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Afghanistan: des journalistes TV défient les talibans qui exigent le port d’une burqa à l’antenne


Depuis leur entrée dans Kaboul et leur retour au pouvoir le 15 août 2021, les talibans infligent une série de restrictions à la société civile, dont une grande partie visent à limiter les droits des femmes. Défiant l’ordre reçu début mai de dissimuler leur visage, les présentatrices des principales chaînes de télévision afghanes sont passées à l’antenne ce samedi en ne portant qu’un simple voile. Elles ne veulent pas se soumettre à une vision austère de l’islam imposée par le ministère afghan de la Promotion de la vertu et de la prévention du vice, avec un mahram ou tuteur masculin chargé de surveiller leur tenue, mais aussi leurs déplacements dans la sphère publique, sous peine de sanctions.

Un voile intégral en public

 Le 7 mai dernier, le visage des femmes a fait l’objet de la dernière restriction des talibans. Ils ont annoncé qu’elles devaient porter un voile intégral en public, pour la première fois depuis des décennies. Si les responsables talibans ont présenté le décret sur le voile comme un « conseil », ils ont toutefois prévu des mesures de rétorsion pour toute personne qui ne s’y conformerait pas.

Les femmes travaillant au sein du gouvernement seront licenciées si elles ne respectent pas le nouveau code vestimentaire

 Mohammad Sadeq Akif Mohajir, porte-parole du ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice, a précisé que « cette décision était définitive et qu’il n’y avait pas de discussion possible. Toute personne qui vit sous un système et un gouvernement particulier doit obéir aux lois et aux ordres de ce système, donc elles doivent appliquer l’ordre. Les femmes travaillant au sein du gouvernement seront licenciées si elles ne respectent pas le nouveau code vestimentaire. Les employés risquent également d’être suspendus si leurs épouses ou leurs filles ne s’y conforment pas ». Au pire des sanctions en cas de non-respect de la mesure : l’emprisonnement.

Mais les journalistes femmes des chaînes TOLOnews, Shamshad TV et 1TV sont toutes passées à l’antenne en direct, sans dissimuler leur visage. « Nos consœurs craignent que si elles se couvrent le visage, la prochaine chose qu’on leur dira sera d’arrêter de travailler », a expliqué Abid Ehsas, chef des informations de Shamshad TV à l’AFP. « C’est la raison pour laquelle elles n’ont pas respecté l’ordre jusqu’à présent ».

Un tuteur masculin aux commandes

La plupart des Afghanes portent déjà une forme de hijab, mais les nouvelles restrictions obligent les femmes à porter soit une burqa, soit un niqab complet. C’est leur mahram ou tuteur masculin, qui est généralement un proche parent masculin, qui doit surveiller leur tenue vestimentaire, sous peine de sanctions pour lui également.

Les talibans ont précisé que leur préférence allait à la burqa, « au nom de la tradition ». Cette semaine, à Kaboul, des activistes ont protesté contre cette consigne vestimentaire en portant des tenues traditionnelles afghanes qui ne sont pas des burqa.

« Au cours des huit derniers mois, les talibans n’ont rien fait pour nous, si ce n’est contrôler notre tenue vestimentaire. Nous voulons vivre comme des êtres humains, pas comme des animaux retenus captifs. Il y a une instabilité politique et économique, mais les talibans ne règlent pas ces problèmes en premier lieu », ont-elles déclaré par voie de presse.

Copyright : « Ne nous prenez pas l’air », peut-on lire sur l’une des banderoles des manifestants. Rukhshana Media.

Des restrictions de voyage

Ce n’est pas la seule restriction à laquelle les femmes sont confrontées. Au mois de mars dernier, les talibans ont introduit de nouvelles restrictions pour empêcher les femmes de monter à bord de vols nationaux ou internationaux sans un mahram. Ils ont également déclaré que les femmes cherchant à parcourir de longues distances par la route ne devaient se voir proposer le transport que si elles étaient accompagnées d’un parent masculin.

Les talibans ont repris le pouvoir en août dernier en annonçant un régime plus souple que lors de leur premier règne rigoriste. Mais ils ont ces derniers mois recommencé à réprimer les oppositions et à éroder les libertés, notamment pour les femmes dans l’éducation, le travail et la vie quotidienne.
Ils ont ainsi commencé par exiger que les femmes portent au minimum un hijab, un foulard couvrant la tête, mais laissant apparaître le visage. Puis, début mai, ils leur ont imposé le port en public d’un voile intégral, de préférence la burqa, déjà obligatoire lorsqu’ils étaient au pouvoir de 1996 à 2001.

Les activistes qui militent pour le droit des femmes continuent à faire savoir qu’elles ne souhaitent pas cet immense pas en arrière. Elles déplorent également le manque de soutien de la communauté internationale.

 

Copyright : Les journalistes femmes des chaînes TOLOnews, Shamshad TV et 1TV sont toutes passées à l’antenne, en direct, sans dissimuler leur visage – AFP