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Vols d’œuvres numériques : DeviantArt se mobilise contre cette pratique frauduleuse


Avec l’arrivée des NFT (Non Fungible Token), les certificats numériques d’authenticité, de nouvelles pratiques frauduleuses sont apparues dans la jungle d’Internet. De nombreux artistes sont actifs sur les réseaux sociaux et publient régulièrement le résultat de leurs travaux : illustrations, vidéos, musiques… Les internautes peuvent ensuite les consulter à leur gré et acheter des biens ou des reproductions imprimés de ces œuvres pour soutenir leur créateur digital préféré. Cependant, avec les NFTs, certains se sont vus « voler » leurs œuvres. Des arnaqueurs ont commencé à « déposer » les NFTs issus d’œuvres ne leur appartenant pas pour ensuite en faire le commerce. DeviantArt, plateforme de publication d’image et d’art digital en ligne a réagi en septembre 2021 et propose un service permettant aux artistes de vérifier si leurs œuvres n’ont pas été volées. Un service que l’entreprise souhaite aujourd’hui étendre. Mais comment peut-on « voler » une œuvre digitale à l’aide d’un NFT ?

Une atteinte aux droits d’auteur

Pour comprendre comment un tel « vol » est possible, il faut retourner à la définition même d’un NFT et son processus de création. Un « Non Fungible Token », ou jeton non-fongible est créé en introduisant les caractéristiques d’une image, d’une musique ou de toute autre production numérique dans une blockchain , et plus particulièrement les blockchains permettant la programmation comme Ethereum.
Une fois cette introduction réalisée, un jeton cryptographique est produit et devient garant de l’origine de l’œuvre originale, il constitue en quelque sorte un « certificat de propriété de l’œuvre originelle ».

Et dans le contexte numérique où un simple clic droit vous permet d’obtenir une copie parfaite d’une œuvre numérique, la tentation est grande de récupérer des œuvres ne vous appartenant pas, d’en produire des NFTs et d’en faire ensuite commerce à votre propre profit et au détriment de l’auteur.

« Une fois qu’une image a été encodée dans la blockchain, même si elle est reconnue comme une infraction, il est peu probable qu’elle soit retirée de la blockchain », explique Liat Gurwicz, responsable du marketing de DeviantArt dans le média spécialisé The Verge.

Un service de détection qui s’ouvre aux artistes extérieurs

C’est à cette problématique que DeviantArt, plateforme d’hébergement d’œuvres numérique, voulait répondre en 2021 avec la création de son service DeviantArt Protect. Ce service propose aux utilisateurs de télécharger certaines de leurs œuvres numériques. Le programme passe ensuite en revue les plateformes d’échanges de NFTs les plus connus comme OpenSea.

La production d’un seul NFT représenterait plus de 200 kilos de gaz carbonique

L’entreprise vient d’annoncer vouloir étendre ce service aux utilisateurs extérieurs à la plateforme. Réservé auparavant aux seuls usagers de DeviantArt, l’offre permet désormais à n’importe quel artiste de déposer jusqu’à 10 œuvres sur le service et de surveiller l’éventuelle apparition de “i” liés à ces œuvres ou leur ressemblant. Les utilisateurs peuvent également s’inscrire au service « Core » de DeviantArt à 3,95 $ par mois, et surveiller jusqu’à 1 000 images totalisant 50 Go.

Le service surveille actuellement les blockchains Ethereum, Klaytn, Polygon, Arbitrum, i Tezos et Flow. Si une correspondance est détectée, les artistes peuvent choisir d’envoyer une demande DMCA (Digital Millenium Copyright Act, loi américaine défendant la propriété intellectuelle numérique) préremplie demandant aux marchés concernés de supprimer le NFT incriminé.

245 000 alertes déjà envoyées

Jusqu’à présent, DeviantArt dit avoir indexé 345 millions de NFT provenant de 8 blockchains différentes et envoyé plus de 245 000 alertes sur des œuvres potentiellement volées. Elle n’a cependant pas révélé combien de ces plaintes ont conduit à une demande de retrait à l’encontre d’une plateforme de vente de NFT.

Ces plateformes s’intéressent de plus en plus au cas de ces NFTs « volés ». Un problème largement reconnu dans le milieu des jetons cryptographiques. OpenSea a récemment mis en place son propre système de détection qui recherche les doublons de NFTs existants sur la plateforme. Cette mobilisation du milieu est un signal positif vers les artistes.

Certaines âmes chagrines pourraient cependant rétorquer que si les artistes ne désirent pas que leurs œuvres deviennent des NFTs sans leur autorisation, il leur suffit de créer un NFT de leur œuvre avant de la publier en ligne.

Cependant, de nombreux artistes ne désirent pas que leurs œuvres deviennent des NFTs et avancent notamment l’impact environnemental des blockchains pour justifier cette décision. Selon le New York Times, la production d’un seul NFT représenterait plus de 200 kilos de gaz carbonique, l’équivalent d’un trajet d’environ 800 kilomètres d’une voiture à essence américaine classique.

L’art numérique a révolutionné le partage d’œuvres artistiques, les NFTs ont permis de nouvelles manières de les voler.

 

Maxime KLASSEN (st)