Mort de l’ex-rugbyman Martin Aramburu : qui est Loïk Le Priol, le principal suspect ?
Suite à une altercation nocturne qui dégénère dans un quartier chic de Paris, Federico Martin Arambu (42 ans) est exécuté de plusieurs balles le samedi 19 mars dernier aux petites heures du matin. Loïk Le Priol (27 ans), ex-membre du GUD, un groupuscule estudiantin fascisant, et étiqueté d’extrême droite, est suspecté de la mort du rugbyman argentin. Il est interpellé le 23 mars en Hongrie. Un mandat d’arrêt européen est en cours d’exécution. Il devrait être remis aux autorités françaises dans un délai de dix jours. Les obsèques de l’ex-international ont eu lieu ce samedi 26 mars à Biarritz. Retour sur les faits avec Claude Moniquet, ancien agent de renseignement à la DGSE, qui nous profile la personnalité du principal suspect.
Vendredi 18 mars, Federico Aramburu et son associé, Shaun Hegarty, dînent dans un restaurant argentin du 6ème arrondissement de la capitale, le « Volver », rue Dauphine. À la tête de l’agence de voyages « Esprit Basque », qui propose des séjours culturels et sportifs, les deux ex-rugbymen sont accompagnés de leurs clients. Ils ont prévu d’assister avec eux au très attendu match de rugby France/Angleterre, le lendemain soir, au Stade de France.
En quittant le restaurant, ils poursuivent leur virée nocturne au « Le Mabillon », un bar situé dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. C’est là que Loïk Le Priol est soupçonné d’avoir tiré sur l’ex-rugbyman décédé sur place. Un autre homme, qui aurait également tiré, a été interpellé à Nantes et écroué. Une jeune femme de 24 ans est, quant à elle, suspectée d’avoir conduit une Jeep depuis laquelle les deux hommes auraient tiré sur l’ancien international argentin. Elle a été mise en examen pour complicité d’assassinat et placée en détention provisoire. Comment une altercation peut-elle tourner au drame ?
L’explication est peut-être à trouver dans la personnalité de Loïk Le Priol, ex-membre d’un mouvement d’extrême droite, ancien militaire et créateur de la marque « Babtou Solide » (NDLR : « solidement blanc »), une ligne de vêtements qui surfe sur la vague identitaire et cartonne dans les milieux nationalistes français.
Un ex-membre du GUD
Loïk Le Priol a été militant au sein du GUD (Groupe Union Défense), une organisation étudiante d’extrême droite dissoute en 2017. Connue pour ses actions violentes, ce syndicat des étudiants était très actif dans certaines universités, notamment à la faculté de droit de Assas, au cours des années 1970 avant de perdre peu à peu de l’influence. « Ce jeune homme représente ce que l’ultra-droite produit de pire : des jeunes gens fascinés par la violence, même gratuite, persuadés de la supériorité de la race blanche et allant parfois jusqu’à flirter avec le néo-nazisme », nous explique Claude Moniquet.
« Le GUD, qui n’a jamais recueilli plus de 3% ou 4% aux élections facultaires s’est plutôt illustré dans la rue, faisant le coup de poing contre des organisations d’extrême gauche ou des manifestants. Il s’est petit à petit divisé, délité et a aujourd’hui quasiment disparu. Depuis les années quatre-vingt, j’ai travaillé sur différentes affaires, dans lesquelles on retrouve des anciens du GUD devenu mercenaires après un passage par l’armée, des affaires qui se sont généralement mal terminé. »
Un membre du commando de Montfort
« Dans le cas précis de Loïk Le Priol, on sait qu’il a intégré, à 16 ans, l’Ecole des Mousses de la Marine Nationale, à Brest, une école secondaire préparant à la carrière militaire. Devenu Fusilier marin, il a ensuite réussi des stages de commandos extrêmement durs qui lui ont permis d’intégrer les commandos marine, et plus spécialement le commando de Monfort. Basé à Lorient, fort de quelques dizaines d’hommes, ce commando est l’une des sept unités des forces spéciales issus de la marine (avec les commandos Jaubert, de Penfentenyo, Trépel, Hubert, Kieffer et Ponchardier). C’est une véritable élite, la crème de la crème, des hommes que l’on engage que dans des opérations secrètes, souvent menées en plein territoire hostile », poursuit Claude Moniquet.
