FRANCE/POLITIQUE

Le Pen – Macron : le débat qui fera basculer les sondages

Duel entre Marine Le Pen (RN) et Emmanuel Macron (LREM) pour le second tour. AFP

Ce mercredi 20 avril se déroulera le débat de l’entre-deux tours qui opposera la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, et le président-candidat, Emmanuel Macron (LREM). D’après des experts, cette confrontation verbale ne fait pas gagner l’élection présidentielle, mais elle peut entraîner la chute d’un (e) candidat(e) suite à une faute ou à un écart. Le président-candidat est donné gagnant du second tour prévu le 24 avril, mais il a plus à perdre dans ce débat que sa challenger. Il a un bilan à défendre. Le thème de la rencontre est le pouvoir d’achat, un chapitre que Marine Le Pen a développé intensité durant la campagne. Le décor est planté. Place au débat dont les détails ont été réglés avec minutie par les deux candidats.        

La promesse est délicatement honorable. On entend : « Un débat, ce n’est pas fait pour écraser le mec en face. Ce qui compte c’est de parler aux gens derrière la télé ». Voilà pour les intentions, peu avant LE débat, le seul qui compte, celui qui rythme la vie démocratique et politique en France. Le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, un débat qui, pour la première fois, a été organisé en 1974 et qui, ce mercredi 20 avril 2022, à partir de 21 heures et pendant 2 heures et demie, va opposer les candidats arrivés aux deux premières places du premier tour le 10 avril dernier : Emmanuel Macron (La République En Marche/LREM) crédité de 27,84% des suffrages exprimés, et Marine Le Pen (Rassemblement National/RN), deuxième avec 23,15%. Les politologues hexagonaux aiment à rappeler qu’on a, là, une sorte de match retour, l’aller en 2017 s’étant soldé par un naufrage pathétique de la candidate de l’extrême droite…

Les chaînes de TV proposent, les candidats disposent

Pour un tel débat animé par les journalistes Gilles Bouleau et Léa Salamé, rien n’a été laissé au hasard. Le moindre détail a été négocié : les dirigeants des deux chaînes de télévision organisatrices (TF1, France 2) ont fait des propositions, les états-majors des deux candidats ont disposé. Ainsi, on a appris que le camp Le Pen a refusé deux journalistes du service public : Anne-Sophie Lapix (la présentatrice du 20 Heures de France 2) et Patrick Cohen, jugé pro-Macron…

Il a fallu également régler quelques problèmes matériels, notamment le tirage au sort pour définir lequel des candidats commencera et lequel conclura, la température dans le studio (partout à 19°C), non pas une grande table mais une pour chaque candidat et une autre pour les journalistes, l’intensité de l’éclairage, les plans de coupe ou non, les double fenêtres à l’écran… Les conseillers média de chaque candidat savent parfaitement qu’une image « volée » ou inappropriée peut avoir des effets catastrophiques, d’autant qu’elle sera inévitablement reprise dans la foulée sur les réseaux sociaux.

Mêmes débatteurs, mais…

A la grande différence du « match aller » du printemps 2017, cette fois Emmanuel Macron se présente en président-candidat. Donc, il a un bilan. Qu’il a à défendre ou sur lequel son adversaire va l’attaquer. Avant ce « match retour », les derniers sondages le placent largement en tête (entre 55 et 56%, contre 44 à 45% pour son adversaire), même si demeure l’inconnue (essentielle) du report des voix obtenues par Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise/LFI) au premier tour, soit 21,95% dont environ un quart indique être prêt à voter pour Marine Le Pen, sans oublier près de 28% des inscrits (abstention et bulletin blanc ou nul)…

Un expert de l’institut de sondages IFOP commente : « Généralement, ce débat ne fait pas gagner l’élection, mais il peut, par une faute, par un écart malheureux, la faire perdre ». Un autre, rompu aux débats, est catégorique : « Le candidat doit rester lui-même, ne pas adopter une posture. Ainsi, dans ce débat 2022, l’écueil peut être symbolisé par la lettre A. comme Agressivité pour Marine Le Pen. Comme arrogance pour Emmanuel Macron ».

