AEROPORTS WALLONS

Voici les détails de l’accord qui sauve Charleroi Airport de la faillite

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La direction et les syndicats de BSCA, la société gestionnaire de l’aéroport de Charleroi ont scellé un accord de trois ans qui prévoit une série de dispositions qui satisfont les deux parties. Il est question d’appliquer intégralement la flexibilité contenue dans les conventions déjà signées, mais en revanche la direction renonce à imposer une réduction linéaire de salaire de 5% au personnel. L’effort dépend de la rémunération barémique, mais les travailleurs en obtiendront le remboursement en 2025. En janvier prochain, ils bénéficieront de l’augmentation de salaire garantie par l’AIP et d’une prime Corona de 375 euros. Un conseil d’administration est prévu à la mi-janvier 2022 qui validera l’accord et convoquera l’assemblée générale qui entérinera l’augmentation de capital de 40 millions d’euros.

Fumée blanche synonyme de bonnes nouvelles au-dessus de l’aéroport de Charleroi. Après des mois de négociations entamées en avril dernier, la direction et les syndicats ont scellé jeudi un accord social de trois ans qui ramène la sérénité dans la poursuite des activités de Brussels South Charleroi Airport (BSCA), la société gestionnaire de l’aéroport de Charleroi. « Objectivement, je suis très satisfait du dénouement heureux des négociations, parce qu’on avait des craintes assez sérieuses sur la poursuite des activités de l’aéroport. Le réviseur d’entreprise avait prévenu le mois dernier que sans recapitalisation, BSCA ne pouvait plus payer les salaires dès le mois de mars prochain et courrait à la faillite », nous a confié Alain Goelens, secrétaire permanent du Setca à Charleroi.

Je suis très satisfait du dénouement heureux des négociations, parce qu’on avait des craintes assez sérieuses sur la poursuite des activités de l’aéroport.

Augmentation de capital de 40 millions d’euros

Il rappelle que le problème de la société de gestion de l’aéroport wallon est une question de trésorerie. L’accord signé jeudi permettra de concrétiser l’augmentation de capital de 40 millions d’euros, entérinée, il y a plusieurs semaines. Mais l’actionnaire privé (le groupe Save associé à l’ex-Holding communale en liquidation) exigeait la signature d’un accord social avant d’ouvrir son portefeuille pour libérer sa contribution de 20 millions d’euros à l’augmentation de capital. Pour rappel, l’opération lui garantit une montée en puissance de 27% à 48% dans le capital de BSCA. La Société wallonne des aéroports (Sowaer) intervient pour 10 millions via un abandon de créances et la Région wallonne pour 10 millions également.

Concrètement, l’accord signé jeudi n’impose pas de nouvelles mesures de flexibilité, mais il demande à la direction d’appliquer effectivement les conventions existantes, lesquelles prévoyaient déjà la flexibilité. « Ça ne sert à rien de signer une nouvelle convention de flexibilité si on n’appliquait pas celles qui existaient déjà. C’est de la responsabilité de la direction que de concrétiser cette flexibilité. Dorénavant, ça va être le cas, puisque dans les nouveaux contrats que BSCA signe avec les compagnies aériennes, principalement Ryanair, on prévoit des vols pendant les heures creuses (9h-12h et 15h-18h). Tout le monde joue le jeu maintenant et c’est une bonne chose », poursuit Alain Goelens.

Ce dispositif de remboursement des travailleurs est inédit, je ne l’ai jamais connu en 30 ans de carrière.

