EDITO

Le décumul intégral député-bourgmestre ou député-échevin, un arbre qui cache la forêt d’une dérive

BELGA

A l’instar de leurs homologues wallons qui l’avaient entériné en janvier 2018, les députés bruxellois ont voté, mardi 14 juin, le décumul intégral. Concrètement, à l’issue des élections de 2024, aucun élu bruxellois ne peut cumuler un mandat de député (régional ou fédéral) avec un mandat local (échevin, bourgmestre). Ce faisant, les partis politiques entendent ainsi instaurer une nouvelle culture politique en voulant tordre le cou à l’impression que le fait d’être débuté-bourgmestre ou député-échevin est inconciliable ou encore qu’il est impossible de remplir efficacement les deux mandats en raison de la charge de travail qu’imposent les deux mandats. Par ailleurs, l’objectif viserait aussi à montrer une certaine clarté dans l’exercice des mandats politiques ou à montrer au citoyen-électeur que la classe politique opte pour la bonne gouvernance.

Mais il s’agit d’une solution apportée à un faux problème. Car le cumul d’un mandat de député-bourgmestre ou de député-échevin n’est pas forcément une mauvaise chose. Ce cumul permet à l’élu local de faire monter dans les sphères nationale ou régionale les réalités du terrain. Par ailleurs, il assure au député de garder un lien avec la base. Dans le cas bruxellois, seuls 9 députés (régionaux ou fédéraux) sont concernés par le décumul intégral. N’y a-t-il pas d’autres sujets plus importants que la question du cumul des mandats de député et d’élu local ? La population est aujourd’hui confrontée à une grande crise du pouvoir d’achat et les députés occupent leur temps par la question du décumul intégral. Comme si c’est la priorité du moment…

Le décumul intégral député-bourgmestre apportera-t-elle réellement une économie financière dans la gestion publique ? Pas sûr…

Par ailleurs, cette réforme apportera-t-elle réellement une économie financière dans la gestion publique ? Pas sûr, car elle ne fera qu’entraîner une augmentation du nombre de mandataires politiques, avec les émoluments qui y sont liés. De plus, la réforme à Bruxelles s’accompagne d’une revalorisation du traitement des élus locaux. D’ailleurs, cet aspect de la réforme donne plutôt l’impression que c’est pour des raisons financières que les élus cumulent…  Il n’est pas, non plus, exclu que la remontée des problèmes de la base vers le niveau politique supérieur accuse un certain retard entraînant de facto une lenteur dans la réponse.

La déclaration des mandats à la Cour des comptes révèle des situations où des mandataires politiques, des chefs de cabinets, des CEO’s de structures économiques affichent cinq, dix, vingt, trente, quarante mandats, voire plus.

L’analyse vaut également pour la même réforme en Wallonie, mais où 25% des élus peuvent cumuler. La Flandre, plus pragmatique, a plutôt laissé le choix aux élus de cumuler ou pas.

Mais cette réforme concernant le personnel politique n’est pas le vrai débat. Car, la déclaration des mandats à la Cour des comptes révèle des situations où des mandataires politiques, des chefs de cabinets, des CEO’s de structures économiques affichent cinq, dix, vingt, trente, quarante mandats, voire plus. C’est plutôt ici qu’il faut porter la réforme, car comment peut-on remplir efficacement un mandat d’administrateur de structures publiques (sociétés, intercommunales, etc.) quand on en détient autant et qu’il n’y a que 24 heures dans une journée…