JOURNEE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES

Et si les femmes étaient au pouvoir ?

Béatrice Delfin-Diaz, président du réseau Femmes Chefs d'entreprises (FCE) milite pour l'égalité homme-femme. D.R.

Aujourd’hui, c’est la journée internationale des droits des femmes. Une journée avec une triste connotation, puisque la Russie a envahi l’Ukraine. Et mes pensées vont à ces hommes envoyés au front, à ces femmes et aux enfants qui subissent des atrocités en temps de guerre et qui sont des victimes collatérales de cette guerre. Nous devrions célébrer cette journée et nous réjouir des avancées réalisées pour l’égalité homme-femme.  Mais nous n’y sommes pas encore.  Que ce soit au niveau de l’égalité salariale, de la parité dans les comités de direction ou des organes d’administration, des relations avec les femmes sur leur lieu de travail, etc. Beaucoup de choses restent encore à faire et ce, encore pour longtemps, puisque je devrais être arrière-arrière-arrière-grand-mère, cinq générations encore à vivre pour voir la femme être l’égale de l’homme du point de vue économique seulement. Tel est le triste constat dressé par le Forum Economique mondial pour combler le gap entre les hommes et les femmes, un siècle, une éternité.

Je suis sidérée de voir que plus on monte au niveau de la direction, moins on retrouve des femmes à des postes à responsabilités. Comment se fait-il que moins de 20% de femmes se retrouvent à ces positions alors qu’elles représentent 60% des diplômées sortant de l’école contre 40% d’hommes ? Moins de 5% de femmes sont CEO au niveau mondial. Seulement 10 % du PIB mondial est au bénéfice des femmes. C’est consternant. 45 % des entreprises aux Etats-Unis ont mis en place une stratégie d’inclusion et de diversité, nous devons nous en inspirer. Or, les entreprises qui désignent au moins 30 % des femmes parmi leurs cadres augmentent en moyenne leur marge bénéficiaire nette de 6%. Les études le démontrent, une entreprise est plus performante avec une équipe multidisciplinaire et diversifiée.

Je suis sidérée de voir que plus on monte au niveau de la direction, moins on retrouve des femmes à des postes à responsabilités.

Qu’on le veuille ou non, cette pression sociale est bien là et latente : la place de la femme est généralement reléguée au foyer et à veiller à l’éducation des enfants. Une femme ambitieuse serait vue comme une mauvaise mère, alors qu’il est possible de combiner les deux avec une très bonne organisation, pour autant que l’employeur laisse une certaine liberté où un rapport de confiance existe. Il faut aussi l’aide de son partenaire pour se partager les tâches lorsqu’il y en a un. Les mentalités évoluent, mais le patriarcat est encore bien présent dans notre société. Nous devrions nous inspirer des modèles nordiques où les hommes et les femmes ont le même congé de maternité/parental par exemple et que la maternité ne soit plus un handicap dans l’évolution de la carrière d’une femme.

Syndrome de l’imposture et le ratio 80/20

Il consiste à croire que nous ne sommes pas légitimes à accéder à certains postes à responsabilités. Bien souvent, j’entends des femmes dire autour de moi : « j’aimerais bien avoir ce job, mais ce n’est pas pour moi ou c’est plutôt pour un homme ou encore pour mon mari ». Ce sont des croyances. Une femme est aussi autant capable qu’un homme d’exercer un métier, d’avoir un poste à responsabilités ou lancer son entreprise. Il faut aussi casser ces stéréotypes et intervenir dès le plus jeune âge à l’école. Le changement passe aussi par l’éducation de nos enfants qui sont la future génération.

Une femme ne répond pas à une offre d’emploi si elle ne remplit pas à 80% des critères du job description, alors que l’homme y répond même s’il n’atteint que 20%.