Effort salarial en fonction des barèmes de rémunération

Sur le plan salarial, les syndicats ont réussi à amener la direction à renoncer à la réduction de salaire linéaire (-5%) que celle-ci voulait imposer aux travailleurs. Il devrait s’agir d’une réduction structurelle de salaire qui aurait dû impacter le salaire global (primes + salaire barémique). Le nouvel accord maintient un effort salarial, mais celui-ci ne vise que le salaire barémique et tient compte du niveau de rémunération du personnel. Concrètement, le travailleur qui touche un salaire mensuel de 1.750 euros bruts n’est pas concerné. En revanche, les salaires compris entre 1.750 euros et 2.250 euros seront frappés d’une réduction de 0,5%. Ce sont les membres du personnel qui touchent un salaire de 8.000 euros bruts par mois qui se verront imposer un effort salarial de -5%. Mais il y a une subtilité dans les dispositions concernant l’effort salarial imposé aux travailleurs de BSCA. D’après le leader syndical, il s’apparente plutôt à un prêt du personnel à leur entreprise, puisqu’il est prévu que la société de gestion de l’aéroport rembourse les réductions de salaires au personnel impacté dès que BSCA deviendrait bénéficiaire. Ainsi, il est prévu que si la société enregistre un bénéfice de 2,5 millions d’euros en 2022, elle rembourserait en 2023 le montant des réductions de salaires consenties par les travailleurs un an plus tôt. Si BSCA clôture 2023 avec un bénéfice de 3,5 millions, elle rembourserait l’effort de l’année en 2024. Mais, précise Alain Goelens, la convention indique que même sans bénéfice, la société rembourserait les travailleurs en 2025. « Ce dispositif de remboursement des travailleurs est inédit, je ne l’ai jamais connu en 30 ans de carrière », dit le permanent syndical.

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Le ministre wallon en charge de la politique aéroportuaire régionale, Jean-Luc Crucke (MR).

Avantages salariaux pour le personnel

Par ailleurs, les travailleurs de BSCA ne devraient pas beaucoup sentir les effets de l’effort salarial qui leur sera imposé. Car ils vont bénéficier de l’augmentation de salaire de 0,4% décidée dans le cadre de l’Accord interprofessionnel (AIP) au niveau fédéral. Par ailleurs, ils devraient aussi bénéficier d’une indexation de salaire de 3,95% prévue pour le personnel de la Commission paritaire 226 (employé de l’aéroport). Cerise sur le gâteau, BSCA fait preuve d’une générosité vis-à-vis de son personnel. En effet, la prime Corona de 250 euros octroyée sur base de 175 jours effectif de prestation monte à 375 euros et les périodes de chômage sont prises en compte dans les jours de prestation pour le personnel de BSCA. La direction s’est aussi engagée à ne procéder à aucune externalisation d’activité d’ici 2025. Finalement, les négociations ont pris du temps sur le tarmac carolo, mais les travailleurs de BSCA ont obtenu de sérieux avantages.

Sur le plan opérationnel, l’aéroport devrait clôturer 2021 avec un niveau d’activité plus élevé que les prévisions pessimistes tracées il y a quelques mois. La perte devrait normalement être inférieure au chiffre de 30 millions d’euros avancé.

Après l’accord industriel, l’accord de la Commission européenne sur la recapitalisation économique de l’aéroport, l’accord social permet de finaliser le repositionnement de l’outil et d’envisager avec sérénité l’avenir de BSCA .

Satisfaction du ministre de tutelle

Contacté par nos soins, le ministre wallon en charge des Aéroports se réjouit de l’issue positive des négociations et salue le sens des responsabilités dont les différentes parties ont fait preuve. « Je remercie l’ensemble des acteurs autour de la table. Après l’accord industriel, l’accord de la Commission européenne sur la recapitalisation économique de l’aéroport, l’accord social permet de finaliser le repositionnement de l’outil et d’envisager avec sérénité l’avenir de BSCA », nous a commenté Jean-Luc Crucke (MR). « En moins d’un an et sans licenciement, la Wallonie aura réussi à relever le défi le plus important auquel l’aéroport a été confronté ces dernières années. L’allongement de la piste récemment finalisé ouvrira en sus l’aéroport à de nouvelles perspectives commerciales », a-t-il conclu.

Un conseil d’administration est annoncé le 17 janvier 2022 pour valider l’accord social et convoquer une assemblée générale des actionnaires pour lancer la concrétisation de l’augmentation de capital de 40 millions d’euros.