Ces vingt dernières années, ces commandos ont été déployés en Afghanistan, en Syrie, en Irak, au Mali, au Sahel et en Somalie. Loïk Le Priol participera à plusieurs opérations extérieures au Mali et à Djibouti entre 2013 et 2015. Il a alors une vingtaine d’année. Son courage au feu lui vaudra deux citations. Il sera ensuite rapatrié, en France, en juillet 2015, en raison d’un état de stress post-traumatique.
Un engagé de l’extrême
Ce n’est pas un secret. Loïk Le Priol est connu de tous comme étant un individu à la violence débridée, particulièrement incontrôlable, y compris avec ses propres camarades.
« L’appétence de ces militants d’extrême droite pour la carrière militaire n’a donc rien d’étonnant. C’est le syndrome du “rêveur casqué” pour reprendre le titre d’un livre de Christian De La Mazière qui s’était engagé dans la Waffen SS française dans les années quarante », nous précise Claude Moniquet.
« L’aventure miliaire y est vue comme une façon d’accomplir le rêve d’hyper-virilité et de violence plus ou moins contrôlée qui est au cœur de la psyché des “ultras’” Le problème pour eux, c’est que l’armée française des années 2000 n’a rien à voir avec leurs fantasmes. Même si on y trouve plus de gens de droite que de gauche, elle est très loin d’être ce nid de factieux que dépeignent un peu rapidement certains. Il s’agit certes d’un milieu dans lequel la hiérarchie prime, mais cette hiérarchie joue son rôle de contrôle et l’institution est extrêmement attentive au risque extrémiste. On tolérera qu’un engagé ait des idées un peu extrêmes, mais seulement s’il reste discret. S’il en fait l’apologie, il sera rapidement repéré et observé de près ».
Une radiation pour faits de violence
Bagarreur, Loïk Le Priol trouve effectivement dans l’exercice militaire la possibilité d’assouvir son besoin de violence. « Les dossiers des militaires et anciens militaires sont strictement confidentiels. Je peux toutefois vous dire qu’il avait déjà été condamné, à l’âge de 18 ans, pour violence volontaire, mais l’armée a fermé les yeux. Un haut gradé des Forces spéciales m’a expliqué qu’il venait de réussir sa formation de Fusilier marin et qu’il était en train de passer les qualifications commandos. Il était très bon, très volontaire. La formation de fusilier est extrêmement dure. Sur 100 fusiliers qui se présentent aux tests des commandos de marine, 6 à 8 seulement sont retenus. De par ses aptitudes, on lui a donné une seconde chance ».
Mais en 2015, à Djibouti, dans un état d’alcoolisme avancé, Loïk Le Priol frappe et tente d’étrangler une prostituée. L’armée le rapatrie en juillet et le met en congé de maladie de longue durée pour stress post-traumatique, avec obligation de soin. Trois mois plus tard, en octobre, il participe, avec quatre autres individus, à une expédition punitive contre un ancien président du GUD, Édouard Klein.
L’homme est frappé, torturé, déshabillé et menacé d’être sodomisé. Inculpé, Loïk Le Priol est placé en préventive. L’armée entame alors une enquête disciplinaire, épluche sa vie, se penche sur les rapports des psychiatres et rompt son contrat en octobre 2017. Pour ces faits, Loïk Le Priol doit passer en jugement le 22 juin prochain au titre de « violences aggravées ».
Des coups et blessures au meurtre
Le 19 mars dernier, vers 6h30 du matin, boulevard Saint-Germain, Loïk Le Priol se trouve dans la voiture d’où partent les 6 coups de feu qui touchent mortellement Federico Martin Aramburu. A ses côtés, Romain Bouvier, autre militant d’ultra-droite, lui aussi en attente de procès, et Lison R., sa petite amie. Une demi-heure avant le drame, une bagarre les avaient opposés au rugbyman et à un de ses amis qui leur reprochaient la manière dont ils s’adressaient à un SDF faisant la manche. Un différend dont l’issue aurait pu être banale. Mais, leur incapacité à dominer leur violence les a fait basculer dans un autre registre.
Aux poursuites pour « violences aggravées » dans l’affaire Klein s’ajoutent aujourd’hui des poursuites pour « homicide » dans l’affaire Aramburu. Loïk Le Priol risque la perpétuité assortie de 18 à 20 ans de sûreté.
Copyright : Sa famille, ses amis et une foule d’anonymes ont rendu hommage à l’ancien rugbyman des Pumas et du Biarritz Olympique en l’église Sainte-Eugénie de Biarritz ce samedi 26 mars