Louis Aliot, porte-parole de la candidate du RN, ne cache pas sa confiance pour le résultat final : « Ce débat sera déterminant. Il faut compter sur la démobilisation de l’électorat de gauche qui a été biberonné à la haine de Macron pendant cinq ans », tandis qu’un journaliste politique suggère au président-candidat de « faire des interventions courtes (il ne sait pas) ; éliminer totalement « celles et ceux » (c’est ridicule) ; pas trop de chiffres, pas de mots médiévaux ; sourire, être sympa ; ne pas mépriser ouvertement la dame du RN ; parler au futur ».

Quelle préparation dans les deux camps ? 

Chacun des deux participants au débat de ce 20 avril a opté pour une préparation différente. Ainsi, comme une sportive de haut niveau, la candidate du RN, qui ne veut plus qu’on l’assimile à l’extrême droite, s’est mise au vert pendant deux jours dans une maison en Bretagne avec une poignée de conseillers qui ont préparé des fiches sur de nombreux sujets et un sparring-partner qui, physiquement, ressemble à Emmanuel Macron pour des séances de média training et de débats aux allures de jeu de rôle. Elle reviendra à Paris dans l’après-midi précédant le débat. Confidence de Marine Le Pen : « Ce que je souhaite c’est que ce débat se déroule sereinement. Que ce soit une confrontation d’idées ».

De son côté, le président-candidat a décidé de ne rien changer, étant candidat à l’élection présidentielle tout en étant président en exercice et devant ainsi gérer la marche du pays (avec une pandémie du Covid-19 toujours présente) et la situation internationale (avec la guerre des Russes en Ukraine). Toutefois, il a passé son lundi de Pâques dans son bureau de l’Elysée pour préparer le débat avec Alexis Kohler (secrétaire général de l’Elysée), Julien Denormandie (ministre de l’Agriculture, cité régulièrement pour être Premier Ministre en cas d’un second quinquennat de Macron) et Ismaël Emelien (cofondateur d’En marche en 2017 et ex-conseiller au Château), alors que les semaines précédentes, l’équipe du président-candidat a visionné les anciennes déclarations de Marine Le Pen, sur dix ans, pour trouver les meilleurs angles d’attaque… Mieux : la veille du débat, il était en conversation téléphonique avec le président américain Joe Biden et, ce mercredi matin comme chaque semaine à l’Elysée, il présidera le Conseil des ministres…

Confidence d’Emmanuel Macron : « L’enjeu est d’être persuasif et convaincant sans prendre un ton trop professoral », tandis que, avec une pointe d’ironie, son entourage glisse : « Il doit présider pour protéger et décider. Il ne peut pas aller dans une résidence secondaire pour apprendre par cœur des fiches ».

Avant même les premiers échanges des deux candidats arbitrés par Gilles Bouleau (TF1) et Léa Salamé (France2), a fuité le thème tiré au sort qui fera l’ouverture de ce rendez-vous : le pouvoir d’achat. Suivront, dans un ordre qui n’est pas encore défini, la sécurité, la jeunesse, l’écologie et l’environnement, l’international et la gouvernance… « En garde ! Prêts ? Allez ! », comme on dit, dans une compétition d’escrime, avant l’assaut…

Serge Bressan (à Paris)

 

>Record à battre : 30 millions de téléspectateurs…

 

-1974. Valéry Giscard d’Estaing (Républicains Indépendants) vs François Mitterrand (Parti socialiste). Audience : 25 millions téléspectateurs. Population France : 54 millions.

-1981. Valéry Giscard d’Estaing (Républicains Indépendants) vs François Mitterrand (Parti socialiste). Audience : 30 millions. Population : 56 millions.

-1988. Jacques Chirac (RPR) vs François Mitterrand (Parti socialiste). Audience : 30 millions téléspectateurs. Population France : 57 millions.

-1995. Jacques Chirac (RPR) vs Lionel Jospin (Parti socialiste). Audience : 16,78 millions téléspectateurs. Population France : 58 millions.

-2002. Pas de débat, Jacques Chirac (RPR) ayant refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen (Front National)

-2007. Ségolène Royal (Parti socialiste) vs Nicolas Sarkozy (UMP). Audience : 20,46 millions téléspectateurs. Population France : 64 millions.

-2012. François Hollande (Parti socialiste) vs Nicolas Sarkozy (UMP). Audience : 17,79 millions téléspectateurs. Population France : 65 millions.

-2017. Marine Le Pen (Front National) vs Emmanuel Macron (En Marche !). Audience : 16,5 millions téléspectateurs. Population France : 67 millions.