Connaissez-vous le ratio de 80/20 ? Selon des études, une femme ne répond pas à une offre d’emploi si elle ne remplit pas à 80% des critères du job description, alors que l’homme y répond même s’il n’atteint que 20%. Cela me rappelle une phrase de Richard Branson : « Si une opportunité se présente à vous, prenez-là, vous apprendrez après comment faire ». C’est ce qui m’a conduit à me lancer dans plusieurs aventures professionnelles.

Inégalité des salaires – pension plus faible pour les femmes

Il y a de belles avancées, mais nous n’y sommes pas encore. C’est ce qu’indique un rapport de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. L’écart salarial est de 9 % et, sans correction pour la durée du travail, pour atteindre 23 %. Les femmes doivent travailler deux mois de plus pour obtenir un salaire annuel brut égal à celui d’un homme, sans tenir compte des avantages extralégaux qui diffèrent aussi. Cet écart se répercute bien entendu sur la pension des femmes accentuant ainsi leur précarité. Il y a une loi en Belgique qui sanctionne le non-respect de l’égalité salariale, mais aucun contrôle n’est fait. Et l’écart est davantage creusé entre les fonctionnaires et employés, mais surtout très fortement marqué pour les indépendants, qui, s’ils ne cotisent pas en plus, auront de mauvaises surprises à leur pension.

Il y a également un autre aspect. Les femmes ne négocient pas bien leur salaire, il faut connaître sa valeur et l’imposer. Ce sont aussi bien souvent les hommes qui réclament des augmentations de salaire et des promotions, alors que les femmes n’aiment pas trop. Christine Lagarde disait récemment : « Renseignez-vous à combien votre prédécesseur est parti et ne vous sous-estimez pas ».

Un indépendant sur trois est une femme

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Nous sommes loin de l’égalité des 50 %. L’accès au financement, concilier vie privée-professionnelle, la maternité, … sont des freins auxquelles la femme doit faire face. Pour obtenir un prêt à la banque par exemple, il faut avoir un projet ambitieux et porteur, celui-ci est moins soutenu pour les femmes. Elles se voient donc refuser plus facilement leurs prêts que les hommes. La maternité reste un frein important à l’évolution de carrière ou au goût du risque de l’indépendante. A savoir qu’elle restera quelques semaines à s’occuper du bébé, alors que l’homme ne bénéficie que de 15 jours de congé de paternité. Et enfin, concilier vie privée-professionnelle est un défi majeur pour la femme, cela relève d’une grande et parfaite organisation, ce qui n’est pas évident pour toutes les femmes. Comment une femme commerçante qui ferme sa boutique à 18h pourrait-elle aller chercher ses enfants à la garderie ? Il faudrait des mesures pour garder les écoles ouvertes une heure de plus par exemple.

N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question.

Pour conclure, je dirai qu’il faut passer à la vitesse supérieure et s’inspirer de ce qui se fait dans les pays nordiques. Portons ensemble, monde économique, financier, sociétal et politique, une vision commune en passant par la stimulation et la motivation. Avec pour ambition éthique : l’égalité entre les genres, et tous les genres. Ce n’est qu’en 2002 que l’égalité homme-femme fût inscrite dans la constitution, il y a donc 20 ans. Il y a encore du pain sur la planche ! Simone de Beauvoir disant : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

Last but not least, et pour rejoindre le titre de mon article, je dirais que si le président russe avait été une femme, il n’aurait certainement pas envoyé ses enfants à la guerre. Aucune mère ne souhaite la mort de ses enfants. Je crois que les femmes ont par nature cette capacité à se mettre plus facilement que les hommes à la place des autres. Elles ont un leadership plus inclusif et empathique.  Je ne dis pas pour autant que les hommes ne le sont pas et que toutes les femmes le sont. Mais c’est une forte tendance, aujourd’hui un bon leader doit être empathique. Un monde plus équilibré où les femmes auraient leurs places et dirigeraient autant que les hommes serait beaucoup plus bénéfique pour tous et toutes.

Béatrice Delfin-Diaz, présidente nationale de l’association Femmes chefs d’entreprises (FCE)