique belge dans laquelle nous sommes coincés depuis des décennies. Tout le monde peut rester sur ses positions, mais en fin de compte, c’est Engie-Electrabel qui gagne »,  réagit Simon Lalieu, porte-parole du mouvement activiste. « La seule façon de sortir de cette impasse est un ‘non’ radical aux technologies polluantes telles que l’énergie nucléaire et les centrales au gaz. La Vivaldi (majorité politique fédérale, ndlr) doit ouvrir le débat sur la surconsommation de l’industrie et la distribution équitable de l’énergie ». Dégaze poursuit sa lutte contre les nouvelles centrales au gaz fossile. Il a introduit jeudi un recours au Conseil d’Etat contre le permis accordé à Luminus pour la construction d’une centrale au gaz à Gand. Début janvier, il introduira un autre recours pour contester le permis délivré à Engie/Electrabel pour la centrale au gaz des Awirs à Flémalle (en région liégeoise).

Mais ces recours ne sont pas suspensifs des permis accordés aux différents projets de centrales au gaz. Ceux-ci pourront donc se poursuivre…