Politique

L’Europe tranche en faveur du nucléaire et… du gaz fossile


Le nucléaire et le gaz sont-ils des sources d’énergie climato-compatibles et nécessaires à la transition écologique ? Les députés européens ont répondu par l’affirmative en votant mercredi 6 juillet en séance plénière à Strasbourg pour le maintien de ces deux sources d’énergie dans la taxonomie verte européenne. Les parlementaires européens valident ainsi la proposition de la Commission européenne, faite dans ce sens en mars dernier.

Il faut encore attendre la dernière étape du 11 juillet pour voir si le Conseil de l’Union européenne s’inscrit dans la même voie. Il y a de fortes chances qu’il en soit ainsi, ce qui permettra de classer, dès le 1er janvier 2023, le nucléaire et le gaz fossile parmi les énergies devant aider l’Union européenne dans son ambition d’une décarbonation de son économie. Concrètement, cette option attirera vers des projets relevant du nucléaire et du gaz fossile des milliards d’euros de fonds publics et privés en matière d’investissement.

Outre l’obligation de réduire les émissions polluantes afin de lutter contre le réchauffement climatique, il s’agit aussi de garantir l’indépendance énergétique du continent européen.

En validant la liste de classification écologique intégrant le nucléaire et le gaz, les députés européens font preuve, à l’instar de la Commission européenne, de pragmatisme et de réalisme. Car outre l’obligation de réduire les émissions polluantes afin de lutter contre le réchauffement climatique, il s’agit aussi de garantir l’indépendance énergétique du continent européen. Il faut dire que l’invasion de l’Ukraine par la Russie déclenchant ainsi une guerre aux portes directes de l’Europe a ouvert les yeux aux responsables européens et leur a fait prendre conscience de la dépendance énergétique de l’économie européenne vis-à-vis d’un pays comme la Russie. Par ailleurs, ils ont aussi compris que l’énergie peut également être une arme de guerre pouvant non seulement les fragiliser, mais aussi qu’elle peut avoir un impact considérable sur le pouvoir d’achat des citoyens européens par l’intermédiaire des tarifs d’énergie.

Mais le vote des députés européens après la décision de la Commission européenne a de quoi interpeller. Car on peut comprendre que le nucléaire, dont la question des déchets continue à faire l’objet de recherches avec des solutions déjà dégagées (enfouissement dans la roche, réduction de la toxicité et de la durée de vie, réutilisation, etc.), soit une énergie climato-compatible parce qu’elle n’émet pas de CO2. En revanche, ce n’est pas le cas du gaz fossile dont l’utilisation ou la production émettent du CO2. Que s’est-il donc passé ? Difficile de ne pas penser que du lobbying a été fait en coulisses pour que le gaz fossile soit repris sur la liste des énergies climato-compatibles.

En Belgique, la décision des députés européens conforte les responsables écologistes belges dont la représentante au Gouvernement fédéral, Tinne Van der Straeten (Groen), mais pas totalement. Car si elle leur permet de dire que leur choix pour les centrales au gaz est justifié, puisque l’Europe autorisera leur subventionnement, le vote des députés européens leur donne tort dans leur position dogmatique de forcer la Belgique à renoncer totalement au nucléaire. Il est donc temps d’accélérer les discussions avec Engie/Electrabel pour obtenir la prolongation de 10 ans supplémentaires des deux réacteurs nucléaires (Doel 4 et Tihange 3) au-delà de 2025 et de penser à en prolonger d’autres pour éviter des lendemains qui déchantent pour les ménages et les entreprises belges.

Il ne faut surtout pas renoncer à investir dans les vraies sources d’énergie renouvelables que sont notamment l’éolien, le solaire, la géothermie.

Mais le vote des députés européens ne doit pas faire oublier que même si le nucléaire et… le gaz fossile sont considérés comme des sources d’énergie vertes, il ne faut surtout pas renoncer à investir dans les vraies sources d’énergie renouvelables que sont notamment l’éolien, le solaire, la géothermie, etc. Car pour lutter véritablement contre le réchauffement climatique, outre la sensibilisation des consommateurs à changer leurs habitudes, il faut aussi garantir un mix énergétique.


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  • Il faut préciser – même si les écolos veulent cacher – que le gaz dont il était question dans le texte de la Commission Européenne n’est pas le gaz en général, mais le gaz qu’il a fallu admettre dans la taxonomie pour y faire entrer le nucléaire ; en deux mots, la France et quelques pays voulaient inclure le nucléaire dans la taxonomie, l’Allemagne et d’autres pays ne le voulaient pas et pour faire admettre le nucléaire, il a fallu admettre aussi le gaz, MAIS à certaines conditions, notamment que les investissements ne pouvaient concerner que les centrales au gaz produisant une électricité avec moins de 270 g de CO2/kWh.
    Rappelons que suivant le GIEC, les centrales au gaz émettent 490 g de CO2/kWh.
    Et ça, tout le monde oublie de le dire, ce qui crée la confusion, confusion recherchée par les écolos et tous les eurodéputés qui ont voté avec eux.
    Or pour descendre à 270 g de CO2/kWh, il faut de la cogénération ou de la capture et du stockage de CO2, ce qui n’est toujours pas rentable au stade actuel, ou alors on fricote avec du gaz compensé carbone, voire – encore pire - mélangé à de l’hydrogène.
    Aucun projet actuel de centrale au gaz ne répond à ce critère, en particulier les centrales au gaz que les écolos voudraient installer en Belgique pour remplacer des centrales nucléaires.
    La Commission Européenne veut réduire les émissions de CO2 , soit ; donc compte tenu du retard pris dans la construction de nouvelles centrales nucléaires et de l’intermittence des énergies dites renouvelables, il faut bien accepter un peu de gaz, c’est-à-dire du gaz à moins de 270 g de CO2/kWh, d’où la condition que les Allemands ont bien dû accepter.
    Les 328 eurodéputés qui ont rejeté la proposition s’opposant à l’inclusion des activités nucléaires et gazières à la liste des activités durables sur le plan environnemental ne s’y sont pas trompés : ils ont voté pour le nucléaire et contre le gaz générant de l’électricité avec plus de 270 g de CO2/kWh.
    Les 278 eurodéputés qui soutenaient la proposition soumise au vote (écolos, socialistes, etc.) ont voté à la fois contre le nucléaire et contre le gaz générant de l’électricité avec moins de 270 g de CO2/kWh ; et pour ne pas avoir l’air de voter contre le nucléaire, ils mettaient en avant leur vote contre le gaz en général.

  • Je me permets de revenir sur les prescriptions de la Commission européenne, telles qu'on les trouve sur https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/qanda_22_712 pour lire que les émissions directes annuelles de GES (des centrales au gaz) ne doivent pas dépasser une moyenne de 550kgCO2e/kWh kW de la capacité de l’installation sur 20 ans. 
    Concrètement ça signifie qu'en moyenne annuelle
    sur 20 ans, une centrale au gaz émettant 270 g de CO2e/kWh ne peut fonctionner
    que maximum 2037 heures par an et une centrale au gaz émettant 490 g de
    CO2e/kWh ne peut fonctionner que maximum 1122 heures par an.
    Quelle entourloupette la ministre de l'Énergie
    Tinne Van der Straeten va-t-elle encore trouver pour dire que ces prescription
    ne s'appliquent pas aux deux nouvelles centrales au gaz qu'elle voudrait
    construire pour remplacer nos centrales nucléaires ?

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